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04/02/2019 | FRANCE | N°18LY02454

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY02454


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a décidé sa remise aux autorités hongroises, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1801328 du 25 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a assigné M. A... à résidence et rejeté le surplus de se

s conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2018, M...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a décidé sa remise aux autorités hongroises, ainsi que l'arrêté du même jour par lequel ledit préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1801328 du 25 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a annulé l'arrêté du 22 mai 2018 par lequel le préfet de l'Yonne a assigné M. A... à résidence et rejeté le surplus de ses conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 1er juillet 2018, M. A..., représenté par Me Rothdiener, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 25 mai 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 portant remise aux autorités hongroises ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de remise aux autorités hongroises méconnaît les dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et celles des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'établissant pas que l'entretien individuel a été mené par un interprète agréé en langue diari ;

- la procédure d'instruction de sa demande d'asile a été menée par une autorité incompétente ;

- le préfet ne justifie pas de la réalité de la saisine des autorités hongroises ;

- il a déposé sa première demande d'asile en Grande-Bretagne et l'arrêté qui désigne des autorités hongroises comme responsables méconnaît l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- cette décision est contraire aux dispositions des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, en raison des défaillances systémiques que rencontre la Hongrie dans la procédure d'asile et l'accueil des demandeurs d'asile.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2018

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. A... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Le rapport de Mme Dèche, premier conseiller, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité irakienne, né le 23 mars 1995, déclare être arrivé en France le 9 février 2018. Il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de police de Paris le 21 février 2018. Par arrêtés du 22 mai 2018, le préfet de l'Yonne a prononcé son transfert vers la Hongrie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon, en tant qu'il a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 portant remise aux autorités hongroises.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. (...) 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. " Aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

4. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'entretien individuel qui s'est déroulé dans les locaux de la préfecture de police de Paris, le 21 février 2018, M. A... a bénéficié de l'assistance d'un interprète en langue diari de l'organisme Inter Service Migrants Interprétariat, qui bénéficie d'un agrément ministériel aux fins d'interprétariat et de traduction. La circonstance que l'identité et les coordonnées de l'interprète intervenu au nom de cette association agréée n'ont pas été mentionnées sur le résumé de l'entretien individuel est sans incidence sur la régularité de la procédure suivie. Il ne ressort pas du résumé de cet entretien individuel que des difficultés de communication entre M. A... et l'interprète se seraient produites ni, au demeurant, que ce dernier ne serait pas intervenu dans une langue comprise du requérant. Par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-8 et L. 111-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que des dispositions de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doivent être écartés.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'État responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. (...) ".

6. L'article R. 741-1 dudit code prévoit que : " I.- Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. / Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer cette mission dans plusieurs départements. (...) ". Aux termes de l'article R. 742-1 de ce code : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. (...) Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police, pour exercer ces missions dans plusieurs départements. "

7. Aux termes de l'article 1er de l'arrêté du 20 octobre 2015 susvisé, pris en application des dispositions de l'article R. 741-1 précité : " I. - L'annexe au présent arrêté fixe la liste des préfets compétents pour enregistrer la demande d'asile d'un étranger se trouvant sur le territoire métropolitain et procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen de cette demande. Elle précise en outre les départements dans lesquels chacun de ces préfets est compétent. II. - Le préfet compétent reçoit de l'étranger sollicitant l'enregistrement de sa demande les pièces prévues par l'article R. 741-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Si l'étranger remplit les conditions pour l'obtenir, le préfet lui délivre l'attestation de demande d'asile prévue par l'article L. 741-1 du même code. Le renouvellement de cette attestation est sollicité auprès du préfet du département dans lequel son détenteur réside ou est domicilié. "

8. Selon l'annexe à cet arrêté, le préfet de la Côte-d'Or (Dijon) est compétent pour l'enregistrement de la demande d'asile, la délivrance de l'attestation de demande d'asile et la détermination de l'État responsable de l'examen de la demande (articles R. 741-1 et R. 742-1 du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile) pour les départements de la Côte-d'Or, de la Nièvre et de l'Yonne.

9. Cette attribution de compétence, qui concerne l'instruction de la demande et, le cas échéant, la réquisition de l'État membre considéré comme étant responsable de ladite demande, ne vise pas la décision de transfert prise en application des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, laquelle reste de la compétence du préfet du département de résidence des demandeurs.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. A... réside dans le département de l'Yonne. Dès lors, le préfet de l'Yonne était territorialement compétent pour décider son transfert. Si le préfet de la Côte-d'Or était, en vertu de l'arrêté du 20 octobre 2015, compétent pour instruire sa demande, déterminer l'État responsable de l'examen de la demande d'asile de l'intéressé et requérir cet État, le vice qui a ainsi affecté l'instruction de la demande de M. A... n'affecte pas la compétence de l'auteur de l'acte.

11. Si les actes administratifs doivent être pris selon les formes et conformément aux procédures prévues par les lois et règlements, un vice affectant le déroulement d'une procédure administrative préalable, suivie à titre obligatoire ou facultatif, n'est de nature à entacher d'illégalité la décision prise que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé les intéressés d'une garantie.

12. Au cas d'espèce, l'instruction de la demande de M. A... en vue de déterminer l'État responsable de l'examen de sa demande d'asile, effectuée par les services de la préfecture de l'Yonne en lieu et place de ceux de la préfecture de la Côte-d'Or, n'a pas eu pour effet de priver l'intéressé d'une garantie et n'a pas été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise à l'issue de cette instruction. Il en résulte que ce vice n'a pas affecté la légalité de la décision de transfert contestée.

13. En troisième lieu, aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

14. Il résulte de ces dispositions que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

15. Il ressort des pièces produites en première instance que les autorités hongroises ont été effectivement saisies, le 9 avril 2018, d'une demande de reprise en charge de M. A... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'elles ont implicitement accepté leur responsabilité au terme du délai de deux semaines prévu à l'article 25 de ce règlement. Par suite, le moyen tiré de l'absence de demande de reprise en charge de l'intéressé auprès des autorités hongroises manque en fait.

16. En quatrième lieu, aux termes de l'article 7 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " (...) 2. La détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre. (...) ". Il résulte de ces dispositions que la détermination de l'État membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue, une fois pour toutes, à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date.

17. Il ressort des pièces du dossier et notamment des documents émis par l'office de l'immigration du Royaume-Uni que M. A... a présenté une demande d'asile dans ce pays le 27 juillet 2015 et non le 27 février 2015, comme l'indique par erreur la lettre du 19 février 2018 adressée par le ministre de l'intérieur au préfet de police de Paris concernant l'identification de l'intéressé en catégorie 1 du fichier Eurodac. Ainsi, contrairement à ce que soutient le requérant, sa demande d'asile en Hongrie présentée le 25 juin 2015 était antérieure à celle présentée au Royaume-Uni. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 manque en fait.

18. En dernier lieu, par adoption des motifs retenus par le premier juge, il y a lieu d'écarter les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ainsi que de celles de l'article 7 et du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

19. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Dijon a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 mai 2018 décidant sa remise aux autorités hongroises. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Yonne.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

7

N° 18LY02454


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02454
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly02454 ?
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