Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :
- à titre principal, d'annuler le titre de recettes émis le 28 avril 2016 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) d'un montant de 32 395,03 euros pour le recouvrement d'aides d'État versées entre 1998 et 2002 ;
- à titre subsidiaire, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 15 426,84 euros au titre du préjudice subi du fait du versement d'une aide illégale, outre intérêts ;
- la mise à la charge de l'État de la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1603680 du 16 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 juin 2018, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :
1°) d'annuler ce jugement n° 1603680 du 16 avril 2018 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) à titre principal, d'annuler le titre de recettes émis le 28 avril 2016 par le directeur général de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) d'un montant de 32 395,03 euros ou, à titre subsidiaire, de condamner FranceAgriMer à lui verser la somme de 15 426,84 euros au titre du préjudice subi du fait du versement d'une aide illégale, outre intérêts ;
3°) de mettre à la charge de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le titre de recettes a été signé par une autorité incompétente ;
- le titre de recettes méconnaît les dispositions de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 dès lors qu'il ne mentionne pas les bases de liquidation de la créance invoquée par FranceAgriMer ;
- l'action de FranceAgriMer était prescrite ;
- le titre de recettes est infondé dès lors que FranceAgriMer ne justifie nullement sa créance à son égard ;
- FranceAgriMer a commis une faute en organisant un système d'aide dont l'établissement savait qu'il était incompatible avec les règles communautaires en vigueur ;
- il a subi un préjudice équivalent au montant des intérêts réclamés par FranceAgriMer.
Par un mémoire, enregistré le 7 janvier 2019, présenté pour l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), il conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par le requérant n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement (CEE) n° 1035/72 du 18 mai 1972 ;
- le règlement (CE) n° 2200/96 du 28 octobre 1996 ;
- le règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 ;
- le règlement (UE) 2015/1589 du Conseil du 13 juillet 2015 ;
- la décision 2009/402/CE de la Commission européenne du 28 janvier 2009 ;
- le code rural et de la pêche maritime ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;
- les arrêts du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012 dans les affaires T-139/09, France/Commission, et T-243/09, Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom)/Commission ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 12 février 2015, Commission/France (C-37/14) ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;
- les observations de Me Bard, avocat de M. B..., ainsi que celles de Me Alibert, avocat de FranceAgriMer ;
Considérant ce qui suit :
1. L'office national interprofessionnel des fruits, des légumes et de l'horticulture (ONIFLHOR), aux droits duquel vient FranceAgriMer, a mis en place, entre 1992 et 2002, une action de soutien du marché des fruits et légumes sous la forme d'aides étatiques. L'aide versée par l'ONIFLHOR transitait par le Comité économique Rhône Méditerranée qui reversait les fonds à des groupements de producteurs dont le syndicat professionnel des arboriculteurs de la région de Valence FRUVAL en vue de leur versement à leurs adhérents. Saisie d'une plainte, la Commission européenne a, par une décision 2009/402/CE du 28 janvier 2009, concernant les " plans de campagne " dans le secteur des fruits et légumes mis à exécution par la France, énoncé que les aides versées au secteur des fruits et légumes français avaient pour but de faciliter l'écoulement des produits français en manipulant le prix de vente ou les quantités offertes sur les marchés, que de telles interventions constituaient des aides d'État instituées en méconnaissance du droit de l'Union européenne et prescrit leur récupération. Cette décision a été confirmée par deux arrêts du Tribunal de l'Union européenne du 27 septembre 2012, France/Commission (T-139/09), et Fédération de l'organisation économique fruits et légumes (Fedecom)/Commission (T-243/09). A la suite de ces arrêts, l'administration française a entrepris de récupérer les aides illégalement versées aux producteurs de fruits et légumes, et, le 12 mai 2016, FranceAgriMer a émis à l'encontre de M. B... un titre de recettes en vue du recouvrement d'une somme de 32 395,03 euros correspondant au remboursement d'aides publiques versées à cet exploitant entre 1998 et 2002 et des intérêts ayant couru. M. B... interjette appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant, à titre principal, à l'annulation de ce titre de recettes et, à titre subsidiaire, à la condamnation de FranceAgriMer à lui verser une indemnité de 15 426,84 euros au titre du préjudice subi du fait du versement d'une aide illégale.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du titre de recettes :
En ce qui concerne la régularité du titre de recettes :
2. En premier lieu, le moyen tiré de l'incompétence du signataire du titre de recettes en litige, déjà soulevé devant les premiers juges, doit être écarté pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.
