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04/02/2019 | FRANCE | N°18LY01463

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 04 février 2019, 18LY01463


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le préfet de l'Ardèche a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801114 du 15 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 avril 2018, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :



1°) d'annuler ce jugement n° 1801114 du magistrat désigné par le président du tribunal administra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 22 janvier 2018 par laquelle le préfet de l'Ardèche a décidé son transfert aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801114 du 15 mars 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 20 avril 2018, présentée pour M. A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1801114 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 15 mars 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Ardèche de réexaminer sa demande d'asile, dans le délai de trois jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer une attestation de demande d'asile sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est insuffisamment motivée ;

- le préfet de l'Ardèche n'a pas procédé à un examen complet et particulier de sa situation personnelle ;

- la décision est intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors que sa demande d'asile n'a pas été enregistrée dans le délai prévu par ces dispositions après la remise d'une notice à la préfecture de police de Paris le 12 juillet 2017 ; il n'a pas bénéficié alors d'un entretien lui permettant de faire valoir l'ensemble des informations relatives à sa demande d'asile, en violation de l'article 5.1 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision de transfert méconnaît les articles 4 et 5 du règlement n° 604/2013 ;

- la décision de transfert est illégale, la demande aux autorités italiennes visant à sa prise en charge ayant été formulée après l'expiration du délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 dès lors qu'il doit être considéré qu'il a introduit sa demande d'asile en France au plus tard le 12 juillet 2017 ;

- la décision en litige méconnaît l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

Le préfet de l'Ardèche a produit des pièces le 28 décembre 2018.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mai 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Seillet, président assesseur, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., né le 2 janvier 1992 en Guinée-Conakry, de nationalité guinéenne, est entré irrégulièrement en France le 5 juillet 2017, selon ses déclarations. Le 11 septembre 2017, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture du Rhône. Le 22 janvier 2018, le préfet de l'Ardèche a décidé de transférer l'intéressé vers l'Italie, où il avait présenté une demande d'asile et qui avait implicitement accepté, le 17 octobre 2017, de prendre en charge l'examen de sa demande d'asile. M. A... a contesté cette décision devant le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande par un jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction du 15 mars 2018, dont il interjette appel.

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

3. En application des dispositions précitées de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre État membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre État membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre État membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet État, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert à fin de reprise en charge qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'État en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

6. L'arrêté du 22 janvier 2018 en litige, qui vise notamment le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, se borne, après avoir précisé les circonstances de l'entrée et du séjour irréguliers de M. A... sur le territoire français et mentionné l'attestation de demande d'asile en procédure Dublin remise à l'intéressé le 11 septembre 2017, en application des articles L. 741-1 et L. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile au motif de son enregistrement au fichier Eurodac en Italie le 20 octobre et le 25 novembre 2016, à mentionner que les autorités italiennes, saisies le 3 octobre 2017 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 17 octobre 2017 et que l'Italie est donc considérée comme l'État responsable de sa demande d'asile. Ces énonciations, qui ne révèlent pas que M. A... avait antérieurement présenté une demande d'asile en Italie, et ne font donc pas état des éléments et indices permettant de déterminer la responsabilité des autorités italiennes, requises aux fins de reprise en charge de l'intéressé, ne l'ont pas mis à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement son recours. Dès lors, la décision litigieuse est insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

8. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. "

9. Le présent arrêt implique seulement que l'autorité administrative compétente statue à nouveau sur le cas de M. A..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.

Sur les frais liés au litige :

10. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Pierot, avocat de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le paiement à cet avocat d'une somme de 800 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 15 mars 2018 et l'arrêté du préfet de l'Ardèche du 22 janvier 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Ardèche d'examiner à nouveau la situation de M. A... dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Pierot la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Ardèche et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2019 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 février 2019.

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N° 18LY01463


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01463
Date de la décision : 04/02/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-02-04;18ly01463 ?
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