Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'Earl C... Frères a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- à titre principal, d'annuler le titre de recettes émis le 12 mai 2016 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) d'un montant de 68 977,83 euros pour le recouvrement d'aides d'État versées entre 1998 et 2002 ;
- à titre subsidiaire, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme correspondant aux intérêts mis à sa charge ;
- la mise à la charge de l'État de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1606209 du 16 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 juin 2018 et un mémoire enregistré le 10 janvier 2019, présentée pour l'Earl C... Frères, il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1606209 du 16 avril 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) à titre principal, d'annuler le titre de recettes émis le 12 mai 2016 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) d'un montant de 68 977,83 euros ou, à titre subsidiaire, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme correspondant aux intérêts mis à sa charge ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont considéré que les conclusions de sa demande tendant à l'annulation du titre étaient tardives et, par suite, irrecevables, alors que la notification du titre ne lui a pas été adressée et que les délais n'ont donc pas valablement couru à son égard ;
- le titre de recettes a été signé par une autorité incompétente ;
- le titre de recettes méconnaît les dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dès lors qu'il ne mentionne pas les bases de liquidation de la créance invoquée par FranceAgriMer ;
- l'action de FranceAgriMer était prescrite ;
- le titre de recettes est infondé dès lors que FranceAgriMer ne justifie nullement sa créance à son égard ;
- FranceAgriMer a commis une faute en organisant un système d'aide dont l'établissement savait qu'il était incompatible avec les règles communautaires en vigueur ;
- elle a subi un préjudice équivalent au montant des intérêts réclamés par FranceAgriMer.
Par un mémoire, enregistré le 8 janvier 2019, présenté pour l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), il conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la l'Earl C... Frères au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CEE) n° 1035/72 du 18 mai 1972 ;
- le règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996 ;
- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;
- le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 ;
- la décision 2009/402/CE de la Commission européenne du 28 janvier 2009 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- les arrêts du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012 dans les affaires T-139/09, France/Commission, et T-243/09, Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom)/Commission ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 février 2015, Commission/France (C-37/14) ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me Bard, avocat de l'Earl C... Frères, ainsi que celles de Me Alibert, avocat de FranceAgriMer ;
Considérant ce qui suit :
1. L'office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel vient FranceAgriMer, a mis en place, entre 1992 et 2002, une action de soutien du marché des fruits et légumes sous la forme d'aides étatiques. L'aide versée par l'ONIFLHOR transitait par le Comité économique Rhône Méditerranée qui reversait les fonds à des groupements de producteurs dont le syndicat professionnel des arboriculteurs de la région de Valence FRUVAL en vue de leur versement à leurs adhérents. Saisie d'une plainte, la Commission européenne a, par une décision 2009/402/CE du 28 janvier 2009, concernant les " plans de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France, énoncé que les aides versées au secteur des fruits et légumes français avaient pour but de faciliter l'écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés, que de telles interventions constituaient des aides d'État instituées en méconnaissance du droit de l'Union européenne et prescrit leur récupération. Cette décision a été confirmée par deux arrêts du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012, France/Commission (T-139/09), et Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom)/Commission (T-243/09). A la suite de ces arrêts, l'administration française a entrepris de récupérer les aides illégalement versées aux producteurs de fruits et légumes, et, le 12 mai 2016, FranceAgriMer a émis à l'encontre de l'Earl C... Frères un titre de recettes en vue du recouvrement d'une somme de 68 977,83 euros correspondant au remboursement d'aides publiques versées à cet exploitant entre 1998 et 2002 et des intérêts ayant couru. L'Earl C... Frères interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de ce titre de recettes et, à titre subsidiaire, à la condamnation de FranceAgriMer à lui verser une somme au titre du préjudice subi du fait du versement d'une aide illégale.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes :
2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative, dans sa rédaction applicable : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. "
3. Il résulte des pièces du dossier de première instance, et en particulier des mentions portées sur l'accusé de réception du courrier présenté le 19 mai 2016, produit en première instance par l'administration, que le titre exécutoire du 12 mai 2016, qui comportait la mention des voies et délais de recours, a été notifié à l'Earl C... Frères au plus tard le 29 mai 2016. Si la requérante affirme que la signature portée sur cet accusé de réception n'est pas celle d'un de ses représentants, et si elle produit un autre accusé de réception d'un pli adressé à titre personnel à M. B... C..., qu'elle présente comme son gérant tout en reconnaissant que son gérant de droit est M. A... C..., et portant une signature différente de celle figurant sur l'accusé de réception du 19 mai 2016, cette circonstance n'est pas de nature à établir que le pli contenant le titre de recettes en cause n'aurait pas été valablement présenté, alors au demeurant que l'accusé de réception du pli contenant la notification du jugement attaqué, dont il n'est pas soutenu qu'il n'aurait pas été régulièrement notifié, ne comporte pas non plus une signature identique à celle figurant sur l'accusé de réception du pli adressé personnellement à M. B... C.... Par suite, c'est à bon droit que les premiers juges ont rejeté, à raison de leur tardiveté, les conclusions à fin d'annulation dudit titre, présentées le 28 octobre 2016, comme irrecevables.
Sur les conclusions indemnitaires :
4. Selon le paragraphe 1 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, anciennement son article 93 devenu ensuite l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, " la Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun ". Il résulte de ces stipulations, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes notamment dans son arrêt C-387/92 du 15 mars 1994, qu'une aide existante doit être considérée comme légale et peut continuer à être exécutée tant que la Commission n'a pas constaté son incompatibilité avec le marché commun. L'examen des aides existantes par la Commission, dans le cadre de la procédure organisée, à la date du litige, par le règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, peut conduire la Commission à proposer à l'État membre, pour l'avenir, les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun, au nombre desquelles peut figurer la suppression ou la modification de l'aide jugée incompatible avec le marché intérieur. Il s'ensuit que la responsabilité de l'État ne saurait être engagée pour méconnaissance fautive de la réglementation relative aux aides d'État à raison de la mise en oeuvre d'une aide existante pour la période antérieure à l'intervention de la décision de la Commission constatant son incompatibilité avec le marché commun. Par suite l'Earl C... Frères n'est pas fondée à rechercher la responsabilité de l'État pour la période antérieure à la décision de la Commission du 28 janvier 2009, à raison du caractère d'aides d'État des aides octroyées dans le cadre des " plans de campagne " aux producteurs de fruits et légumes, qui ont été qualifiées, par cette décision, d'aides incompatibles avec le marché commun.
5. Il résulte ce qui précède que l'Earl C... Frères n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Earl C... Frères la somme de 800 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par FranceAgriMer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de l'Earl C... Frères est rejetée.
Article 2 : L'Earl C... Frères versera à FranceAgriMer la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'Earl C... Frères, à FranceAgriMer et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2019.
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N° 18LY02210