La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/02/2019 | FRANCE | N°17LY03972

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 07 février 2019, 17LY03972


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a prescrit l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1702313 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregis

trée le 23 novembre 2017, M.E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jug...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...E...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 6 mars 2017 par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a prescrit l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourra être renvoyé d'office.

Par un jugement n° 1702313 du 26 octobre 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 23 novembre 2017, M.E..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 26 octobre 2017 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées du préfet du Rhône du 6 mars 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat, le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

M. E...soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier faute pour le tribunal d'avoir respecté le principe du contradictoire en lui communiquant le mémoire en défense du préfet ;

S'agissant de la décision portant refus de titre de séjour :

- elle a été prise aux termes d'une procédure irrégulière, le préfet n'ayant pas consulté la commission du titre de séjour, comme l'impose l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation familiale ;

- la décision méconnaît l'article L. 313-11 11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle a été prise en méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences d'une telle mesure d'éloignement sur sa situation personnelle ;

- elle méconnait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi : elle est illégale du fait de l'illégalité du refus de certificat de résidence et de l'obligation de quitter le territoire français ;

Par un mémoire enregistré le 25 janvier 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé et se rapporte, pour le surplus, à ses écritures de première instance.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M.E..., ressortissant arménien né en 1983, est entré irrégulièrement en France en novembre 2012 et a déposé une demande d'asile qui a été rejetée par décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 28 mai 2014, confirmée, le 11 octobre 2016, par la Cour nationale du droit d'asile. Entre-temps, il a sollicité un titre de séjour pour raisons de santé, que le préfet du Rhône lui a refusé par décision du 21 janvier 2015, devenue définitive. Il a réitéré, en novembre 2016, cette demande, qui a également été rejetée par un arrêté du 6 mars 2017, par lequel le préfet du Rhône a refusé de lui accorder un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination. M. E... relève appel du jugement du 26 octobre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire (...) ". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties (...) Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il résulte de ces dispositions, destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction, que la méconnaissance de l'obligation de communiquer le premier mémoire d'un défendeur est en principe de nature à entacher la procédure d'irrégularité. Il n'en va autrement que dans le cas où il ressort des pièces du dossier que, dans les circonstances de l'espèce, cette méconnaissance n'a pu préjudicier aux droits des parties

4. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de la fiche d'instruction de l'affaire issue de l'application Télérecours, que l'unique mémoire en défense du préfet du Rhône a été enregistré par le greffe du tribunal administratif de Lyon le 8 septembre 2017, soit avant la clôture de l'instruction. Il appartenait, dès lors, au tribunal, qui a d'ailleurs visé et analysé ce mémoire, qui contenait des moyens de défense, de le communiquer au demandeur. En s'abstenant de procéder de la sorte, le tribunal a méconnu les exigences qui découlent des dispositions précitées de l'article R. 611-1 du code de justice administrative et qui sont destinées à garantir le caractère contradictoire de l'instruction. Il suit de là que M. E... est fondé à soutenir que le jugement attaqué est intervenu à la suite d'une procédure irrégulière et à en demander, pour ce motif, l'annulation.

5. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée devant le tribunal administratif par M. E....

En ce qui concerne la légalité du refus de séjour :

6. En premier lieu, la décision en litige a été signée par MmeB..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration, investie à cet effet d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du préfet du Rhône du 26 septembre 2016, régulièrement publié le 30 du même mois au recueil des actes administratifs de la préfecture. Par suite, le moyen tiré du vice d'incompétence doit être écarté.

7. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la lecture de la décision contestée qu'en ne rappelant pas que M. E...est marié avec une compatriote, également présente sur le territoire français, et que le couple était parent d'un enfant décédé en France en 2014, à l'âge de deux ans, le préfet du Rhône aurait négligé de procéder à un examen attentif de la situation personnelle et familiale de M.E.... Par suite, le moyen tiré du défaut d'examen sérieux de sa situation doit être écarté.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que M. E...présente des troubles psychiques et une souffrance morale accompagnée d'apragmatisme, de troubles du sommeil et de céphalées consécutifs aux persécutions qu'il aurait subies en Russie et qui seraient également liés à la mort de son jeune fils. Par un avis du 30 novembre 2016, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de l'intéressé nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié dans son pays d'origine.

