Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles ils ont été assujettis à la suite de la vérification de comptabilité de la société Le Club au titre de l'année 2008, ainsi que des pénalités correspondantes.
Par un jugement n° 1607491 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 8 décembre 2017, Mme C..., représentée par Me F..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 octobre 2017 ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions et pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Mme C... soutient que :
- les revenus qui lui auraient été distribués par l'EURL Le Club, laquelle aurait dû être imposée dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, devaient être imposés dans la même catégorie, et non dans celle des revenus de capitaux mobiliers ; le tribunal administratif aurait dû soulever d'office ce moyen ;
- l'administration, qui a été désavouée par la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires, n'apporte par la preuve du montant des revenus distribués ;
- la comptabilité de la SARL Le Club était sincère et probante et l'administration n'établit pas l'existence de dissimulations de recettes ; l'administration n'établit ni insuffisance du taux de bénéfice brut calculé à partir des données de la comptabilité, ni enrichissement des associés ; l'analyse par l'administration de la comptabilité " matières " ne démontre pas l'insuffisante des ventes comptabilisée par rapport aux achats revendus reconstitués ;
- l'administration n'établit ni l'existence ni le montant des revenus distribués ;
- la gérante dirigeant deux établissements de nuit ne peut garantir parfaitement le comportement de l'ensemble de son personnel dont il est difficile de se prémunir.
Par un mémoire en défense enregistré le 10 avril 2018, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :
- Mme C...a expressément opté pour l'impôt sur les sociétés et cette option est irrévocable ;
- le rejet de la comptabilité de la société Le Club était justifié par le non-respect du chemin de révision, les discordances entre le chiffre d'affaires comptabilisé et celui enregistré sur les bandes de contrôles des caisses enregistreuses ou mentionné de façon manuscrite par la société pour le vestiaire, les ruptures de séquentialité des tickets pour les caisses et les incohérences entre les ventes " bar " déclarées et les achats revendus reconstitués ;
- la méthode de reconstitution du chiffre d'affaires du service n'est pas viciée et ne conduit pas à un montant surévalué de chiffre d'affaires ;
- Mme C...est l'associée unique et la gérante de la société Le Club et doit, de ce fait, être considérée comme le seul maitre de l'affaire ;
- la lettre du 12 septembre 2013 permet de comprendre comment le service a calculé le montant des revenus distribués, qui est établi ;
- les insuffisances de la comptabilité, l'importance des minorations de recettes et le caractère grave et répété des erreurs commises mettent en évidence le caractère délibéré des anomalies.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me E..., représentant Mme C... ;
Considérant ce qui suit :
1. La société Le Club, qui exerce une activité de discothèque et dont Mme C... est l'associée unique et la gérante, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2008 et 2009 à l'issue de laquelle elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée. M. et Mme C... ont été assujettis, au titre de l'année 2008, à une cotisation supplémentaire d'impôt sur le revenu notifiée selon la procédure de redressement contradictoire, résultant de la réintégration dans leurs revenus de sommes que l'administration a regardées comme des rémunérations et avantages occultes au bénéfice de Mme C..., imposables sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts. M. et Mme C... ont saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge de ces impositions et des majorations correspondantes. Mme C... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.
2. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Aux termes de l'article 47 de l'annexe II du code général des impôts : " Toute rectification du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés au titre d'une période sera prise en compte au titre de la même période pour le calcul des sommes distribuées. ". Il appartient à l'administration d'établir tant l'existence et le montant des revenus distribués que leur appréhension par la personne qu'elle a désigné comme en étant le bénéficiaire.
3. Mme C... soutient que l'EURL Le Club étant devenue une société unipersonnelle à compter de novembre 2003, elle ne pouvait être imposée à l'impôt sur les sociétés, sauf option expresse pour un tel assujettissement, et devait être imposée à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux, les sommes réputées distribuées devant être imposées entre ses mains dans la même catégorie. Il résulte toutefois de l'instruction, en particulier de la pièce produite en appel par l'administration, que Mme C..., gérante et associée unique de la société Le Club, a souscrit une telle option par courrier du 12 novembre 2003, dans lequel elle a informé l'administration de la réunion des parts sociales entre ses mains et a expressément opté pour l'impôt sur les sociétés. Elle a d'ailleurs par la suite continué à déclarer les revenus de la société à l'impôt sur les sociétés, manifestant ainsi sa volonté de maintenir le bénéfice de cette option. Ainsi, le moyen tiré de ce que les revenus distribués par la société Le Club ne pouvaient être imposés dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers doit être écarté.