3. En second lieu, aux termes de l'alinéa 2 de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Toute créance liquide faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". L'État ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre de perception lui-même, soit par une référence précise à un document joint à ce titre ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il s'est fondé pour déterminer le montant de la créance.
4. Il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que le titre de recettes litigieux, qui se réfère aux aides versées à M. B... au titre des " aides plans de campagne jugées incompatibles avec le droit communautaire ", est accompagné, outre d'une fiche liquidative visant la décision de la Commission européenne du 28 janvier 2009 et ventilant le montant réclamé entre les sommes dues au titre des aides publiques, celles dues au titre des parts professionnelles et au titre des cotisations versées dont le redevable avait demandé le remboursement, outre le montant des intérêts, d'une annexe à ladite fiche, comportant, pour chacune des années concernées, un premier tableau ventilant les montants dus, en distinguant le principal des intérêts produits depuis leur versement, ainsi qu'un second tableau détaillant, pour le principal de chaque année, les intérêts dus année après année, en fonction du taux d'intérêt en vigueur lors de chacune de ces années. Il est accompagné d'un courrier exposant les motifs de fait et de droit du remboursement exigé par FranceAgriMer faisant en outre référence au dialogue personnalisé entre l'exploitant et la direction départementale des territoires. Par suite, contrairement à ce que soutient le requérant, le titre de recettes comporte les bases et les modalités de calcul de la créance.
En ce qui concerne le bien-fondé du titre de recettes :
S'agissant de la prescription de la créance :
5. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 : " 1. Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l'aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans. / 2. Le délai de prescription commence le jour où l'aide illégale est accordée au bénéficiaire, à titre d'aide individuelle ou dans le cadre d'un régime d'aide. Toute mesure prise par la Commission ou un État membres, agissant à la demande de la Commission, à l'égard de l'aide illégale interrompt le délai de prescription. Chaque interruption fait courir de nouveau le délai. Le délai de prescription est suspendu aussi longtemps que la décision de la Commission fait l'objet d'une procédure devant la Cour de justice des Communautés européennes. / 3. Toute aide à l'égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputé être une aide existante. "
6. Il ressort des pièces du dossier que les aides litigieuses ont été accordées à M. B... au titre des campagnes 1998 à 2002. Ainsi qu'il a été dit, ces aides ont été jugées contraires au droit communautaire par la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne. La première mesure prise par la Commission à la suite de la plainte dont elle a été saisie contre les aides dans le secteur des fruits et légumes versées par la France est une lettre adressée le 31 juillet 2002 aux autorités françaises pour demander des informations à ce sujet et cette première mesure a valablement interrompu le délai de prescription de dix ans dans les conditions définies par le point 2 de l'article 15 précité du règlement (CE) n° 65/1999 du Conseil du 22 mars 1999. La décision de la Commission, qui a fait l'objet d'une procédure devant le Tribunal de l'Union européenne, a ensuite été confirmée par deux arrêts de cette juridiction en date du 27 septembre 2012. M. B..., qui ne peut utilement se prévaloir du délai de prescription de quatre ans prévu par le règlement (CE) du Conseil du 18 décembre 1995 relatif à la protection des intérêts financiers des Communautés européennes, dès lors que l'article 15 du règlement (CE) n° 659/1999 du Conseil du 22 mars 1999 institue une prescription spéciale pour les aides d'État accordées illégalement, n'est, en conséquence, pas fondé à soutenir que les sommes mises à sa charge le 12 mai 2016 seraient prescrites.
S'agissant du bien-fondé de la créance :
7. Il résulte de la décision du 28 janvier 2009 de la Commission européenne, en son point 84, que les producteurs doivent être regardés comme les bénéficiaires finaux des aides perçues par leurs organisations de producteurs dès lors que les aides étant destinées à faciliter l'écoulement des productions en permettant aux producteurs de bénéficier d'un prix de vente ou d'une rémunération liée à la vente supérieur au coût réel exposé par l'acquéreur de la marchandise. Il ressort également des pièces du dossier qu'ainsi qu'il a été dit au point 1 les aides versée par l'ONIFLHOR transitait par le Comité économique Rhône Méditerranée qui reversait les fonds à des groupements de producteurs, dont le syndicat professionnel des arboriculteurs de la région de Valence Fruval, en vue de leur versement aux producteurs, selon une répartition propre à chaque organisation de producteurs, sans contrôle de l'administration. Il en ressort également que pour établir le montant des aides dont était redevable chacun des adhérents du syndicat professionnel des arboriculteurs de la région de Valence Fruval, la direction départementale des territoires (DDT) de la Drôme a procédé à une répartition de ces aides entre les adhérents de l'organisation de producteurs sur la base des données relatives aux surfaces de vergers de chaque adhérent et de leurs chiffres d'affaires, sur la base des informations disponibles au sein de l'administration et après échanges contradictoires avec ce syndicat professionnel.
