Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
L'EURL Profin Développement et Gestion a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et des pénalités correspondantes qui lui ont été réclamés pour la période du 1er avril 2008 au 31 décembre 2011, la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos au 31 mars 2009, 2010 et 2011 et des pénalités correspondantes, la décharge de la retenue à la source à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 119 bis 2 du code général des impôts au titre de l'année 2010 et des pénalités correspondantes, la décharge de l'amende à laquelle elle a été assujettie sur le fondement de l'article 1788 A-4 du code général des impôts au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement nos 1501270-1607360-1607365-167366 du 27 novembre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a conclu qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions en décharge de l'amende fondée sur l'article 1788-A-4 du code général des impôts, et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 29 janvier 2018, l'EURL Profin Développement et Gestion, représentée par SCP Lamy et Associes, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 27 novembre 2017 du tribunal administratif de Grenoble entant qu'il a rejeté le surplus de ses demandes ;
2°) de prononcer la décharge des impositions litigieuses et des pénalités correspondantes ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'EURL Profin Développement et Gestion soutient que :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
- l'insuffisance du prix de cession alléguée par l'administration fiscale n'est pas établie ; la preuve d'un acte anormal de gestion n'est pas apportée ;
- l'opération répondait à l'intérêt de l'EURL Profin Développement et Gestion en raison de ses difficultés de trésorerie ;
- le montant de la rectification est en tout état de cause excessif ;
- le prix de marché auquel le service s'est référé n'inclus pas les commissions versées ce qui justifie que l'insuffisance de prix constaté soit ramené à la somme de 285 135 euros ;
- l'intervention de Dubai Property Channel dans la commercialisation des lots est établie ;
En ce qui concerne la retenue à la source :
- l'intention libérale n'est pas établie, alors que M. et Mme A... détenaient déjà les actifs immobiliers via l'EURL Profin Développement et Gestion dont ils étaient les seuls associés, ainsi que les seuls associés de la SARL A...acquéreur des biens vendus par l'EURL Profin Développement et Gestion ; ils n'ont pas vu leur patrimoine d'accroitre du fait de cette cession ;
- la vente était justifiée par des motifs d'ordre économiques relatifs aux difficultés de commercialisation des appartements depuis fin 2008 ;
- dès lors que c'est la SARLA..., bénéficiaire de la vente, réputée avoir appréhendé la libéralité constitue une personne morale, les époux A...ne pouvaient être imposés dès lors qu'ils sont domiciliés au Royaume-Uni ;
- la doctrine administrative (référencée D. Adm. 4J-1334, n° 2 et 3 ; BOI-RPPM-RCM-30-30-10-40 n° 1 et suivants du 12 septembre 2012) précise que la retenue à la source est applicable à un revenu réputé distribué uniquement si le bénéficiaire est une personne n'ayant pas son siège en France ou une personne physique ayant son domicile fiscal à l'étranger ; selon cette interprétation de la loi qui est contraire à celle retenue par le tribunal aucune distinction n'est faite selon le régime fiscal de la personne morale bénéficiaire qu'elle soit translucide ou soumise à l'impôt sur les sociétés ;
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
- la mise en location de lots non encore vendus à la date d'achèvement de l'immeuble ne constitue qu'une opération accessoire et temporaire rendue nécessaire par la nature des opérations de construction-vente et les graves difficultés financières rencontrées par la société ;
- la circonstance que le lot n° 59 n'a pas été loué en 2007 n'a pas eu pour effet de le placer hors du champ d'application de la taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'il est demeuré en vente ;
- dans l'attente de la vente de ce lot, le fait qu'il a été mis à la disposition des gérants à titre de bureaux et de logement est justifié par les besoins de l'activité de la société soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, qui nécessite une présence régulière sur place des gérants ; l'affectation du lot aux besoins de son activité est établie ;
- le mandat de vente accordé à la société In Extenso Transactions incluait ce lot ;
En ce qui concerne l'amende fiscale :
- la créance considérée est mentionnée sur la déclaration de créance adressée par l'administration aux organes de la procédure collective ainsi que su l'état des créances ;
- la société ne dispose pas de la décision de remise du 30 mai 2017 dont le tribunal fait état ;
En ce qui concerne les pénalités :
- la transaction ne constitue pas une libéralité délibérée dès lors que l'état du marché ne correspondait pas à celui des transactions retenues par l'administration fiscale ;
- l'intention n'est pas établie, la société n'ayant pas eu conscience d'accorder une libéralité ;
- le prix résulte des difficultés de commercialisation et de la détérioration du marché immobilier sur la période en cause ;
- la libéralité n'est pas établie dès lors que les associés des deux sociétés sont les mêmes ;
- l'importance des montants ne peut justifier l'application de la pénalité ;
- s'agissant du retard de déclaration, un seul retard a été relevé sur l'ensemble de la période vérifié, celui-ci est dû à une désorganisation administrative de la société et a été régularité quelques mois après en janvier 2012 ;
- la taxe sur la valeur ajoutée afférente à l'opération avait bien été comptabilisée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 26 juin 2018, le ministre de l'action et des comptes publics a conclu à l'irrecevabilité des conclusions dirigées contre l'amende prévue par l'article 1788-A-4 du code général des impôts qui a fait l'objet d'une remise en application des dispositions du I de l'article 1756 du même code et au rejet du surplus de la requête.
