La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

04/02/2019 | FRANCE | N°18LY04026

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY04026


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

MmeB... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 16 octobre 2018 décidant sa remise aux autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile et du 22 octobre 2018 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1806734 du 30 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 no

vembre et 4 décembre 2018 sous le n° 18LY04026, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

MmeB... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du préfet de la Haute-Savoie du 16 octobre 2018 décidant sa remise aux autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile et du 22 octobre 2018 l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1806734 du 30 octobre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces arrêtés.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 novembre et 4 décembre 2018 sous le n° 18LY04026, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que la décision de remise trouve sa base légale dans les dispositions de l'article 12-4 du règlement (UE) n° 604/2013, qu'il demande de substituer à celles de l'article 13-2 retenues à tort.

La requête a été communiquée à Mme A... qui n'a pas produit d'observations.

II/ Par une requête enregistré le 12 novembre 2018 sous le n° 18LY04027, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2018.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes du préfet de la Haute-Savoie sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'une seule décision.

2. Mme A..., ressortissante du Kosovo, née le 7 septembre 1992, est entrée en France le 4 avril 2018. Le 12 avril 2018, elle a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère. Le 16 octobre 2018, le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités suisses pour l'examen de sa demande d'asile et le 22 octobre 2018, il l'a assignée à résidence pour une durée de quarante-cinq jours. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions. Par une requête distincte, il demande le sursis à exécution de ce jugement.

3. Aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Les critères de détermination de l'État membre responsable s'appliquent dans l'ordre dans lequel ils sont présentés dans le présent chapitre./ 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre (...) ".

4. Aux termes de l'article 12 de ce règlement, intitulé " Délivrance de titres de séjour ou de visas " : " (...) 4. Si le demandeur est seulement titulaire d'un ou de plusieurs titres de séjour périmés depuis moins de deux ans ou d'un ou de plusieurs visas périmés depuis moins de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre, les paragraphes 1, 2 et 3 sont applicables aussi longtemps que le demandeur n'a pas quitté le territoire des États membres. / Lorsque le demandeur est titulaire d'un ou plusieurs titres de séjour périmés depuis plus de deux ans ou d'un ou plusieurs visas périmés depuis plus de six mois lui ayant effectivement permis d'entrer sur le territoire d'un État membre et s'il n'a pas quitté le territoire des États membres, l'État membre dans lequel la demande de protection internationale est introduite est responsable. (...) ".

5. Aux termes de l'article 13 du même texte, intitulé " Entrée et/ou séjour " : " (...) 2. Lorsqu'un État membre ne peut pas, ou ne peut plus, être tenu pour responsable conformément au paragraphe 1 du présent article et qu'il est établi, sur la base de preuves ou d'indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, que le demandeur qui est entré irrégulièrement sur le territoire des États membres ou dont les circonstances de l'entrée sur ce territoire ne peuvent être établies a séjourné dans un État membre pendant une période continue d'au moins cinq mois avant d'introduire sa demande de protection internationale, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. (...) ".

6. Lorsqu'il constate que la décision contestée devant lui aurait pu être prise, en vertu du même pouvoir d'appréciation, sur le fondement d'un autre texte que celui dont la méconnaissance est invoquée, le juge de l'excès de pouvoir peut substituer ce fondement à celui qui a servi de base légale à la décision attaquée, sous réserve que l'intéressé ait disposé des garanties dont est assortie l'application du texte sur le fondement duquel la décision aurait dû être prononcée.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu délivrer par les autorités helvétiques un titre de séjour valable jusqu'au 29 janvier 2015 et qu'elle a été autorisée à se maintenir sur le territoire helvétique jusqu'au 30 mars 2018. Ainsi, à la date de sa demande d'asile, elle se trouvait dans le cas que prévoit le premier alinéa du 4 de l'article 12 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, fondement sur lequel les autorités helvétiques ont donné leur accord à sa reprise en charge, le 3 juillet 2018. Dès lors, cette base légale peut être substituée à celle de la décision de remise contestée, prise sur le fondement du 2 de l'article 13 de ce règlement, l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation et l'intéressée disposant des mêmes garanties. Par suite, c'est à tort que, pour annuler cette décision et, par voie de conséquence, celle portant assignation à résidence, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle avait été prise sur un fondement erroné.

8. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par Mme A....

Sur la légalité de la décision de remise :

9. La décision contestée a été signée par Mme Florence Gouache, secrétaire générale de la préfecture de Haute-Savoie, qui dispose à cet effet d'une délégation de signature du préfet, du 30 avril 2018, publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le 9 mai 2018.

10. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

11. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a eu le 12 avril 2018 un entretien avec un agent du service chargé de l'asile à la préfecture de l'Isère. L'intéressée a déclaré comprendre l'albanais et le français et l'entretien s'est déroulé en français. Dès lors, elle n'est pas fondée à soutenir qu'elle aurait dû bénéficier de l'assistance d'un interprète.

12. Aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ".

13. Mme A... invoque le risque d'être exposée à des violences de la part de son ex mari en cas de retour dans son pays d'origine. Toutefois, il ne ressort pas des pièces du dossier que son transfert vers la Suisse pour l'examen de sa demande d'asile l'exposerait à un tel risque. Dès lors, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue au 1. de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

14. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I. - L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

15. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la mesure d'assignant à résidence de Mme A... ne soit pas nécessaire.

16. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

17. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de Mme A... à fin d'injonction doivent être rejetées.

18. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de Mme A... au titre des frais liés au litige.

19. Dès lors qu'il est statué sur la requête au fond, la requête du préfet de la Haute-Savoie à fin de sursis à exécution du jugement attaqué est sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 30 octobre 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur la requête du préfet de la Haute-Savoie n° 18LY04027.

Article 3 : Les conclusions de Mme A... sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme B... A....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

5

N° 18LY04026, 18LY04027


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY04026
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly04026 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award