8. En premier lieu, dès lors que M. B... ne conteste pas sa qualité de membre de l'organisation de producteurs Fruval au cours des années 1998 à 2002, au cours desquelles les membres de ce groupement ont perçu, de la part du comité économique Rhône-Méditerranée, des fonds au titre d'aides " plans de campagne " ni que les activités qu'il menait alors relevaient de celles lui permettant le bénéfice des aides plans de campagne, l'administration doit être regardée comme établissant que M. B... a perçu les aides litigieuses au cours de ladite période.
9. En second lieu, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, il résulte de l'instruction, et notamment du courrier du 19 mars 2016 adressé à M. B... par le préfet de la Drôme, à l'issue de la procédure contradictoire menée en vue d'établir le montant de sa créance, que la reconstitution des aides perçues n'a pas été opérée en fonction du seul critère relatif à la surface de l'exploitation de l'intéressée mais l'a aussi été en fonction d'autres critères dont notamment le chiffre d'affaire réalisé par le requérant alors que ce dernier n'établit pas ni même n'allègue que l'emploi d'un critère relatif au chiffre d'affaire ne permettrait pas une prise en compte adéquate des différences de rendement pouvant affecter les exploitations en fonction des espèces cultivées et de la densité des parcelles en cause. Dès lors, doit être écarté le moyen tiré de ce que la somme mise à sa charge est nécessairement erronée dès lors que la méthode de reconstitution employée par l'administration à cet effet est fondée sur l'emploi d'un seul critère tenant à la surface des exploitations, sans qu'une pondération ne soit effectuée en prenant en compte les différences de rendement pouvant exister tenant aux espèces d'arbres fruitiers en cause et à la densité de plantation des parcelles concernées. De son côté, M. B... n'apporte aucun élément de nature à contredire l'évaluation à laquelle a procédé l'administration.
Sur les conclusions indemnitaires :
10. Selon le paragraphe 1 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, anciennement son article 93 devenu ensuite l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, " la Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États. Elle propose à ceux-ci les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun ". Il résulte de ces stipulations, ainsi que l'a jugé la Cour de justice des Communautés européennes notamment dans son arrêt C-387/92 du 15 mars 1994, qu'une aide existante doit être considérée comme légale et peut continuer à être exécutée tant que la Commission n'a pas constaté son incompatibilité avec le marché commun. L'examen des aides existantes par la Commission, dans le cadre de la procédure organisée, à la date du litige, par le règlement du Conseil du 22 mars 1999 portant modalités d'application de l'article 93 du traité CE, peut conduire la Commission à proposer à l'État membre, pour l'avenir, les mesures utiles exigées par le développement progressif ou le fonctionnement du marché commun, au nombre desquelles peut figurer la suppression ou la modification de l'aide jugée incompatible avec le marché intérieur. Il s'ensuit que la responsabilité de l'État ne saurait être engagée pour méconnaissance fautive de la réglementation relative aux aides d'État à raison de la mise en oeuvre d'une aide existante pour la période antérieure à l'intervention de la décision de la Commission constatant son incompatibilité avec le marché commun. Par suite M. B... n'est pas fondé à rechercher la responsabilité de l'État pour la période antérieure à la décision de la Commission du 28 janvier 2009, à raison du caractère d'aides d'État des aides octroyées dans le cadre des " plans de campagne " aux producteurs de fruits et légumes, qui ont été qualifiées, par cette décision, d'aides incompatibles avec le marché commun.
11. Il résulte ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... la somme de 800 euros au titre des frais exposés à l'occasion de la présente instance par FranceAgriMer.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : M. B... versera à FranceAgriMer la somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à FranceAgriMer et au ministre de l'agriculture et de l'alimentation.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :
M. Clot, président de chambre,
M. Seillet, président assesseur,
Mme Dèche, premier conseiller.
Lu en audience publique, le 4 février 2019.
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N° 18LY02208