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04/02/2019 | FRANCE | N°18LY02468

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY02468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions de la préfète de l'Allier du 7 mai 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office, lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans et l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1800880 - 1800881 du 4 juin 2

018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions de la préfète de l'Allier du 7 mai 2018 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office, lui interdisant le retour sur le territoire français durant deux ans et l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1800880 - 1800881 du 4 juin 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a annulé la décision portant assignation à résidence (article 2) et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande (article 3).

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2018, Mme A..., représentée par Me Cottier, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 3 de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 juin 2018 ;

2°) de renvoyer à une formation collégiale de ce tribunal ses conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour ;

3°) d'annuler pour excès de pouvoir les autres décisions susmentionnées.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est irrégulier en tant qu'il a statué sur la légalité du refus de titre de séjour dès lors que seule une formation collégiale, et non le magistrat désigné, était compétente pour statuer ;

- le refus de titre de séjour méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision prononçant une interdiction de retour sur le territoire français méconnaît l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 12 novembre 2018, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., ressortissante albanaise née le 22 mai 1991, déclare être arrivée en France le 24 octobre 2013 munie d'un passeport biométrique, accompagnée de son époux. Sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile et elle a fait l'objet le 30 mars 2015 d'une mesure d'éloignement qu'elle n'a ni contestée ni exécutée. Elle a ensuite sollicité la délivrance d'un titre de séjour en invoquant sa vie privée et familiale. Le 7 mai 2018, la préfète de l'Allier lui a opposé un refus qu'elle a assorti d'une obligation de quitter le territoire français sans délai, d'une décision fixant le pays de renvoi, d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'a assignée à résidence. Mme A... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sans délai, fixant le pays de renvoi et prononçant une interdiction de retour sur le territoire français.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article R. 776-17 du code de justice administrative : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section. (...) / Toutefois, lorsque le requérant a formé des conclusions contre la décision relative au séjour notifiée avec une obligation de quitter le territoire, la formation collégiale demeure saisie de ces conclusions, sur lesquelles elle se prononce dans les conditions prévues par la sous-section 1 de la section 2. (...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que les conclusions de la demande de Mme A... tendant à l'annulation de la décision du 7 mai 2018 par laquelle la préfète de l'Allier a refusé de lui délivrer un titre de séjour, devaient être jugées par une formation collégiale du tribunal administratif et non par le magistrat désigné par le président de la juridiction. Par suite, en tant qu'il rejette ces conclusions, le jugement attaqué, qui a été rendu par une formation de jugement incompétente, doit être annulé.

4. Il y a lieu pour la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions mentionnées au point 3 et de statuer dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel sur le surplus des conclusions de la requête.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

5. En premier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

6. Mme A... fait valoir qu'elle séjourne depuis le 24 octobre 2013 en France, où résident également son époux et leur enfant, qui y né, et où elle est parfaitement intégrée. Il ressort toutefois des pièces du dossier qu'elle s'est maintenue en France sans respecter l'obligation qui lui avait été faite, par décision du 30 mars 2015, de quitter le territoire français. Son époux ne dispose pas d'un droit au séjour en France et fait également l'objet d'une mesure d'éloignement et rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue hors de France et notamment en Albanie, pays dont tous les membres du foyer possèdent la nationalité et où ils ont nécessairement conservé des attaches, où la requérante a vécu jusqu'à l'âge de vingt-deux ans et où il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle encourait des risques qui ne lui permettraient pas d'y mener une vie privée et familiale normale. Si Mme A... se prévaut de sa participation à des cours de français deux fois par semaine depuis janvier 2018, cette circonstance ne suffit pas à elle seule à lui conférer un droit au séjour. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et notamment de la durée de séjour et des conditions d'entrée et de séjour de la requérante en France, la décision contestée ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise. Elle ne méconnaît pas, dès lors, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

7. En second lieu, il résulte des circonstances de fait énoncées au point précédent, qu'en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., la préfète de l'Allier n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences que cette décision est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable en l'espèce : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., de nationalité albanaise, s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour par décision du 7 mai 2018. Ainsi, à la même date, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français.

10. En deuxième lieu, le moyen tiré de ce que la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6.

11. En dernier lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

Sur la légalité de la décision désignant le pays de destination :

12. Aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

13. Mme A..., qui se borne à soutenir qu'elle est venue en France en raison du racisme dont elle a fait l'objet en Albanie du fait de ses origines, n'établit pas l'existence de risques personnels et actuels en cas de retour dans ce pays. Par suite, en désignant l'Albanie comme pays de renvoi, la préfète de l'Allier n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur la légalité de l'interdiction de retour sur le territoire français :

14. En premier lieu, aux termes du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative, par une décision motivée, assortit l'obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français, d'une durée maximale de trois ans à compter de sa notification, lorsque aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger ou lorsque l'étranger n'a pas satisfait à cette obligation dans le délai imparti. / Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative ne prononce pas d'interdiction de retour. (...) La durée de l'interdiction de retour mentionnée au premier alinéa du présent III (...) [est décidée] par l'autorité administrative en tenant compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.(...) ".

15. D'une part, Mme A..., qui s'est vu refuser tout délai de départ volontaire pour exécuter l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre, ne fait état d'aucune circonstance humanitaire qui aurait pu justifier que l'autorité administrative ne prononçât pas d'interdiction de retour sur le territoire français. D'autre part, la requérante, qui a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement en date du 30 mars 2015, n'a séjourné en France que de manière irrégulière durant plus de cinq ans. Par suite, la préfète de l'Allier n'a pas méconnu les dispositions du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français.

16. En second lieu, Mme A... ne peut pas utilement se prévaloir d'une prétendue violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales par l'interdiction de retour sur le territoire français prise à son encontre, qui ne désigne pas, par elle-même, le pays à destination duquel elle pourrait être éloignée d'office.

17. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est fondée ni à demander l'annulation de la décision du 7 mai 2018 lui refusant un titre de séjour, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté ses conclusions dirigées contre les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français, lui refusant un délai de départ volontaire, désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office et lui interdisant le retour sur le territoire.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 4 juin 2018 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme A... dirigées contre le refus de titre de séjour qui lui a été opposé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... épouse A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Allier.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Déche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

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N°18LY02468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02468
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ALLIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly02468 ?
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