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05/02/2019 | FRANCE | N°18LY00518

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 05 février 2019, 18LY00518


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 17 juillet 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, en cas d'annulation pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, dans le délai de trente jours à compter de la notification du jug

ement, sous astreinte journalière de 100 euros sous les mêmes conditions d'astreinte, ou, en ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Isère du 17 juillet 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de destination ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, en cas d'annulation pour un motif de fond, de lui délivrer un titre de séjour lui permettant d'exercer une activité salariée, dans le délai de trente jours à compter de la notification du jugement, sous astreinte journalière de 100 euros sous les mêmes conditions d'astreinte, ou, en cas d'annulation pour un motif de forme, de réexaminer sa demande et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans le même délai et sous la même astreinte ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1705969 du 29 décembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 9 février 2018, M. B...A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats Associés, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 décembre 2017 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet de l'Isère du 17 juillet 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire d'une durée d'un an portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas procédé à un examen préalable de sa situation en n'examinant pas sa demande sur le fondement de l'admission au séjour en qualité de salarié ;

- le refus de titre de séjour méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les stipulations de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, celles de l'article 20 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il a été pris en violation de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- il procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette obligation méconnaît les stipulations de l'article 7 de la Charte de droits fondamentaux de l'Union européenne et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant et celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- elle procède d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit de mémoire.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant turc né le 3 mars 1978, est entré en France pour la dernière fois en mai 2013 sous couvert d'un visa de court séjour, après avoir mis à exécution une obligation de quitter le territoire français dont il a fait l'objet le 25 mars 2013. Il a demandé le 18 mars 2016 la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il relève appel du jugement du 29 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Isère du 17 juillet 2017 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, M. A...soutient que le préfet s'est borné à examiner sa demande d'admission au séjour sous l'angle de la vie privée et familiale sans l'examiner au regard de la qualité de salarié alors qu'il avait connaissance d'une promesse d'embauche dont il faisait état. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère n'a été saisi par M. A...d'une demande de titre de séjour que sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et non, comme il le prétend, sur celui de l'article L. 313-14 du même code. Dès lors, le préfet de l'Isère, qui n'était pas tenu d'examiner sa demande sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui était toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé, n'a pas entaché sa décision de défaut d'examen particulier de la situation de M.A....

3. En deuxième lieu, le 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : " A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 313-2 soit exigée. (...). ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ". Aux termes de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de ses communications. " ;

4. Il ressort des pièces du dossier que M.A..., qui résidait en France depuis quatre ans à la date du refus de titre de séjour en litige, a épousé, le 21 octobre 2014, une compatriote titulaire d'une carte de résident dont il a fait la connaissance lors d'un précédent séjour en France, entre 2009 et 2013. De cette union, un enfant est né le 13 septembre 2015. Son épouse est par ailleurs mère de deux enfants de nationalité française nés en 2005 et 2006 d'une précédente relation. Toutefois, l'intéressé s'est maintenu en situation irrégulière en France pendant trois ans avant de solliciter un titre de séjour et ne démontre pas son intégration professionnelle par la simple production d'une promesse d'embauche. Par ailleurs, si trois de ses frères résident en France, il dispose d'attaches familiales importantes dans son pays d'origine, où vivent ses parents, six de ses frères et soeurs et ses trois enfants issus d'une première union. Alors que, en matière d'immigration, l'article 8 ne saurait s'interpréter comme comportant pour un État l'obligation générale de respecter le choix, par les couples mariés, de leur pays de résidence, M. A..., qui entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial et ne peut se prévaloir des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précité du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'est pas fondé à soutenir que le refus de titre de séjour que lui a opposé le préfet de l'Isère porterait une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 7 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Il n'est pas davantage fondé, pour les mêmes motifs, à soutenir que ce refus procéderait d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

5. En troisième lieu, si le refus de titre de séjour en litige a pour effet de séparer l'enfant du couple de son père ou de sa mère, cette séparation, le temps de l'instruction d'une procédure de regroupement familial, présente un caractère provisoire et ne fait pas obstacle à ce que son épouse rende visite à M. A...en Turquie au cours de cette période. Ainsi, ce refus ne méconnaît ni les stipulations de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, ni celles de l'article 24 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

En ce qui concerne la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. En premier lieu, M. A...n'ayant pas démontré l'illégalité du refus de titre de séjour, il n'est pas fondé à s'en prévaloir, par la voie de l'exception, à l'appui de ses conclusions dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français.

7. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour, doivent être écartés les moyens tirés de ce que la décision en litige porterait une atteinte disproportionnée au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale, méconnaîtrait l'intérêt supérieur de l'enfant et serait entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation de M.A....

8. Il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les conclusions de sa demande dirigées contre l'arrêté du préfet de l'Isère du 17 juillet 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

9. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'appelle aucune mesure d'exécution.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 15 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 5 février 2019.

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N° 18LY00518

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00518
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU et SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/03/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-05;18ly00518 ?
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