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21/02/2019 | FRANCE | N°18LY01022

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 21 février 2019, 18LY01022


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ECT Collecte a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 19 février 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 18 de la Côte-d'Or a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... A....

Par un jugement n° 1601034 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 mars 2018, la société ECT Collecte, représentée par Me Barbier Guiard-Schmid, avoca

t, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La société ECT Collecte a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 19 février 2016 par laquelle l'inspectrice du travail de la section 18 de la Côte-d'Or a refusé d'autoriser le licenciement de M. B... A....

Par un jugement n° 1601034 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 mars 2018, la société ECT Collecte, représentée par Me Barbier Guiard-Schmid, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 29 décembre 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les droits de la défense et le principe du contradictoire n'ont pas été respectés préalablement à la décision de l'inspectrice du travail ;

- l'inspectrice du travail a manqué à son devoir d'impartialité en écartant délibérément des éléments favorables à la société ;

- la décision contestée est entachée d'un défaut de motivation ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation quant à l'existence d'un lien entre le mandat de M. A... et la demande de l'autorisation de licenciement.

La requête a été communiquée au ministre du travail et à M. A..., qui n'ont pas présenté d'observations.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A... a été embauché en 2010 par la société ECT Collecte pour occuper le poste de responsable de développement. Il est titulaire des mandats de membre de la délégation unique du personnel depuis décembre 2013 et de secrétaire du comité d'hygiène de sécurité et des conditions de travail depuis 2014. A la suite d'un avis du médecin du travail du 12 octobre 2015 le déclarant inapte à son poste, la société ECT Collecte, ayant formulé une proposition de reclassement refusée par M. A..., a sollicité le 21 décembre 2015, l'autorisation de procéder à son licenciement pour inaptitude. Le 19 février 2016, l'inspectrice du travail a refusé cette autorisation. La société ECT Collecte relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 2421-5 du code du travail : " La décision de l'inspecteur du travail est motivée (...) ".

3. La décision contestée comporte l'énoncé des considérations de droit et des éléments de fait sur lesquelles elle se fonde, permettant d'établir, selon l'inspectrice du travail, un lien entre le mandat de M. A... et la demande de l'autorisation de le licencier. Ainsi, cette décision est suffisamment motivée.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article R. 2421-11 du code du travail : " L'inspecteur du travail procède à une enquête contradictoire au cours de laquelle le salarié peut, sur sa demande, se faire assister d'un représentant de son syndicat (...) ". Le caractère contradictoire de cette enquête, implique seulement, en ce qui concerne les éléments recueillis au cours de celle-ci, que l'inspecteur mette à même tant l'employeur que le salarié de prendre connaissance de l'ensemble des éléments déterminants qu'il a pu recueillir.

5. Il ressort des pièces du dossier que le représentant de la société ECT Collecte a pris connaissance, le 21 janvier 2016, des documents communiqués par M. A... à l'inspectrice du travail. Si l'inspectrice du travail a procédé à des auditions les 26 et 28 janvier 2016, il ressort des pièces du dossier qu'elle n'a relevé à cette occasion aucun élément utile pour prendre sa décision. Ainsi, la société requérante ayant eu communication des éléments déterminants retenus par l'autorité administrative, celle-ci n'a méconnu ni le principe du contradictoire ni le principe de respect des droits de la défense.

6. En troisième lieu, si l'inspectrice du travail ne s'est pas fondée sur les informations recueillies lors de l'audition de salariés, cette circonstance ne permet pas d'établir qu'elle a manqué à son obligation d'impartialité.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article R. 2421-16 du même code : " L'inspecteur du travail et, en cas de recours hiérarchique, le ministre examinent notamment si la mesure de licenciement envisagée est en rapport avec le mandat détenu, sollicité ou antérieurement exercé par l'intéressé ".

8. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé.

9. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude du salarié, il appartient à l'inspecteur du travail et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise. En revanche, dans l'exercice de ce contrôle, il n'appartient pas à l'administration de rechercher la cause de cette inaptitude. Toutefois, il appartient en toutes circonstances à l'autorité administrative de faire obstacle à un licenciement en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par un salarié ou avec son appartenance syndicale. Par suite, même lorsque le salarié est atteint d'une inaptitude susceptible de justifier son licenciement, la circonstance que le licenciement envisagé est également en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale fait obstacle à ce que l'administration accorde l'autorisation sollicitée. Le fait que l'inaptitude du salarié résulte d'une dégradation de son état de santé, elle-même en lien direct avec des obstacles mis par l'employeur à l'exercice de ses fonctions représentatives est à cet égard de nature à révéler l'existence d'un tel rapport.

10. Il ressort des pièces du dossier que la société ECT Collecte a notamment procédé au début de l'année 2015 à l'analyse des appels téléphoniques de M. A... depuis sa ligne professionnelle, alors qu'il ne disposait pas d'une ligne directe pour l'exercice de son mandat. Si la société ECT Collecte fait valoir qu'elle n'a réalisé cette analyse que dans le but de contester l'attribution d'un marché public, cette circonstance n'est pas établie. En mai 2015, M. A... a fait l'objet d'une retenue, irrégulière sur son salaire en raison de son refus de justifier auprès de la direction de l'entreprise de l'utilisation de ses heures de délégation, ce à quoi il n'était pas tenu. La société ECT Collecte a fait modifier substantiellement le procès-verbal de la réunion du comité d'entreprise du 27 mai 2015, dont le secrétariat était assuré par M. A..., en méconnaissance des dispositions du code du travail. Dans le cadre de l'obligation de reclassement qui lui incombait, la société ECT Collecte a proposé à M. A... un emploi similaire à celui qu'elle lui avait déjà proposé en juillet 2015 dans le cadre de la réorganisation du service qui ne concernait que son poste. Si d'autres représentants du personnel ont déclaré, dans un courriel du 16 octobre 2015, ne jamais avoir fait l'objet de pressions de la part de la direction, les éléments rappelés ci-dessus permettent d'établir l'existence d'un lien entre le mandat de M. A... et la demande de l'autorisation de le licencier. Dès lors, l'inspectrice du travail n'a pas entachée sa décision d'une erreur d'appréciation en considérant que la demande de licenciement de M. A... n'était pas dépourvue de lien avec son mandat.

11. Il résulte de ce qui précède que la société ECT Collecte n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société ECT Collecte est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société ECT Collecte, à M. B... A... et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 février 2019.

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N° 18LY01022


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01022
Date de la décision : 21/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66-07-01-04-035-02 Travail et emploi. Licenciements. Autorisation administrative - Salariés protégés. Conditions de fond de l'autorisation ou du refus d'autorisation. Motifs autres que la faute ou la situation économique. Inaptitude ; maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BARBIER

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-21;18ly01022 ?
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