La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

05/02/2019 | FRANCE | N°17LY02247

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 05 février 2019, 17LY02247


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Valency a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Châteauneuf-de-Galaure à lui verser la somme de 250 139 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité d'une décision de préemption du 17 janvier 2004 et du retrait illégal du permis de lotir obtenu le 9 avril 2003.

Par un jugement n° 1601169 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Châteauneuf-de-Galaure à verser à la SELARL Alliance MJ, liquidateu

r judiciaire de la SARL Valency, la somme de 19 032 euros, assortie des intérêts au...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La SARL Valency a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Châteauneuf-de-Galaure à lui verser la somme de 250 139 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'illégalité d'une décision de préemption du 17 janvier 2004 et du retrait illégal du permis de lotir obtenu le 9 avril 2003.

Par un jugement n° 1601169 du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Châteauneuf-de-Galaure à verser à la SELARL Alliance MJ, liquidateur judiciaire de la SARL Valency, la somme de 19 032 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2011 et de la capitalisation des intérêts échus le 15 mars 2017.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juin 2017, la SELARL Alliance MJ, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de réformer ce jugement du 4 avril 2017 en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande ;

2°) de condamner la commune de Châteauneuf-de-Galaure à lui verser la somme totale de 231 107 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 24 décembre 2011 et capitalisation des intérêts au 30 octobre 2015 et à chaque échéance annuelle ultérieure ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-de-Galaure la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune de Châteauneuf-de-Galaure est entièrement responsable des conséquences de la délibération du 17 janvier 2004 par laquelle le conseil municipal a préempté son terrain et de l'arrêté du 2 février 2004 par lequel le maire de la commune a retiré le permis de lotir qui lui avait été délivré, lesquelles sont entachées d'illégalité fautive ;

- son préjudice est constitué des frais internes de gestion engagés en vue de la réalisation du projet, qui peuvent être évalués à la somme de 31 850 euros ;

- elle a subi un manque à gagner qui peut être évalué à 17 150 euros s'agissant des honoraires de gestion, et à 152 107 euros s'agissant du bénéfice escompté ;

- elle a subi des troubles dans son organisation et son fonctionnement, qui peuvent être évalués à la somme de 30 000 euros ;

- elle a droit à la capitalisation des intérêts à compter de la première demande en ce sens, soit le 30 octobre 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2017, la commune de Châteauneuf-de-Galaure, représentée par la SELAS Cabinet Follet et Rivoire Avocats, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le préjudice correspondant aux frais de gestion internes est éventuel, dès lors qu'il s'agit de frais prévisionnels non engagés, et n'est pas établi dans son montant ;

- le manque à gagner doit être regardé comme purement éventuel ;

- l'existence de troubles dans l'organisation et le fonctionnement de la société n'est pas établie.

La clôture d'instruction a été fixée au 21 septembre 2018 par une ordonnance du 29 août précédent.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Thierry Besse, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Véronique Vaccaro-Planchet, rapporteur public,

- les observations de Me A..., représentant la SELARL Alliance MJ ;

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 9 avril 2003, le maire de Châteauneuf-de-Galaure a autorisé la SARL Valency à lotir un ensemble de terrains d'une superficie de 11 819 m2. Par délibération de son conseil municipal du 17 janvier 2004, la commune a décidé d'exercer son droit de préemption sur ces parcelles après avoir reçu la déclaration d'aliéner portant sur celles-ci, dont la SARL Valency s'apprêtait à faire l'acquisition. Par arrêté du 2 février 2004 et au motif que la SARL Valency n'avait pas justifié du titre l'autorisant à réaliser l'opération envisagée sur ces terrains, le maire de Chateauneuf-de-Galaure a retiré l'autorisation de lotir qu'il lui avait délivrée. Les décisions des 17 janvier et 2 février 2004 ont été respectivement annulées par un jugement du tribunal administratif de Grenoble du 11 octobre 2007 et par un arrêt de la cour administrative de Lyon du 2 mars 2010. La SARL Valency, représentée par la SELARL Alliance MJ en sa qualité de liquidateur judiciaire, a présenté une demande en vue d'obtenir réparation des préjudices ayant résulté pour elle des fautes ainsi commises par la commune de Châteauneuf-de-Galaure. Par jugement du 4 avril 2017, le tribunal administratif de Grenoble a condamné la commune de Châteauneuf-de-Galaure à verser à la SELARL Alliance MJ la somme de 19 032 euros, assortie des intérêts à compter du 24 décembre 2011 et de la capitalisation des intérêts échus le 15 mars 2017. La SELARL Alliance MJ demande l'annulation de ce jugement en tant qu'il a partiellement rejeté sa demande indemnitaire et qu'il a fixé au 15 mars 2017 la date à laquelle les intérêts échus seraient capitalisés.

Sur la demande indemnitaire :

2. L'illégalité des décisions des 17 janvier et 2 février 2004 est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de la commune de Châteauneuf-de-Galaure. La commune intimée, pour s'exonérer de sa responsabilité, ne saurait utilement faire valoir, en l'absence de fraude de la part de l'intéressée, que la SARL Valency a tardé à justifier du titre l'habilitant à déposer sa demande de permis de lotir, ni se prévaloir de ce que la société requérante a finalement renoncé à poursuivre son projet après l'annulation, en 2010, de la décision ayant retiré son permis de lotir. Toutefois, l'illégalité fautive de ces décisions n'ouvre droit à indemnité pour la requérante que dans la mesure où celle-ci justifie de préjudices directs et certains.

