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07/02/2019 | FRANCE | N°17LY04120

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 07 février 2019, 17LY04120


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Matso a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 25 août 2016 par laquelle le maire de la commune d'Auxonne a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section BV n° 82 de 15 930 m² située au lieu-dit Le Charmoy.

Par un jugement n°1602809 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement le 6 décembre

2017 et le 27 septembre 2018, la SAS Matso, représentée par Me Barberousse, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SAS Matso a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 25 août 2016 par laquelle le maire de la commune d'Auxonne a exercé le droit de préemption urbain sur la parcelle cadastrée section BV n° 82 de 15 930 m² située au lieu-dit Le Charmoy.

Par un jugement n°1602809 du 27 septembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique enregistrés respectivement le 6 décembre 2017 et le 27 septembre 2018, la SAS Matso, représentée par Me Barberousse, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 27 septembre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 25 août 2016 du maire de la commune d'Auxonne ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Auxonne la somme de 3 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision est entachée d'insuffisance de motivation dès lors qu'elle n'indique pas la nature du projet d'aménagement envisagé et que le tribunal, à tort, a considéré que la décision trouve une motivation par référence à la délibération du 25 juillet 2006 qui, d'une part, n'a pas été annexée à la décision en litige, et, d'autre part, ne répond pas aux exigences de l'article L 210-1 du code de l'urbanisme, car elle étend le périmètre du droit de préemption urbain, de façon générale sur l'ensemble des zones urbaines et à urbaniser du territoire communal, sans identification de la nature de l'action de l'opération d'aménagement poursuivie eu égard aux caractéristiques du bien préempté et du secteur géographique dans le lequel il se situe ;

- en méconnaissance de l'article L 210-1 précité, l'existence d'un projet préalable d'aménagement de la commune sur le secteur du Charmoy n'est pas établie, dès lors que, depuis la création de la zone AU1c en 2006, la commune n'a initié aucune procédure tendant à créer une zone d'activités dans ce secteur ou à s'en assurer la maîtrise foncière et ce malgré les modifications successives apportées au projet porté depuis 2008 par l'enseigne Leclerc ;

- la décision est entachée d'erreur de droit dès lors qu'elle se fonde sur la seule volonté de la commune d'éviter la spéculation immobilière, laquelle est de pure circonstance ;

- la décision est entachée d'une erreur d'appréciation et d'un détournement de pouvoir dès lors que l'intérêt général poursuivi n'est pas démontré, la parcelle étant insuffisamment desservie par les réseaux routiers et que l'objectif consiste seulement à privilégier le projet d'extension d'une enseigne commerciale, soumis le 13 septembre 2016 à l'appréciation de la commission départementale d'aménagement commercial, laquelle est implantée depuis janvier 2016 dans la commune, au détriment du projet concurrent qu'elle-même portait.

Par un mémoire, enregistré le 22 juin 2018, la commune d'Auxonne, représentée par la SCP Chaton-Grillon-Brocard-Gire, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que les moyens soulevés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Souteyrand, rapporteur,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

-et les observations de Me Barberousse, avocat de la société Matso, et de Me Brocard, avocat de la commune d'Auxonne ;

Considérant ce qui suit :

