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07/02/2019 | FRANCE | N°18LY03685

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 07 février 2019, 18LY03685


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 mai 2018 par laquelle le préfet de l'Ardèche a ordonné sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1803588 du 13 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 27 décembre 2018, M. C...A..., représenté par la SC

P Couderc, Zouine, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C...A...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 11 mai 2018 par laquelle le préfet de l'Ardèche a ordonné sa remise aux autorités bulgares.

Par un jugement n° 1803588 du 13 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er octobre 2018 et un mémoire complémentaire enregistré le 27 décembre 2018, M. C...A..., représenté par la SCP Couderc, Zouine, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 13 juillet 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche d'enregistrer sa demande d'asile et de réexaminer sa situation, dans le délai de quinze jours suivant la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle dès lors que le préfet n'a pas fait état de la présence de son frère en France ;

- elle méconnaît l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dès lors que le résumé de l'entretien n'étant pas signé par l'agent qui l'a conduit, il ne peut s'assurer de la qualification de celui-ci ;

- elle méconnaît les articles 3 (paragraphe 2, 2ème et 3ème alinéas) et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.

Le préfet de l'Ardèche a produit un mémoire, enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'a pas été communiqué.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 août 2018 du bureau d'aide juridictionnelle prés le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, président-assesseur ;

- les observations de Me Zouine, avocat de M. A... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant afghan, né le 1er janvier 1995, qui est entré irrégulièrement en France le 9 décembre 2017 où il a déposé, le 26 décembre 2017, une demande d'asile, a transité par la Bulgarie, lieu de relèvement de ses empreintes le 27 octobre 2016, puis par l'Autriche et enfin le Danemark où ses empreintes ont été relevées respectivement le 13 septembre 2017 et le 24 octobre 2017. A la suite d'une demande, le 23 février 2018, du préfet du Rhône aux fins de reprise en charge de M. A... auprès des autorités bulgares, autrichiennes et danoises, les autorités bulgares ont, le 27 février 2018, donné un accord explicite de reprise en charge en application de l'article 18-1. c) du règlement (UE) susvisé n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par un arrêté du 11 mai 2018 le préfet de l'Ardèche a ordonné le transfert de l'intéressé aux autorités bulgares. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

4. L'arrêté du préfet de l'Ardèche en litige mentionne : " Considérant l'attestation de demande d'asile en procédure Dublin remise à l'intéressé le 26 décembre 2017, en application des articles L.741-1 et L.741-2 du CESEDA au motif de ses enregistrements au fichier Eurodac en Autriche, au Danemark et en Bulgarie en catégorie I. / Considérant que les autorités bulgares, danoises et autrichiennes ont été saisies le 23 février 2018 par la préfecture du Rhône d'une requête de reprise en charge, que la Bulgarie, 1er Etat membre auquel la demande d'asile de l'intéressé a été adressée, a fait connaitre son accord le 27 février 2018 de reprise en charge en application de l'article 18-1-c ; que la Bulgarie est donc considérée comme l'Etat membre responsable de sa demande d'asile ". La détermination de l'Etat responsable s'opérant lors de la première demande de protection internationale, le préfet de l'Ardèche n'avait pas à faire état des dates auxquelles l'Autriche, puis le Danemark, avaient enregistré les demandes d'asile de M.A.... Cet arrêté est donc suffisamment motivé en droit et en fait, au regard des exigences précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En outre, il n'est pas établi que le préfet de l'Ardèche, notamment en ne mentionnant pas que le frère de M. A...est présent en France, n'aurait pas procédé, au vu des éléments portés à sa connaissance lors de la prise de sa décision, à un examen particulier de la situation personnelle de M.A....

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " Entretien individuel 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. 2. (...) L'entretien individuel a lieu en temps utile et, en tout cas, avant qu'une décision de transfert du demandeur vers l'État membre responsable soit prise conformément à l'article 26, paragraphe 1. 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. (...) 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

6. Le préfet de l'Ardèche a justifié, par la production du résumé de l'entretien, qui s'est déroulé le 26 décembre 2017 à la préfecture de police de Paris, et dans lequel il reprend les principales informations alors fournies par le demandeur, que M. A... avait, conformément aux dispositions de l'article 5 du règlement n°604/2013 du 26 juin 2013 dont il a été fait application, bénéficié d'un entretien individuel en vue de déterminer l'Etat responsable de sa demande d'asile, mené en langue dari comprise par lui, par une personne affectée aux services préfectoraux en charge des demandeurs d'asile dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Le préfet de Police de Paris étant compétent pour enregistrer la demande d'asile de M. A... et procéder à la détermination de l'Etat responsable de cette demande, ses services doivent être regardés comme ayant la qualité, au sens de l'article 5 précité du règlement n° 604/2013, de " personne qualifiée en vertu du droit national " pour mener l'entretien prévu à cet article. Alors qu'aucune disposition n'impose la mention, sur le compte rendu de l'entretien individuel prévu à l'article 5 précité, de l'identité de l'agent qui a mené l'entretien, la circonstance que ni le nom, ni la signature de l'agent ne figurent sur ce compte rendu d'entretien n'est pas de nature à démontrer que celui-ci n'aurait pas été mené par une personne qualifiée en vertu du droit national.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les États membres examinent toute demande de protection internationale présentée par un ressortissant de pays tiers ou par un apatride sur le territoire de l'un quelconque d'entre eux, y compris à la frontière ou dans une zone de transit. La demande est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. (...) ".

8. M. A... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Bulgarie, où il affirme qu'il a subi des traitements inhumains et dégradants et soutient qu'il serait placé en détention et renvoyé en Afghanistan sans examen de sa demande d'asile, dès lors que les Afghans qui demandent l'asile en Bulgarie sont maltraités, placés en détention et n'ont que très peu de chances d'obtenir le bénéfice d'une protection internationale. Toutefois, la Bulgarie est un Etat-membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New-York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et dans les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, il ne ressort pas des pièces du dossier que les autorités bulgares, qui ont donné leur accord à la demande de reprise en charge adressée par les autorités françaises, ne sont pas en mesure de traiter la demande d'asile du requérant dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et que M. A... encourt en Bulgarie un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, La décision de transfert contestée ne méconnaît donc pas les dispositions précitées du 2. de l'article 3 du règlement (UE) du 26 juin 2013.

9. En quatrième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

10. M. A... n'établit ni les maltraitances personnelles alléguées en Bulgarie, ni les risques qu'il encourrait s'il y était transféré, ni que sa demande d'asile a été examinée par ce pays et rejetée en son absence et que son transfert vers ce pays conduira de ce fait à son éloignement à destination de Kaboul. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision de transfert en litige méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

11. En cinquième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

12. En se prévalant de la seule circonstance que son frère résidait en France, M. A... n'établit pas que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire, prévue au 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui permet à un Etat d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président assesseur,

MmeB..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

N° 18LY03685 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03685
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SCP COUDERC - ZOUINE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-07;18ly03685 ?
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