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29/01/2019 | FRANCE | N°18LY01731

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 29 janvier 2019, 18LY01731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 février 2018 du préfet de la Haute-Savoie ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1801509 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 4 mai 2018 et le 28 septembre 2018, M. A..., représenté par Me Sergent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du

tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2018 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 février 2018 du préfet de la Haute-Savoie ordonnant sa remise aux autorités italiennes.

Par un jugement n° 1801509 du 6 avril 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire ampliatif, enregistrés le 4 mai 2018 et le 28 septembre 2018, M. A..., représenté par Me Sergent, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2018 ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé le délai d'un mois à compter de la notification la décision à intervenir, de l'admettre provisoirement au séjour en qualité de demandeur d'asile et à défaut sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de lui notifier une nouvelle décision ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros à verser à son conseil qui dans cette hypothèse, renonce par avance à la part contributive de l'Etat, au titre de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le nombre important et la diversité des erreurs affectant le jugement laissent apparaitre un défaut d'examen du recours déposé par le requérant, caractérisant une omission de juger ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé et méconnaît l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le privant du droit à un recours effectif garanti par l'article 27 du Règlement UE n° 604/2013 dit " Dublin III " ;

- le préfet de l'Isère ne pouvait, sans méconnaitre les exigences de l'article 4 du règlement n° 604/2013, lui délivrer une brochure en langue arabe littéraire ;

-il n'a pas bénéficié d'un entretien dans une langue qu'il comprend et donc n'a pas pu faire valoir l'ensemble des éléments importants de sa demande d'asile, ni comprendre l'ensemble des échanges avec la préfecture ;

- son transfert vers l'Italie méconnaît les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ;

- en l'absence de confirmation écrite de l'Italie de ce qu'elle reconnaît sa responsabilité et des dispositions matérielles prises pour convenir de la remise, l'arrêté méconnaît l'article 10 du règlement n° 1560/2003 du 2 septembre 2003.

Par ordonnance du 3 octobre 2018, la clôture d'instruction a été fixée au 19 octobre 2018.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 juin 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

-le règlement UE n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 dit " Dublin III " ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu le rapport de Mme Anne Menasseyre, présidente-assesseure, au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité soudanaise, relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé de le transférer aux autorités italiennes, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

2. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. L'arrêté du 7 février 2018, par lequel le préfet de la Haute-Savoie a prescrit le transfert de M. A... vers l'Italie, vise le règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 ainsi que le règlement n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement n° 343/2003 du Conseil établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable d'une demande d'asile, relève le caractère irrégulier de l'entrée en France de M. A..., rappelle le déroulement de la procédure suivie lorsque M. A... s'était présenté devant les services de la préfecture de l'Isère et précise que les autorités italiennes ont été saisies le 12 octobre 2017 d'une demande de prise en charge en application de l'article 13 paragraphe 1 du règlement n° 604/2013 et ont accepté leur responsabilité par un accord implicite le 12 décembre 2017. Toutefois, l'arrêté contesté ne comporte aucune référence à la consultation du fichier Eurodac ni aucune indication permettant d'identifier les éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative s'est fondée pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relevait de la responsabilité de l'Italie. Par suite, les motifs figurant dans la décision contestée ne peuvent être regardés comme comportant, comme l'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'énoncé des considérations de fait sur lesquelles se fonde la décision de transfert.

5. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. ".

7. Les motifs du présent arrêt impliquent seulement qu'il soit statué à nouveau sur le cas de M. A... et qu'il soit muni, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile. Par suite, il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de procéder au réexamen de la situation de l'intéressé dans un délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, dans cette attente d'une telle attestation.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Sergent, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au profit de Me Sergent au titre des frais exposés dans la présente instance et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 6 avril 2018 et l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 7 février 2018, décidant le transfert M. A... aux autorités italiennes, sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Haute-Savoie de statuer à nouveau sur le cas de M. A... dans le délai de quinze jours à compter de la notification du présent arrêt et de le munir, durant cet examen, d'une attestation de demande d'asile.

Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Sergent, avocate de M. A..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., au préfet de la Haute-Savoie, au ministre de l'intérieur et à Me Sergent. Copie en sera adressée au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme C..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 29 janvier 2019.

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N° 18LY01731

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01731
Date de la décision : 29/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Validité des actes administratifs - Forme et procédure - Questions générales - Motivation - Motivation suffisante - Absence.

.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SERGENT

Origine de la décision
Date de l'import : 05/02/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-29;18ly01731 ?
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