1. La société Matso a, en vue de permettre l'implantation de surfaces commerciales, signé le 5 juin 2016 un compromis pour la vente au prix de 319 460 euros d'une parcelle de 15 930 m², située au lieu-dit " Le Charmoy " dans la zone AU1c du plan local d'urbanisme de la commune d'Auxonne. Par une décision du 25 août 2016, le maire de la commune d'Auxonne a exercé le droit de préemption urbain sur cette parcelle pour le prix de 159 730 euros. La société Matso, en sa qualité d'acquéreur évincé, interjette appel du jugement du 27 septembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision du maire du 25 août 2016.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. L'article L. 210-1 du code de l'urbanisme, dispose : " Les droits de préemption institués par le présent titre sont exercés en vue de la réalisation, dans l'intérêt général, des actions ou opérations répondant aux objets définis à l'article L. 300-1, à l'exception de ceux visant à sauvegarder ou à mettre en valeur les espaces naturels, ou pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation desdites actions ou opérations d'aménagement. / (...) / Toute décision de préemption doit mentionner l'objet pour lequel ce droit est exercé. Toutefois, lorsque le droit de préemption est exercé à des fins de réserves foncières dans la cadre d'une zone d'aménagement différé, la décision peut se référer aux motivations générales mentionnées dans l'acte créant la zone. / Lorsque la commune a délibéré pour définir le cadre des actions qu'elle entend mettre en oeuvre pour mener à bien un programme local de l'habitat (...), la décision de préemption peut (...) se référer aux dispositions de cette délibération. Il en est de même lorsque la commune a délibéré pour délimiter des périmètres déterminés dans lesquels elle décide d'intervenir pour les aménager et améliorer leur qualité urbaine ". L'article L. 300-1 du même code dispose : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en oeuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. / L'aménagement, au sens du présent livre, désigne l'ensemble des actes des collectivités locales ou des établissements publics de coopération intercommunale qui visent, dans le cadre de leurs compétences, d'une part, à conduire ou à autoriser des actions ou des opérations définies dans l'alinéa précédent et, d'autre part, à assurer l'harmonisation de ces actions ou de ces opérations (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que, pour exercer légalement le droit de préemption urbain, les collectivités titulaires de ce droit doivent, d'une part, justifier, à la date à laquelle elles l'exercent, de la réalité d'un projet d'action ou d'opération d'aménagement répondant aux objets mentionnés à l'article L. 300-1 du code de l'urbanisme, alors même que les caractéristiques précises de ce projet n'auraient pas été définies à cette date, et, d'autre part, faire apparaître la nature de ce projet dans la décision de préemption. En outre, la mise en oeuvre de ce droit doit répondre, eu égard notamment aux caractéristiques du bien faisant l'objet de l'opération ou au coût prévisible de cette dernière, à un intérêt général suffisant.

4. Pour exercer, par la décision en litige, le droit de préemption urbain au nom de la commune d'Auxonne, le maire a relevé que la parcelle en litige se situe " dans le périmètre de la zone AU1c du Charmoy du plan local d'urbanisme (PLU) approuvé le 25 juillet 2006, sur laquelle le conseil municipal a étendu l'application du droit de préemption urbain par sa délibération de même date ", et que le " le PADD (plan d'aménagement et de développement durables) de 2006 prévoit de favoriser l'offre en matière d'implantation d'entreprises ". Il a également considéré, d'une part, que la préemption était justifiée par la volonté de constituer une " réserve foncière en vue de la création et de l'aménagement de la zone d'activité Le Charmoy dont elle a défini les principes d'aménagement " et, d'autre part, que " son objectif s'inscrit donc dans un projet d'aménagement de l'ensemble au sens de l'article L 300-1 du code de l'urbanisme " et que " pour pouvoir maintenir le devenir de la zone il convient d'éviter les surenchères ".

5. Il ressort des pièces du dossier que, si la commune d'Auxonne a prévu, depuis 2006, un projet d'action à fin de créer, dans la zone AU1c, la zone d'activités future du Charmoy, sur une surface de 40 hectares, dans laquelle s'est implanté en janvier 2016 un magasin à l'enseigne Leclerc de 3 500 m² de surface de vente, depuis lors, dans cette même zone, la commune n'a elle-même engagé qu'une seule action d'acquisition de parcelles de terrain en février 2007. En outre, si le projet vise, par la constitution de réserves foncières, destinées à maîtriser l'évolution du prix des parcelles, à permettre, dans un cadre économique favorable, l'accueil d'entreprises dans la zone d'activité du Charmoy et à prévenir " les surenchères " dans cette zone, de telles considérations, vagues et dépourvues de toute référence à un projet, même imprécis, concrétisant les ambitions de la commune en matière d'accueil d'activités économiques, ne pouvaient suffire à justifier une décision de préemption de la commune d'Auxonne. La société Matso est donc fondée à soutenir que la commune d'Auxonne a méconnu les dispositions précitées de l'article L. 210-1 du code de l'urbanisme.

6. Aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier ". En l'état du dossier, aucun des autres moyens de la requérante ne paraît de nature à justifier l'annulation de la décision du maire de la commune d'Auxonne.

7. Il résulte de ce qui précède que la SAS Matso est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du maire d'Auxonne du 25 août 2016.

Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la société Matso, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme demandée à ce titre par la commune d'Auxonne. Il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Auxonne la somme de 2 000 euros au titre des frais relatifs au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du 27 septembre 2017 du tribunal administratif de Dijon est annulé.

Article 2 : la décision du maire d'Auxonne du 25 août 2016 est annulée.

Article 3 : La commune d'Auxonne versera à la société Matso la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société Matso et à la commune d'Auxonne.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeA..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

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N° 17LY04120


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY04120
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-02-01-02 Urbanisme et aménagement du territoire. Procédures d'intervention foncière. Préemption et réserves foncières. Réserves foncières.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Eric SOUTEYRAND
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : BARBEROUSSE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-07;17ly04120 ?
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