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04/02/2019 | FRANCE | N°18LY02853

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY02853


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 18 décembre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1801756 du 10 juillet 2018, le tribunal

administratif de Lyon a annulé ces décisions du 18 décembre 2017 du préfet du Rhône et enjoint a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'une part, d'annuler les décisions du 18 décembre 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jour et a fixé le pays de renvoi ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour ou de réexaminer sa situation.

Par un jugement n° 1801756 du 10 juillet 2018, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions du 18 décembre 2017 du préfet du Rhône et enjoint au préfet de délivrer à Mme A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2018, sous le n° 18LY02853, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1801756 du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme A... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que le refus de titre de séjour méconnaissait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale, alors que les intéressés, dont la situation relevait des critères de la procédure de regroupement familial, ne pouvaient ignorer la précarité de leur situation au moment de leur mariage, postérieur à la date d'entrée du conjoint de Mme A... sur le territoire français et de la délivrance d'un titre de séjour et alors que la durée de présence de l'intéressée en France et de la communauté de vie n'est pas démontrée et ne peut remonter à l'année 2014 ; l'enfant de nationalité française de son époux est majeur et sans lien de dépendance avec son père ;

- les autres moyens soulevés en première instance ne sont pas fondés.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

La requête a été communiquée à Mme A..., qui n'a pas produit d'observations.

II) Par une requête, enregistrée le 22 août 2018, sous le n° 18LY03216, le préfet du Rhône demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1801756 du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2018.

Il soutient qu'il a développé des moyens sérieux au soutien de sa requête d'appel et que l'annulation des décisions en litige est susceptible d'entraîner des conséquences difficilement réparables.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Par un mémoire, enregistré le 9 janvier 2019, présenté pour Mme A..., elle conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que le préfet ne soulève pas de moyens sérieux et que l'exécution du jugement ne peut entraîner des conséquences difficilement réparables.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les observations de Me Meynier, avocat, substituant Me Drahy, avocat de Mme A... ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., née le 1er janvier 1982 à Conakry (Guinée), qui a épousé, le 24 février 2000 en Guinée, M. D... A..., également de nationalité guinéenne, né en 1956, entré en France en décembre 1993 et titulaire d'une carte de résident depuis 1995, est entrée sur le territoire français le 5 mars 2014. Elle a sollicité, le 19 janvier 2017, la délivrance d'une carte de séjour en se prévalant de sa situation familiale. Par des décisions du 18 décembre 2017, le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'éloignement d'office. Le préfet du Rhône, par sa requête enregistrée sous le n° 18LY02853, fait, en premier lieu, appel du jugement du 10 juillet 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 18 décembre 2017. En second lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 18LY03216, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 18LY02853 à fins d'annulation du jugement du tribunal administratif de Lyon et de rejet des conclusions de la demande de Mme A... :

En ce qui concerne le motif d'annulation retenu par les premiers juges :

3. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui "

4. Mme A... a fait valoir que son époux, entré en France en 1993, y est titulaire depuis 1995 d'une carte de résident régulièrement renouvelée et qu'il est père d'une enfant de nationalité française née le 6 mai 1995 d'une précédente union. Elle a également exposé que son époux s'était rendu à plusieurs reprises en Guinée pour la voir, en dépit des difficultés rencontrées pour de tels voyages, et qu'elle ne pourrait bénéficier d'une procédure de regroupement familial en raison des ressources insuffisantes de son époux, titulaire du revenu de solidarité active. Toutefois, eu égard au caractère récent de la présence sur le territoire français de Mme A... à la date de la décision de refus de titre en litige, celle-ci n'a pas porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie familiale et privée de l'intéressée, qui a vécu jusqu'à l'âge de trente-deux ans en Guinée, où elle conserve nécessairement des attaches et où elle est demeurée durant douze années après s'y être mariée avec M. A... le 24 février 2000, alors que ce dernier était déjà titulaire d'une carte de résident en France et père d'une enfant de nationalité française, de sorte que les intéressés ne pouvaient ignorer, dès le début de leur relation, que leurs perspectives communes d'installation en France étaient incertaines, en l'absence de droit au séjour de Mme A.... L'impossibilité pour les intéressés de mener une vie commune en Guinée, pays dont les deux époux possèdent la nationalité, n'est pas établie alors notamment qu'aucun enfant n'est issu de cette union et que l'enfant de nationalité française dont M. A... est le père avait atteint, à la date de la décision en litige, la majorité, de sorte que ce dernier, dont le foyer fiscal ne comportait d'ailleurs que sa seule personne, en qualité de célibataire au titre des années 2009 à 2016, n'exerçait alors plus aucune autorité parentale à son égard. La décision de refus de titre de séjour en litige n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, à supposer même établie la circonstance que les ressources de l'époux de l'intéressée seraient insuffisantes pour lui permettre de bénéficier d'un regroupement familial, alors au demeurant que l'autorité préfectorale n'est jamais tenue de rejeter pour ce motif une demande tendant au bénéfice du regroupement familial. C'est, dès lors, à tort que, pour annuler les décisions en litige du préfet du Rhône, le tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré d'une atteinte disproportionnée portée au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme A... devant le tribunal administratif de Lyon et en appel.

Sur le moyen commun à l'ensemble des décisions en litige :

6. Les décisions en litige, qui comportent l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, sont suffisamment motivées.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit que Mme A... ne peut exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision préfectorale portant obligation de quitter le territoire français, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour.

8. En second lieu, pour les motifs exposés précédemment pour l'écarter en tant qu'il était soulevé au soutien des conclusions dirigées contre la décision préfectorale de refus de titre de séjour, le moyen que soulève Mme A... au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré d'une violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté. Doit être également écarté le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

9. Il résulte de ce qui a été dit que Mme A... ne peut exciper, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision préfectorale fixant le pays de destination, de l'illégalité de la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur les conclusions de la requête n° 18LY03216 à fin de sursis à exécution :

10. Le présent arrêt statuant sur la requête du préfet du Rhône dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'État, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, au titre des frais exposés par Mme A....

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801756 du tribunal administratif de Lyon du 10 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de Mme A... sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de la requête du préfet du Rhône n° 18LY03216.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C... B... épouse A....

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

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Nos 18LY02853, 18LY03216


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02853
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DRAHY

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly02853 ?
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