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04/02/2019 | FRANCE | N°18LY02042

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY02042


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 28 février 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1802052 du 18 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2018, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

) d'annuler ce jugement n° 1802052 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Gren...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 28 février 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1802052 du 18 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 5 juin 2018, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802052 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 18 avril 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de réexaminer sa situation sous astreinte de 100 euros par jour de retard et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai d'un mois.

Il soutient que :

- c'est à tort que le préfet comme le premier juge ont estimé qu'il n'avait pas justifié de la présence en France de son frère et de ce que ce dernier était titulaire d'une carte de résident en qualité de réfugié alors qu'il a justifié de ces éléments et que lui et son frère ont exprimé par écrit leur souhait que la France soit responsable de l'examen de sa demande d'asile en vertu de l'article 9 du règlement ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation et il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le principe constitutionnel de respect du droit d'asile.

La requête a été communiquée au préfet de la Haute-Savoie qui n'a pas produit d'observation.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 23 mai 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant soudanais né le 1er juin 1988 à Darfour (Soudan), qui a déclaré être entré sur le territoire français le 12 septembre 2017, a présenté une demande d'asile le 12 octobre 2017. Les recherches dans le fichier Eurodac ont révélé que ses empreintes digitales étaient identiques à celles relevées par les autorités italiennes le 15 juillet 2017. Le préfet de l'Isère a saisi, le 13 novembre 2017, les autorités italiennes en application de l'article 13-1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Ces dernières ont accepté la prise en charge de l'intéressé par accord implicite intervenu le 13 janvier 2018 en application de l'article 22-7 du même règlement. Par un arrêté du 28 février 2018, le préfet de la Haute-Savoie a décidé de la remise de M. B... aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile. M. B... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 9 du règlement (UE) n° 604/2013 : " Si un membre de la famille du demandeur, que la famille ait été ou non préalablement formée dans le pays d'origine, a été admis à résider en tant que bénéficiaire d'une protection internationale dans un État membre, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale, à condition que les intéressés en aient exprimé le souhait par écrit. "

3. L'article 2 du même texte précise que : " Aux fins du présent règlement, on entend par : (...) g) " membres de la famille ", dans la mesure où la famille existait déjà dans le pays d'origine, les membres suivants de la famille du demandeur présents sur le territoire des États membres : - le conjoint du demandeur, ou son ou sa partenaire non marié(e) engagé(e) dans une relation stable, lorsque le droit ou la pratique de l'État membre concerné réserve aux couples non mariés un traitement comparable à celui réservé aux couples mariés, en vertu de sa législation relative aux ressortissants de pays tiers, - les enfants mineurs des couples visés au premier tiret ou du demandeur, à condition qu'ils soient non mariés et qu'ils soient nés du mariage, hors mariage ou qu'ils aient été adoptés au sens du droit national, - lorsque le demandeur est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du demandeur de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel cet adulte se trouve, - lorsque le bénéficiaire d'une protection internationale est mineur et non marié, le père, la mère ou un autre adulte qui est responsable du bénéficiaire de par le droit ou la pratique de l'État membre dans lequel le bénéficiaire se trouve (...) ".

4. M. B... fait valoir que son frère réside en France où il bénéficie d'une mesure de protection. Toutefois, il n'est pas au nombre des membres de la famille, tels qu'ils sont définis au g de l'article 2 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Dès lors, l'intéressé ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 9 de ce règlement.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. "

6. Si M. B... se prévaut de la présence en France de son frère, il ne ressort pas des pièces du dossier que son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile porte, au regard des buts poursuivis et compte tenu des effets d'une telle mesure, une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance, par la décision de transfert en litige, de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) ". La mise en oeuvre par les autorités françaises de l'article 17 doit être assurée à la lumière des exigences définies par le second alinéa de l'article 53-1 de la Constitution, aux termes duquel : " les autorités de la République ont toujours le droit de donner asile à tout étranger persécuté en raison de son action en faveur de la liberté ou qui sollicite la protection de la France pour un autre motif ".

8. La faculté laissée à chaque État membre, par le 1 de l'article 17 du règlement n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

9. Il ressort des mentions de l'arrêté en litige que le préfet a examiné la possibilité de faire usage, en l'espèce, des dispositions du 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui permettent à un État d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement. Si M. B... fait état de la présence en France d'un frère titulaire d'une carte de résident délivré en qualité de réfugié, cette seule présence ne permet pas de regarder l'arrêté litigieux comme entaché d'une erreur manifeste d'appréciation de la faculté que prévoient ces dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

1

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N° 18LY02042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02042
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : BARONE

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly02042 ?
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