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07/02/2019 | FRANCE | N°18LY03948

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 07 février 2019, 18LY03948


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 mars 2018 par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de Mme B...D..., son épouse, et de ses enfants Salah et YacineE....

Par un jugement n° 1802235 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018, M. E..., représenté par Me Sabatier, avocat, de

mande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 septemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 14 mars 2018 par laquelle le préfet de la Loire a rejeté sa demande de regroupement familial au profit de Mme B...D..., son épouse, et de ses enfants Salah et YacineE....

Par un jugement n° 1802235 du 18 septembre 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. E....

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 29 octobre 2018, M. E..., représenté par Me Sabatier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 18 septembre 2018 ;

2°) d'annuler la décision du 14 mars 2018 du préfet de la Loire ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui accorder le regroupement familial sollicité au bénéfice de son épouse et de ses deux enfants ou de procéder au réexamen de sa demande dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil la somme de 1 200 euros, au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour son conseil de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

M. E... soutient que la décision :

- qui ne fait pas référence à la présence en France de son fils handicapé, dont il s'occupe seul, n'est pas suffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- est entachée d'une erreur de droit, les stipulations de l'article 4 de l'accord franco-algérien n'exigeant pas un montant minimum de ressources mais seulement qu'elles aient un caractère stable et suffisant, même s'il ne peut plus occuper d'emploi à la suite d'un accident du travail en 2005 et de problèmes de santé ; il dispose d'un logement T3 de taille suffisante pour accueillir son épouse et leurs deux enfants mineurs au regard des dispositions de l'article R. 411-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et porte une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale dans la mesure où, compte tenu de la fragilité avérée de son état de santé, il ne peut plus prendre en charge seul son fils lourdement handicapé ;

- méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, l'intérêt de son fils handicapé, étant de vivre avec ses deux parents ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. E... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 21 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- l'accord du 27 décembre 1968 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leur famille ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

M. E... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., ressortissant algérien, né le 3 juillet 1964, titulaire d'un certificat de résidence de dix ans valable jusqu'en 2022, qui réside en France, sans travailler, avec son fils Zoubir, né en 2010 en Algérie, atteint d'un handicap moteur d'origine cérébrale, a déposé, le 9 février 2017 une demande de regroupement familial au profit de Mme B...D..., son épouse de nationalité algérienne, née le 28 janvier 1975, et de deux de leurs enfants, Salah et YacineE..., nés en Algérie respectivement le 21 mai 2004 et le 24 janvier 2012. Le tribunal administratif de Lyon a, par le jugement du 18 septembre 2018, rejeté la demande de M. E... tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2018 par laquelle le préfet de la Loire a refusé de faire droit à sa cette demande. Par la présente requête, M. E...relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. En premier lieu, la décision en litige comporte l'exposé des motifs de droit et de fait sur lesquels s'est fondé le préfet de la Loire pour rejeter la demande de regroupement familial présentée par M. E..., notamment en raison du caractère insuffisant des ressources. Le préfet n'étant pas tenu de se prononcer sur l'ensemble des arguments présentés par le demandeur, cette décision est suffisamment motivée au regard des exigences aujourd'hui codifiées aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, le préfet de la Loire étant saisi par M. E...d'une demande de regroupement familial pour son épouse et leurs deux enfants résidant en Algérie, la circonstance qu'il n'a pas mentionné la présence en France aux côtés du requérant de son fils handicapé, ni visé l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, ne permet pas d'établir qu'il n'a pas procédé à un examen préalable de la situation personnelle de M. E...avant de refuser sa demande.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 de l'accord franco-algérien : " Les membres de la famille qui s'établissent en France sont mis en possession d'un certificat de résidence de même durée de validité que celui de la personne qu'ils rejoignent. Sans préjudice des dispositions de l'article 9, l'admission sur le territoire français en vue de l'établissement des membres de famille d'un ressortissant algérien titulaire d'un certificat de résidence d'une durée de validité d'au moins un an, présent en France depuis au moins un an sauf cas de force majeure, et l'octroi du certificat de résidence sont subordonnés à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial par l'autorité française compétente. Le regroupement familial ne peut être refusé que pour l'un des motifs suivants : 1 - le demandeur ne justifie pas de ressources stables et suffisantes pour subvenir aux besoins de sa famille. Sont prises en compte toutes les ressources du demandeur et de son conjoint indépendamment des prestations familiales. L'insuffisance des ressources ne peut motiver un refus si celles-ci sont égales ou supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance ; 2 - le demandeur ne dispose ou ne disposera pas à la date d'arrivée de sa famille en France d'un logement considéré comme normal pour une famille comparable vivant en France. (...) Un regroupement familial partiel peut être autorisé pour des motifs tenant à l'intérêt des enfants. (...) ". Aux termes de l'article R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont également applicables aux ressortissants algériens dès lors qu'elles sont compatibles avec les stipulations de l'accord franco-algérien : " (...) les ressources du demandeur et de son conjoint qui alimenteront de façon stable le budget de la famille sont appréciées sur une période de douze mois par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum de croissance au cours de cette période (...) ". L'article R. 421-4 du même code également applicable aux ressortissants algériens dispose : " A l'appui de sa demande de regroupement, le ressortissant étranger présente les copies intégrales des pièces énumérées au 1° et joint les copies des pièces énumérées aux 2° à 4° des pièces suivantes : (...) / 3° Les justificatifs des ressources du demandeur et, le cas échéant, de son conjoint, tels que le contrat de travail dont il est titulaire ou, à défaut, une attestation d'activité de son employeur, les bulletins de paie afférents à la période des douze mois précédant le dépôt de sa demande (...) ".

