Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Distribution Casino France a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision de l'inspectrice du travail de la 65ème section du Rhône du 31 mars 2015 refusant d'autoriser la rupture du contrat de cogérance de Mme B... A..., ensemble la décision du ministre du travail, de la formation professionnelle et du dialogue social du 28 octobre 2015 rejetant son recours contre ce refus.
Par un jugement n° 1510856 du 30 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2017, la société Distribution Casino France, représentée par la SCP Joseph Aguera et Associés, avocats, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 30 mai 2017 ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;
3°) de mettre à la charge de Mme A... une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- Mme A..., gérante non-salariée, ne peut pas se prévaloir, de par son statut, des dispositions des articles L. 1226-2 et L. 1226-4 du code du travail, l'article L. 7322-1 de ce code ne prévoyant pas que ces dispositions s'appliquent, par principe, aux gérants non-salariés ;
- elle ne saurait être soumise à une obligation de reclassement concernant Mme A..., l'accord collectif national du 18 juillet 1963 énumérant de manière exhaustive les cas d'obligation de reclassement pesant sur l'entreprise, au nombre desquels ne figure pas l'hypothèse d'un reclassement à la suite d'une inaptitude physique ;
- s'il était reconnu qu'une obligation de reclassement pesait sur elle, aucun poste de gérant non-salarié n'aurait pu être proposé à Mme A... en raison de l'avis d'inaptitude de l'inspecteur du travail, et tout poste proposé aurait nécessairement été incompatible avec son statut de gérante non-salariée, entraînant une dénaturation de la relation contractuelle entre l'intéressée et la société.
La requête a été communiquée à Mme A... et au ministre du travail, qui n'ont pas produit d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution et notamment son Préambule ;
- le code du travail ;
- la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008 ratifiant l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative) ;
- l'accord collectif national du 18 juillet 1963 concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés " gérants mandataires " ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Clot, président,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- les observations de Me Rougerie, avocat de la société Distribution Casino France ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... et son mari avaient conclu avec la société Distribution Casino France un contrat de cogérance pour la gestion de succursales de commerce de détail alimentaire. Elle a été élue membre suppléante du comité des gérants mandataires non-salariés et déléguée gérante titulaire en 2014. Par avis du 18 décembre 2014, le médecin du travail l'a déclarée inapte à tous postes dans l'entreprise. Sur recours de l'intéressée, l'inspecteur du travail l'a, le 10 mars 2015, déclarée inapte au poste de gérant mandataire mais apte à un autre poste tel qu'employé de libre-service ou administratif. Le 17 février 2015, la société Distribution Casino France a sollicité l'autorisation de procéder à la rupture du contrat de cogérance de Mme A... pour inaptitude physique. Le 31 mars 2015, l'inspectrice du travail lui a opposé un refus, confirmé, sur recours de la société Distribution Casino France, par une décision du ministre chargé du travail du 28 octobre 2015. La société Distribution Casino France relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
2. En premier lieu, il résulte des articles L. 2411-1 et suivants du code du travail que les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement de l'un de ces salariés est envisagé, il ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées par l'intéressé ou avec son appartenance syndicale. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre, de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement envisagé, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale du mandat dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.
3. Aux termes de l'article L. 7322-1 dudit code : " Les dispositions du chapitre Ier sont applicables aux gérants non salariés définis à l'article L. 7322-2, sous réserve des dispositions du présent chapitre. / L'entreprise propriétaire de la succursale est responsable de l'application au profit des gérants non salariés des dispositions du livre Ier de la troisième partie relatives à la durée du travail, aux repos et aux congés, ainsi que de celles de la quatrième partie relatives à la santé et à la sécurité au travail lorsque les conditions de travail, de santé et de sécurité au travail dans l'établissement ont été fixées par elle ou soumises à son accord. / Dans tous les cas, les gérants non salariés bénéficient des avantages légaux accordés aux salariés en matière de congés payés. / Par dérogation aux dispositions des articles L. 3141-1 et suivants relatives aux congés payés, l'attribution d'un congé payé peut, en cas d'accord entre les parties, être remplacée par le versement d'une indemnité d'un montant égal au douzième des rémunérations perçues pendant la période de référence. / Les obligations légales à la charge de l'employeur incombent à l'entreprise propriétaire de la succursale. ".
4. Si, à la différence de l'ancien article L. 782-7, qu'elles ont remplacé à la suite de l'intervention de la loi n° 2008-67 du 21 janvier 2008, ces dispositions ne prévoient plus que les gérants non salariés des succursales de maisons d'alimentation de détail " bénéficient de tous les avantages accordés aux salariés par la législation sociale ", le législateur n'a pas entendu exclure ceux d'entre eux qui sont investis de fonctions représentatives du bénéfice de la protection exceptionnelle que prévoit ce code.
5. Dès lors, Mme A..., gérante non-salariée et représentante du personnel, peut se prévaloir de la protection que les dispositions du code du travail accordent aux personnes investies d'un mandat représentatif, qui imposent notamment à l'employeur une obligation de reclassement en cas d'inaptitude, alors même que l'accord national collectif du 18 juillet 1963 concernant les gérants non salariés des maisons d'alimentation à succursales, supermarchés, hypermarchés "gérants mandataires" prévoit des cas de reclassement parmi lesquels ne figure pas l'inaptitude physique.
6. Le 10 mars 2015, l'inspecteur du travail a déclaré Mme A... " inapte au poste de gérant mandataire " en ajoutant qu'un " reclassement sur un poste de type employée libre-service ou administratif est possible ". Il est constant que la société Distribution Casino France n'a entrepris aucune démarche en vue du reclassement de l'intéressée. Dès lors, c'est à bon droit que l'administration lui a refusé l'autorisation de procéder à la rupture de son contrat de cogérance.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Distribution Casino France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Distribution Casino France est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Distribution Casino France, à la ministre du travail et à Mme B... A....
Délibéré après l'audience du 31 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
Mme Dèche, premier conseiller,
M. Savouré, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 21 février 2019.
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N° 17LY02930