3. En premier lieu, la requérante est fondée à demander réparation au titre des dépenses engagées par la SARL Valency en vue de la délivrance de l'autorisation de lotir et consécutivement à celle-ci, avant que n'interviennent la décision de préemption et le retrait de cette autorisation de lotir, qui doivent être regardées en l'espèce, compte tenu du délai ayant séparé l'autorisation de lotir de la date à laquelle la société a été rétablie dans ses droits, comme ayant été exposées en vain. Ces dépenses comprennent, outre les factures acquittées d'un montant de 19 032 euros dont la requérante a obtenu l'indemnisation par le jugement attaqué, les charges internes exposées par la SARL Valency en vue de l'élaboration du projet, du suivi de son avancée, des diverses démarches administratives entreprises et des premières démarches commerciales, dont elle justifie de la consistance par la production de courriers, de devis reçus de la part des sociétés devant réaliser l'aménagement du terrain et de contrats signés avec le géomètre-expert ou conclus en vue de la commercialisation des lots. Contrairement à ce que soutient la commune de Châteauneuf-de-Galaure, ces frais de gestion, quand bien même ils auraient eu vocation à être refacturés lors de la cession des différents lots, constituent en eux-mêmes un préjudice indemnisable et non un simple élément du manque à gagner dont se prévaut par ailleurs la requérante. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'état d'avancement du projet, qui, contrairement à ce que soutient la requérante et au regard de la note sur les honoraires de gestion qu'elle a elle-même produite, doit être évalué à 35%, il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi à ce titre par la SARL Valency en condamnant la commune de Châteauneuf-de-Galaure à verser à ce titre la somme de 10 000 euros.

4. En deuxième lieu, la perte de bénéfices ou le manque à gagner découlant de l'impossibilité de réaliser une opération immobilière en raison d'une décision illégale telle le retrait d'une autorisation délivrée en vue de sa réalisation revêt un caractère éventuel et ne peut, dès lors, en principe, ouvrir droit à réparation. Il en va toutefois autrement si le requérant justifie de circonstances particulières, tels que des engagements souscrits par de futurs acquéreurs ou l'état avancé des négociations commerciales avec ces derniers, permettant de faire regarder ce préjudice comme présentant, en l'espèce, un caractère direct et certain. Il est fondé, si tel est le cas, à obtenir réparation au titre du bénéfice qu'il pouvait raisonnablement attendre de cette opération.

5. Pour justifier du caractère direct et certain du manque à gagner dont elle demande réparation, la requérante se borne à faire état des caractéristiques de son projet, de sa localisation dans une commune connaissant une croissance démographique, des démarches entreprises en vue de la commercialisation des différents lots et, en particulier, de la conclusion d'un contrat de réservation portant sur l'un des treize lots projetés dans le délai de dix mois qui a précédé le retrait de son autorisation de lotir. La requérante ne justifie toutefois pas par ces seuls éléments de circonstances particulières de nature à faire regarder le préjudice résultant du manque à gagner sur l'ensemble de l'opération projetée comme présentant en l'espèce un caractère certain. Dans ces conditions, les conclusions relatives à ce chef de préjudice doivent être rejetées.

6. En troisième lieu, la requérante n'apporte aucune précision sur les troubles qu'aurait connus la SARL Valency dans son organisation et son fonctionnement autres que ceux mentionnés au point 3. Par suite, la demande qu'elle présente à ce titre ne peut qu'être rejetée.

Sur la capitalisation des intérêts :

7. Si le jugement attaqué a fixé au 15 mars 2017 la date à laquelle les intérêts échus seraient capitalisés, il résulte toutefois de l'instruction que la SELARL Alliance MJ a demandé cette capitalisation par un mémoire enregistré le 30 octobre 2015, date à laquelle une année d'intérêts était due. Dans ces conditions, il y a lieu de faire droit à la demande de capitalisation de la requérante à cette date, ainsi qu'à chaque date anniversaire.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SELARL Alliance MJ est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a fixé le montant de l'indemnité qui lui était due à une somme inférieure à 29 032 euros et a fixé une date de capitalisation des intérêts postérieure au 30 octobre 2015.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il en soit fait application à l'encontre de la SELARL Alliance MJ, qui n'est pas partie perdante. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Châteauneuf-de-Galaure le versement à la SELARL Alliance MJ de la somme de 2 000 euros au titre des mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme que la commune de Châteauneuf-de-Galaure a été condamnée à payer à l'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 4 avril 2017 est portée de 19 032 euros à 29 032 euros.

Article 2 : Les intérêts échus à la date du 30 octobre 2015 et ceux échus à chaque échéance anniversaire seront capitalisés pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le jugement du 4 avril 2017 du tribunal administratif de Grenoble est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2.

Article 4 : La commune de Châteauneuf-de-Galaure versera à la SELARL Alliance MJ la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Les conclusions des parties sont rejetées pour le surplus.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la SELARL Alliance MJ et à la commune de Châteauneuf-de-Galaure.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Antoine Gille, président,

M. Thierry Besse, premier conseiller,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 février 2019.

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

4

N° 17LY02247

md


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02247
Date de la décision : 05/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

68-03-06 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Contentieux de la responsabilité (voir : Responsabilité de la puissance publique).


Composition du Tribunal
Président : M. GILLE
Rapporteur ?: M. Thierry BESSE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : CABINET FOLLET et RIVOIRE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-05;17ly02247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award