La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/02/2019 | FRANCE | N°18LY01299

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 12 février 2019, 18LY01299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 mars 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 20

0 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justi...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 26 mars 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a fixé le pays de destination, d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1802079 du 4 avril 2018, le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 avril 2018, M. E..., représenté par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2018 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation administrative ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

* c'est à tort que le jugement attaqué a écarté le moyen du vice de procédure tiré de l'absence de saisine du médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration en méconnaissance des articles L. 511-4 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que le préfet de l'Isère disposait d'informations précises et circonstanciées ;

* elle méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et d'un défaut d'examen préalable et sérieux de sa situation ;

* elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur le refus de départ volontaire :

* la décision n'est pas suffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen particulier de sa situation ;

* elle méconnaît le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors qu'il ne présente pas de risque de fuite ou de soustraction ;

Sur la décision fixant le pays de destination :

* elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et doit être annulée par voie de conséquence ;

Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :

* elle est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français et doit être annulée par voie de conséquence ;

* il justifie d'une circonstance humanitaire liée à son état de santé ;

* la durée de l'interdiction est manifestement disproportionnée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 mai 2018, préfet de l'Isère conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. E... ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Pierre Thierry a été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant marocain né en 1988, expose qu'il est entré en France au cours de l'année 2015. A la suite de son interpellation, le 26 mars 2018 dans le cadre d'un contrôle d'identité, puis de son placement en rétention, le préfet de l'Isère a décidé par un arrêté du jour même de l'obliger à quitter le territoire français sans délai et lui a interdit de revenir sur le territoire français avant deux ans. M. E... relève appel du jugement par lequel le magistrat délégué du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de cet arrêté.

Sur la légalité de l'arrêté contesté du 26 mars 2018 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...)10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; ". L'article R. 511-1 du même code dispose : " L'état de santé défini au 10° de l'article L. 511-4 est constaté au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Cet avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement l'étranger ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. "

3. Il résulte de ces dispositions que dès lors qu'elle dispose d'éléments d'information suffisamment précis permettant d'établir qu'un étranger, résidant habituellement en France, présente un état de santé susceptible de le faire entrer dans la catégorie des étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire, l'autorité préfectorale doit, lorsqu'elle envisage de prendre une telle mesure à son égard, et alors même que l'intéressé n'a pas sollicité le bénéfice d'une prise en charge médicale en France, recueillir préalablement l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

4. Il ressort des pièces dossier que lors de son audition par un officier de police judiciaire, à la suite de son interpellation, M. E... a déclaré qu'il était diabétique et qu'il avait le projet de former une demande de titre de séjour en qualité d'étranger malade. Pendant sa retenue par la police, en réponse à sa demande, M. E... a été examiné par un médecin afin qu'il se prononce sur son aptitude au maintien en retenue. Ce médecin a conclu que l'état de santé de M. E... était compatible avec son maintien en retenue, à condition de disposer de son matériel de traitement du diabète, notamment de mesure de glycémie et d'administration d'insuline. Le préfet de l'Isère qui ne fait état à aucun moment dans son arrêté des problèmes de santé de M. E..., alors qu'il ne pouvait ignorer les informations ainsi portées à sa connaissance devait recueillir l'avis du collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration avant de prendre la décision contestée. En s'abstenant d'y procéder, le préfet de l'Isère, qui a ainsi privé M. E... d'une garantie, a entaché la décision par laquelle il l'a obligé à quitter le territoire français d'un vice de procédure de nature à justifier son annulation.

5. En deuxième lieu, en raison des effets qui s'y attachent, l'annulation pour excès de pouvoir d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, emporte, lorsque le juge est saisi de conclusions recevables, l'annulation par voie de conséquence des décisions administratives consécutives qui n'auraient pu légalement être prises en l'absence de l'acte annulé ou qui sont en l'espèce intervenues en raison de l'acte annulé. Il en va ainsi, notamment, des décisions qui ont été prises en application de l'acte annulé et de celles dont l'acte annulé constitue la base légale. Il suit de là que doivent être annulées par voie de conséquence les décisions par lesquelles le préfet de l'Isère a interdit à M. E... de revenir sur le territoire français et a fixé le pays de destination.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'ensemble des moyens de la requête, que M. E... est fondé à soutenir que l'arrêté du préfet de l'Isère du 26 mars 2018 est illégal et, par voie de conséquence, que c'est à tort que, par son jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". L'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. ".

8. Eu égard aux motifs du présent arrêt et dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier qu'un changement dans les circonstances de fait ou de droit y fasse obstacle, l'annulation des décisions contestées implique nécessairement que le préfet de l'Isère réexamine la situation de M. E..., dans le respect des prescriptions de l'article R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu de prescrire cette mesure dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans l'attente il lui délivra, en application de l'article L. 512-4 du même code une autorisation provisoire de séjour dans les 15 jours suivant la notification du présent arrêt.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1000 euros qu'il paiera à M. E..., au titre des frais non compris dans les dépens que ce dernier a exposés.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1802079 du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 4 avril 2018 et la décision du 26 mars 2018 du préfet de l'Isère sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Isère, dans les quinze jours qui suivront la notification du présent arrêt de délivrer à M. E... une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation de M. E... qui devra intervenir dans les deux mois qui suivront la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 euros à M. E... en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera délivrée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme D...C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 12 février 2019.

2

N° 18LY01299

sh


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01299
Date de la décision : 12/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-12;18ly01299 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award