10. Pour s'écarter de l'appréciation portée par le médecin de l'agence régionale de santé et établir l'existence de structures sanitaires et la disponibilité des soins permettant de prendre en charge en Arménie l'affection dont souffre M.E..., le préfet du Rhône, qui n'était pas lié par cet avis, s'est notamment fondé sur les informations communiquées par l'ambassade de France en Arménie qui établissent l'existence de soins psychiatriques adaptés au traitement de la pathologie du requérant et attestent de la disponibilité des médicaments nécessaires. En se bornant à soutenir que le préfet ne pouvait prendre en compte ces éléments au motif que la vice-consule auprès de l'ambassade de France à Erevan n'avait pas la qualité de médecin et que le préfet devait s'en remettre à l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, M. E...n'apporte aucun élément précis de nature à établir l'indisponibilité des traitements appropriés à sa pathologie en Arménie. En outre, le certificat médical, établi le 1er décembre 2014, ne comporte aucun élément de nature à remettre utilement en cause l'appréciation portée par le préfet. Enfin, M. E...ne peut se prévaloir utilement de la circulaire du secrétaire d'Etat à la santé du 10 novembre 2011, qui est dépourvue de portée réglementaire. Par suite, le préfet du Rhône n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse, en refusant de délivrer à M. E... le titre de séjour sollicité sur ce fondement.

11. En quatrième lieu, l'autorité préfectorale n'est tenue de saisir la commission départementale du titre de séjour que du seul cas des étrangers qui remplissent effectivement les conditions posées pour l'obtention de plein droit d'un titre de séjour, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent d'un tel droit. Il résulte de ce qui a été dit au point 10 que M. E... ne remplit pas les conditions de délivrance de plein droit d'un titre de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par suite, le préfet du Rhône, en s'abstenant de saisir préalablement la commission départementale du titre de séjour, n'a commis aucune irrégularité.

12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, " toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " et " il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

13. Si M. E...se prévaut de la présence en France de son épouse, sans au demeurant justifier de la régularité de son séjour, il ne ressort pas des pièces du dossier l'impossibilité de reconstituer son foyer, avec son épouse et leur enfant en très bas âge, né le 1er avril 2016, hors de France alors que ni la douleur morale consécutive au décès de leur fils aîné en 2014, à l'âge de deux ans, ni la présence en France de la sépulture de cet enfant ne peuvent suffire à démontrer l'ancrage, sur le territoire national, de l'essentiel des intérêts privés et familiaux du requérant. Ainsi qu'il a été dit au point 10 le requérant ne démontre pas ne pas pouvoir être soigné dans son pays d'origine. Il n'est pas justifié d'une insertion significative dans la société française. Dans ces conditions, le refus de titre de séjour contesté ne peut être regardé comme portant une atteinte excessive au droit de M. E... au respect de sa vie privée et familiale et comme ayant dès lors été pris en violation de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

14. En dernier lieu, dès lors que le refus de titre de séjour contesté n'implique pas la séparation de l'enfant du requérant de l'un ou l'autre de ses parents, et alors que la seule circonstance que cet enfant en très bas âge est né sur le sol français ne saurait quant à elle suffire à établir que la décision en litige porte atteinte à son intérêt supérieur, le moyen tiré de la violation de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne saurait dès lors être accueilli.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

15. Il résulte de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour qui lui a été opposé, que M. E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français.

16. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, la décision obligeant M. E... à quitter le territoire français n'a pas été prise ni en méconnaissance de l'article L. 511-4 10° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas davantage été méconnues et la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressé.

En ce qui concerne la légalité de la décision fixant le pays de destination :

17. Il résulte de ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour et de celle l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de destination. Contrairement aux allégations du requérant, il n'est nullement établi qu'en conséquence de la décision fixant l'Arménie comme pays de destination, il serait nécessairement séparé de son épouse.

18. Il résulte de tout ce qui précède que M. E...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 6 mars 2017 du préfet du Rhône. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1702313 du tribunal administratif de Lyon du 26 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. E...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Seillet, président,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeC..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 7 février 2019.

2

N° 17LY03972


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03972
Date de la décision : 07/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. SEILLET
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-07;17ly03972 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award