Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les arrêtés de la préfète de l'Allier du 12 avril 2018 décidant, respectivement son transfert aux autorités italiennes et son assignation à résidence.
Par un jugement n° 180646 du 20 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 mai 2018, Mme A..., représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 20 avril 2018 ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Allier de réexaminer la demande d'admission au séjour au titre de l'asile dans le délai de quinze jours, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.
Elle soutient que :
- elle n'a pu bénéficier de l'information préalable obligatoire prévue par l'article 4 du Règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dit règlement Dublin III dans une langue qu'elle comprend ;
- en l'absence de précision sur l'identité précise de l'interprète en langue oromo qui l'a assistée lors de l'entretien individuel, les dispositions de l'article 5 du règlement ont été méconnues ;
- la décision ne lui a pas été notifiée dans une langue qu'elle comprend ;
- le préfet, qui n'a pas tenu compte de la naissance de son enfant en France et du suivi médical dont elle fait l'objet dans ce pays, s'est mépris sur l'application du règlement ;
- la décision l'assignant à résidence est, par voie de conséquence, illégale.
Par un mémoire en défense, enregistré le 27 août 2018, la préfète de l'Allier conclut au rejet de la requête.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 24 août 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 28 septembre 2018.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure, au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., de nationalité éthiopienne, a présenté une demande d'asile aux autorités françaises. La consultation du fichier " Eurodac " ayant permis d'établir que ses empreintes digitales avaient été relevées par les autorités italiennes à l'occasion d'un franchissement irrégulier de frontière, une demande de prise en charge a été adressée aux autorités italiennes le 27 septembre 2017. Ces dernières ont tacitement accepté la reprise en charge de l'intéressée le 27 novembre 2017. Par décisions du 12 avril 2018, notifiées le 17 avril suivant, la préfète de l'Allier a respectivement décidé le transfert de l'intéressée vers l'Italie, et prononcé son assignation à résidence dans le département de l'Allier pour une durée de quarante-cinq jours. Mme A... relève appel du jugement du 2 avril 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions en annulation de la décision de transfert :
2. Aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'Etat responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat ".
3. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'Etat membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) c) de l'entretien individuel en vertu de 1'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les États membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; e) du fait que les autorités compétentes des États membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; f) de 1'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".
4. La délivrance de documents d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile doit, eu égard à l'objet et au contenu de ces documents, intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes et, notamment, de mesurer les enjeux attachés au fait de porter à la connaissance de ces autorités des informations relatives à la présence de membres de la famille dans un Etat membre ou aux raisons humanitaires susceptible de justifier l'examen de la demande dans un Etat membre déterminé. Les intéressés doivent ainsi avoir été mis à même de présenter, de manière utile et effective, les éléments permettant de déterminer l'Etat qui devra se prononcer sur leur demande de protection internationale et les motifs qui légitimeraient que l'autorité déroge à l'application des critères de détermination de cet Etat. Un vice affectant la délivrance de ces documents n'est de nature à entacher d'illégalité la décision de transfert prise postérieurement que s'il ressort des pièces du dossier qu'il a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou qu'il a privé l'intéressé d'une garantie.
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... s'est vu remettre, le 21 septembre 2017, lors de l'entretien individuel dont elle a bénéficié avec les services de la préfecture et pendant lequel elle a été assistée par téléphone d'un interprète en langue oromo, le guide du demandeur d'asile et les brochures A et B intitulées respectivement " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", rédigés en arabe. L'imprimé rempli par les services préfectoraux à l'occasion de cet entretien, et contresigné par l'intéressée qui était assistée par un interprète mentionnait la seule langue oromo comme étant comprises par Mme A.... Par suite, en lui remettant les documents précités par écrit dans une langue qu'elle ne comprend pas, le préfet de l'Allier a méconnu les dispositions précitées. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des mentions portées sur les brochures elles-mêmes, que lors de leur remise à Mme A..., les éléments contenus dans ces documents ont été traduits par l'interprète en langue oromo qui l'assistait lors de l'entretien. Par suite, dans les circonstances de l'espèce, le fait que les brochures aient été remises en langue arabe et non en langue oromo à Mme A... n'a pas privé effectivement l'intéressée de la garantie prévue par les dispositions précitées de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013. Dès lors, le moyen tiré de ce que pour ce motif les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 auraient été méconnues doit être écarté.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... a bénéficié d'un interprète en langue oromo au téléphone par l'intermédiaire de l'association " Inter Service Migrants " lors de son entretien individuel le 21 septembre 2017. Le nom de cet interprète et les coordonnées de l'organisme qui l'emploie sont mentionnés sur la fiche relatant cet entretien. La circonstance que les services de cet interprète ont été fournis par téléphone ne suffit pas à établir que la requérante n'aurait pu communiquer de manière satisfaisante avec la personne du service ayant mené l'entretien. Le compte-rendu de cet entretien comporte des informations personnelles relatives à Mme A..., que l'intéressée était seule à détenir et dont elle ne conteste pas l'exactitude. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 doit être écarté.
8. En troisième lieu, les conditions de notification d'une décision administrative n'affectent pas sa légalité et n'ont d'incidence que sur les voies et délais de recours contentieux. Le moyen tiré de ce que l'arrêté de transfert du 12 avril 2018 méconnaîtrait les dispositions de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, qui est relatif aux modalités de notification de la décision de transfert, est sans incidence sur la légalité de cet arrêté de transfert, que Mme A... a d'ailleurs contesté dans les délais requis et avec l'assistance d'un avocat.
9. En quatrième lieu, si Mme A... se prévaut de la naissance de son fils en France et d'un suivi médical dont elle fait l'objet en France, le seul document produit à l'appui de cette dernière affirmation consiste en un courrier émanant du centre hospitalier de Montluçon confirmant une consultation prévue pour le 4 juin 2018. L'existence de ce rendez-vous, sur lequel aucune précision n'est apportée, ne permet pas de considérer que l'intéressée se trouverait dans une situation de particulière vulnérabilité justifiant qu'il soit dérogé aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile. En l'absence de toute précision complémentaire, la naissance d'un enfant à Montluçon le 11 janvier 2018 n'apparaît pas davantage constituer une circonstance de nature à imposer une telle dérogation. Par suite, Mme A... n'est pas fondée à soutenir que la préfète de l'Allier se serait méprise en déterminant l'Italie comme étant l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile.
Sur les conclusions en annulation de la décision assignant Mme A...à résidence :
10. Mme A... se borne à soutenir que la décision l'assignant à résidence est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision prononçant son transfert vers l'Italie. Il résulte de ce qui a été indiqué aux points précédents que ce moyen n'est pas fondé.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, y compris ses conclusions tendant à l'application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme D..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.
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N° 18LY01860
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