4. Il résulte de l'instruction que, lors des opérations de vérification de la comptabilité de la société Le Club, la vérificatrice a constaté un enregistrement comptable des recettes fondé sur des états journaliers de la billetterie, sur lesquels étaient portés de façon manuscrite les montants de recettes des bars et du vestiaire pour chaque soirée. Ces états devaient ensuite être manuellement additionnés pour obtenir le total de chaque mois porté en comptabilité et ne permettaient pas d'identifier les quantités vendues et les modes de paiement sélectionnés, en l'absence de référence à un document de type brouillard de caisse, retraçant les opérations et permettant d'obtenir ce total mensuel. Si Mme C... fait valoir que la société Le Club a produit l'ensemble des bandes de contrôle des caisses enregistreuses, il résulte de l'instruction que ces éléments ne permettaient pas de retrouver, sans addition manuelle, le montant mensuel des recettes, ni ne permettaient d'établir une distinction des encaissements par mode de paiement. Par ailleurs, aucun lien n'était fait entre les documents présentés et les pièces justificatives. La vérificatrice a par ailleurs constaté des incohérences entre, d'une part, les quantités d'alcool vendues qui apparaissent sur les traitements informatiques et, d'autre part, la quantité d'achats d'alcool sur la même période, après prise en compte de la variation de stock. Pour expliquer ces incohérences, Mme C... renvoie à la réalité des conditions d'exploitation, en particulier les soirées au cours desquelles les boissons sont offertes à la clientèle féminine, et aux pratiques du personnel, qui aurait offert des demi-bouteilles au lieu de la bouteille offerte avec certains tickets d'entrée et ne saisirait pas les commandes de façon fiable. Toutefois, cette dernière explication est contredite par l'existence de tourelles de bar, qui enregistrent de façon précise la nature et la quantité d'alcool consommé. Quant aux soirées dédiées à la clientèle féminine, le logiciel de caisse prévoyait l'enregistrement des offerts en tant que tels, par l'utilisation d'une carte dédiée, ce qui a d'ailleurs été en partie le cas et pris en compte par la vérificatrice, et la requérante n'explique pas pourquoi le respect de cette procédure n'a été que partiel. En tout état de cause, cette pratique ne saurait expliquer l'importance des discordances sauf à admettre un chiffre d'affaires déclaré nettement inférieur à celui correspondant aux quantités offertes, ce qui parait peu vraisemblable. Pour expliquer qu'en 2009 les quantités de ventes de champagne enregistrées en comptabilité sont supérieures à celles reconstituées à partir des achats et du stock, Mme C... soutient par ailleurs sans l'établir, qu'une palette de 256 bouteilles de champagne a été oubliée. D'une façon générale, les explications apportées ne suffisent pas à expliquer les écarts importants entre les données apparaissant sur les traitements informatiques et la comptabilité des achats, et la nécessité de se livrer à des suppositions impossibles à vérifier confirme l'absence de caractère fiable de la comptabilité. Ainsi, à supposer même que les discordances relevées entre le chiffre d'affaires comptabilisé et celui résultant de l'addition des états déjà mentionnés et les ruptures de séquentialité des tickets également constatées par la vérificatrice soient à relativiser compte tenu de leur caractère marginal, et quand bien même la commission départementale des impôts directs et taxes sur le chiffre d'affaires aurait émis un avis favorable à la société Le Club sur ce point, l'administration établit suffisamment le caractère non probant de la comptabilité de celle-ci du fait des anomalies décrites ci-avant. L'administration, qui n'avait ni à démontrer l'insuffisance du taux de marge brut dégagé par la société, ni l'enrichissement personnel de l'associée, était donc fondée à l'écarter et à reconstituer le chiffre d'affaires de la société Le Club.
5. Il résulte de l'instruction que le chiffre d'affaires de la société Le Club est composé des recettes des activités " entrées ", " vestiaire ", " bar 1 " et " bar 2 " et que seules les recettes des bars ont fait l'objet de la reconstitution litigieuse. Pour ce faire, la vérificatrice a calculé les achats revendus à partir des factures d'achats de boissons et de la variation des stocks, puis en a soustrait le montant des achats de boissons vendues avec les entrées, lui-même évalué au regard des états de la société relatifs aux entrées augmentés des tickets manquants et non édités. En dernier lieu, l'administration a admis l'application au chiffre d'affaires ainsi reconstitué d'un abattement de 16 % au titre des offerts.
6. En appel, Mme C... oppose principalement à cette méthode le fait que des verres et bouteilles sont vendus via la billetterie, alors qu'ainsi qu'il a été dit, cela a déjà été pris en compte par l'administration. La requérante ne soutient pas sérieusement et cela ne résulte pas de l'instruction, que les montants pris en compte à ce titre seraient insuffisants. Elle oppose également la pratique dite des " offerts ". Toutefois, ainsi qu'il a été dit, et alors que la société disposait d'un logiciel de caisse lui permettant d'identifier les offerts, ce qui a permis à la vérificatrice de soustraire les opérations identifiées comme telles, l'administration a admis l'application d'un abattement supplémentaire de 16 % à ce titre. Il ne résulte pas de l'instruction que ce taux serait insuffisant. Ainsi l'administration, qui établit que la reconstitution de recettes à laquelle elle a procédé n'a pas conduit à une évaluation excessive des bénéfices de la société Le Club, établit de ce fait l'existence et le montant des revenus distribués.
7. L'administration établit par ailleurs la qualité de maitre de l'affaire de Mme C..., gérante et associée unique de la société Le Club, et ainsi son appréhension des revenus distribués, ce qu'elle ne conteste d'ailleurs pas.
Sur les pénalités :
8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
9. En retenant l'importance des sommes non déclarées et la responsabilité de la gérante dans les anomalies constatées dans la tenue de la comptabilité de la société Le Club, l'administration établit le caractère délibéré du manquement et, par suite, le bien-fondé des majorations appliquées sur le fondement des dispositions précitées de l'article 1729 du code général des impôts. La circonstance que la gérante de la société Le Club est également la gérante d'un autre établissement du même type ne saurait ôter aux manquements leur caractère délibéré.
10. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 22 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 12 février 2019.
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N° 17LY04156
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