4. Il résulte de la combinaison des stipulations précitées de l'accord franco-algérien et des dispositions des articles R. 411-4 et R. 421-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le caractère suffisant du niveau de ressources du demandeur est apprécié sur la période de douze mois précédant le dépôt de la demande de regroupement familial, par référence à la moyenne mensuelle du salaire minimum interprofessionnel de croissance au cours de cette même période, même si, lorsque ce seuil n'est pas atteint au cours de la période considérée, il est toujours possible, pour le préfet, de prendre une décision favorable en tenant compte de l'évolution des ressources du demandeur, y compris après le dépôt de la demande.

5. Les ressources de M. E... sont constituées, d'une part, de l'aide personnalisée au logement et de l'aide d'éducation de l'enfant handicapé, prestations familiales exclues des ressources à prendre en compte pour l'appréciation des conditions posées par les stipulations précitées de l'article 4 de l'accord franco-algérien et, d'autre part, du revenu de solidarité active dont le montant mensuel moyen de 667,66 euros reste en deçà du salaire minimum de croissance mensuel net. Par suite, en se fondant sur la circonstance que les ressources de M.E..., qui s'élèvent à 667,66 euros nets mensuels sur une période de douze mois, alors qu'elles devraient atteindre au minimum 1 142,85 euros nets par mois, ne satisfont pas aux conditions posées par les dispositions applicables, le préfet de la Loire n'a pas entaché sa décision de refus d'une erreur de droit.

6. En troisième lieu, si le préfet est en droit de rejeter, comme en l'espèce, une demande de regroupement familial au motif que l'intéressé ne remplirait pas les conditions légales requises, il n'est toutefois pas tenu de la rejeter dans ce cas où il est porté une atteinte excessive au droit de l'intéressé de mener une vie familiale normale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. Il ressort des pièces du dossier que M. E..., qui est arrivé en France en 1996 et s'y est maintenu après un accident du travail survenu en 2005, qui fait obstacle depuis lors, selon ses dires, à ce qu'il puisse retrouver un emploi, y a fait venir en 2012 son fils handicapé, né en 2010, avec l'accord de son épouse, qui réside en Algérie avec leurs quatre autres enfants nés respectivement en 1995, 1997, 2004 et 2012. M. E..., par les attestations médicales qu'il produit, justifie, d'une part, eu égard aux problèmes de santé qu'il rencontre, de difficultés pour prendre en charge son fils handicapé, qui nécessite la présence d'un tiers, et, d'autre part, des conséquences psychologiques pour ce dernier lorsqu'il est éloigné de sa mère. Toutefois, M. E... n'établit ni même n'allègue que les pathologies dont il souffre, ainsi que le handicap dont son fils est atteint, ne pourraient être pris en charge dans leur pays d'origine. Par conséquent, en refusant à M. E... le regroupement familial pour son épouse et deux de leurs quatre enfants demeurés en Algérie, le préfet de la Loire n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

8. En quatrième lieu aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".

9. Compte-tenu de ce qui a été dit précédemment, dans la mesure où il n'est pas établi qu'il n'existerait pas de possibilité de suivi approprié du handicap du fils de M. E... en Algérie où rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision en litige méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. E... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de la décision du 14 mars 2018 portant rejet de sa demande de regroupement familial. Dès lors, ses conclusions aux fins d'injonction et tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. E... est rejetée.

Article 2 : Le présent jugement sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

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N° 18LY03948


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03948
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-02-01 Étrangers. Séjour des étrangers. Autorisation de séjour. Demande de titre de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-07;18ly03948 ?
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