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29/01/2019 | FRANCE | N°18LY01780

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2019, 18LY01780


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 avril 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 1802378 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions, enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de

quinze jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat un...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 5 avril 2018 par lesquelles le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire sans délai et interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois.

Par un jugement n° 1802378 du 10 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions, enjoint au préfet du Rhône de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire complémentaires, enregistrés le 11 mai 2018 et le 25 juin 2018, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon du 10 avril 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. C....

Il soutient que :

- il s'est livré à un examen de la situation particulière de M. C... ;

- le défaut de garanties de représentations suffisait à fonder le refus d'accorder à l'intéressé un délai de départ volontaire ;

- faute d'avoir été alerté sur l'état de santé de l'intéressé, il n'avait pas à recueillir l'avis de médecin de l'OFII ;

- il appartenait à M. C... de faire établir le certificat médical prévu par l'article R 553-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- M. C... pouvait avoir un accès effectif à un traitement en Géorgie ;

- compte tenu du traitement déjà engagé, il existe une très forte probabilité que M. C... ait été guéri.

Par un mémoire en défense, enregistré le 29 octobre 2018, M. C..., représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet du Rhône de réexaminer sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que les moyens soulevés par l'appelant ne sont pas fondés et que la durée de l'interdiction de retour sur le territoire apparaît disproportionnée.

Par ordonnance du 12 novembre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 29 novembre 2018.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de procédure pénale ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure,

- et les observations de Me D..., représentant M. C... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien a été condamné à une peine de dix-huit mois d'emprisonnement par le tribunal correctionnel de Versailles et incarcéré le 13 mars 2017 à la maison d'arrêt du Bois-d'Arcy, puis détenu à celle de Villefranche-sur-Saône. Il a été libéré le 7 avril 2018. Le jour de sa levée d'écrou, le préfet du Rhône lui a fait notifier des décisions du 5 avril 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français sans délai, prescrivant son éloignement à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays où il démontrerait être légalement admissible, et prononçant à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois. Par une décision du 7 avril 2018, il a en outre prescrit son placement en rétention administrative. Le préfet du Rhône relève appel du jugement du 10 avril 2018 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 5 avril 2018, lui a enjoint de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

2. Les dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile donnent à l'autorité administrative la possibilité d'obliger un étranger de nationalité géorgienne qui n'est pas titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à quitter le territoire français s'il ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français. Les dispositions du II du même article donnent à cette autorité la possibilité de l'obliger à quitter sans délai le territoire français si son comportement constitue une menace pour l'ordre public ou s'il existe un risque qu'il se soustraie à cette obligation, notamment lorsqu'il ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, faute de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou faute d'avoir déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente. Cependant, aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

3. L'administration doit procéder à un examen particulier de chacun des cas sur lesquels elle est appelée à se prononcer. La motivation de ses décisions comportant dans ses visas et ses motifs, même de manière succincte, toutes les considérations de droit et de fait sur lesquelles l'auteur d'une décision se fonde permet de vérifier qu'il a procédé à un examen de la situation particulière qui lui est soumise au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. C... a été auditionné le 30 mars 2018 par les services de police, sur instruction du préfet du Rhône, dans les locaux de la maison d'arrêt de Villefranche-sur-Saône. Interrogé sur les raisons de sa venue en France, il a indiqué que des problèmes médicaux en étaient à l'origine. Interrogé sur l'existence d'un suivi médical présent ou passé sur le territoire français, il a indiqué faire l'objet d'un suivi en raison de l'hépatite B et de l'hépatite C dont il est atteint. Informé de l'éventualité d'une mesure d'éloignement vers la Géorgie et invité à présenter ses observations, il a, une nouvelle fois, fait référence à l'affection dont il souffre et manifesté le souhait de se maintenir en France jusqu'à sa guérison. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier, ainsi que l'a relevé le premier juge, que M. C... a bénéficié de l'intégralité du crédit de réduction de peine prévu par l'article 721 du code de procédure pénale, et d'une réduction supplémentaire de peine, laquelle n'est accordée, en vertu de l'article 721-1 du même code, qu'aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale. Il est en outre constant que le préfet ne disposait pas du jugement de condamnation au moment où il a pris l'arrêté du 5 avril 2018.

5. En dépit de ces éléments factuels, l'arrêté, s'il indique que Monsieur C... n'établit pas entrer dans l'une des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire en vertu de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne fait aucune référence aux pathologies dont l'existence avait été portée à la connaissance de l'autorité administrative et au suivi médical en cours. De même, si cet arrêté indique que le comportement de l'intéressé constitue une menace pour l'ordre public en se fondant sur son incarcération et sa condamnation à dix-huit mois d'emprisonnement pour des faits de vol aggravé, il ne fait aucune référence à son comportement postérieur et actuel et a été pris au seul vu de la qualification pénale et du quantum de sa peine.

6. Il résulte de ce qui précède que la motivation de cet arrêté ne fait pas apparaître que l'état de santé de M. C... et la dangerosité actuelle de l'intéressé ont été pris en considération par le préfet du Rhône alors que ces circonstances particulières étaient au nombre de celles sur lesquels devait porter son examen. Il suit de là que M. C... est fondé à soutenir que l'arrêté du 5 avril 2018 a été pris sans que le préfet du Rhône se soit effectivement livré à un examen complet de la situation particulière qui lui était soumise au regard des stipulations et des dispositions législatives et réglementaires applicables. La circonstance que le défaut de garantie de représentation pouvait fonder à lui seul le refus d'octroyer un délai de départ volontaire à l'intéressé est sans influence sur l'illégalité dont l'arrêté se trouve ainsi affecté.

7. Ce motif retenu par le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon justifiant l'annulation de l'arrêté du 5 avril 2018, le préfet du Rhône n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, ce magistrat a rejeté sa demande.

8. Le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a enjoint au préfet du Rhône, par un jugement exécutoire, de réexaminer la situation de M. C... dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement. La présente décision, qui se borne à rejeter l'appel du préfet, n'implique pas qu'une nouvelle injonction lui soit adressée. Les conclusions à fin d'injonction présentées par M. C... doivent, par suite, être rejetées.

9. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me D... d'une somme de 1 000 euros à ce titre, le versement de cette somme entraînant renonciation de la part de cette dernière à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet du Rhône est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me D... une somme de 1 000 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Le versement de cette somme emportera renonciation de Me D... à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui aura été confiée.

Article 3 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... C... et au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme B..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.

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N° 18LY01780

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01780
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.

Procédure - Voies de recours - Appel.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : BAILLY-COLLIARD JULIE

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-29;18ly01780 ?
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