Le ministre soutient qu'aucun des moyens soulevés par la société requérante n'est fondé.
Par lettre du 12 octobre 2018, les parties ont été informées en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative que, l'affaire étant considérée en état d'être jugée, la clôture de l'instruction était susceptible d'intervenir à compter du 15 novembre 2018 en application des dispositions de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Par ordonnance notifiée le 15 novembre 2018 à quatorze heure cinquante et dont il a été accusé réception à quatorze heures cinquante-sept, l'instruction a été close immédiatement à la date du 15 novembre 2018.
Un mémoire en réplique présenté par l'EURL Profin Développement et gestion a été enregistré le 15 novembre 2018 à dix-huit heures quinze mais n'a pas été communiqué ayant été enregistré après clôture de l'instruction.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de commerce ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B..., première conseillère,
- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,
- et les observations de Me D..., représentant l'EURL Profin Développement et gestion ;
Une note en délibéré présentée par l'EURL Profin Développement et gestion a été enregistrée le 8 janvier 2019.
Considérant ce qui suit :
1. L'EURL Profin Développement et Gestion, dont M. et Mme C... A... sont co-gérants et co-associés, exerce une activité de construction-vente d'immeubles touristiques situés dans les stations de ski de la Tarentaise. Ces immeubles sont exploités sous forme para-hôtelière. L'EURL Profin Développement et Gestion donne en exploitation à un " tour operator " anglais, sous forme de bail commercial, les immeubles lui appartenant encore ou ceux que les acquéreurs sous régime de meublé non professionnel lui louent. L'EURL Profin Développement et Gestion a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011, étendue en matière de taxe sur la valeur ajoutée au 31 décembre 2011. Aux termes de deux propositions de rectification du 23 août 2012 et du 12 avril 2013, la société s'est vue notifier des rappels en matière d'impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée, ainsi qu'une retenue à la source sur le fondement de l'article 119 bis 2 du code général des impôts et une amende sur le fondement de l'article 1788 A du code général des impôts. En réponse à la réclamation préalable qui lui a été adressée le 9 mai 2014, l'administration fiscale a partiellement fait droit à la réclamation du 9 mai 2014 de l'EURL Profin Développement et Gestion en matière d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, et a rejeté les demandes de dégrèvement présentées en matière de taxe sur la valeur ajoutée et au titre de l'amende. Par un jugement du 27 novembre 2017, joignant les quatre requêtes présentées par la société, le tribunal administratif de Grenoble a constaté qu'il n'y avait plus lieu de statuer sur les conclusions tendant à la décharge de l'amende fondée sur l'article 1788-A-4 du code général des impôts et a rejeté le surplus des demandes. Par la présente requête, l'EURL Profin Développement et Gestion relève appel de ce jugement.
Sur l'étendue du litige :
2. L'EURL Profin Développement et Gestion réitère en appel ses conclusions à fin de décharge de l'amende appliquée sur le fondement des dispositions de l'article 1788-A-4 du code général des impôts au motif que la créance était mentionnée sur la déclaration de créance que l'administration a adressé aux organes de la procédure collective dont elle a fait l'objet, ainsi que sur l'état des créances, et qu'elle ne dispose pas de la décision de remise du 30 mai 2017 dont le tribunal administratif a fait état dans son jugement. En défense, le ministre indique que l'inscription de ladite amende sur la déclaration des créances effectuée en application de l'article L 622-24 du code de commerce, le 21 janvier 2016, est antérieure à la décision de remise intervenue le 30 mai 2017. Pour accueillir la fin de non-recevoir opposée en défense aux conclusions à fin de décharge de cette amende présentées en première instance par la société appelante, le ministre indique avoir produit le 29 août 2017 l'extrait de l'application MEDOC justifiant la remise " procédure collective ". Toutefois, l'administration fiscale si elle n'a pas procédé au recouvrement forcé de la somme ne démontre pas la réalité du dégrèvement en s'abstenant de produire la décision de remise de l'amende litigieuse. Par suite, il n'y avait pas lieu d'accueillir l'exception de non-lieu opposée en première instance par l'administration fiscale à l'encontre des conclusions de la société tendant à décharge de cette amende. Dès lors, il y a lieu pour la cour d'annuler l'article 1er du jugement attaqué et de statuer, par la voie de l'évocation, sur les conclusions maintenues en appel tendant à la décharge de l'amende fondée sur l'article 1788-A-4 du code général des impôts.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
S'agissant des lots cédés à la SARL A...à prix minoré et des commissions versées à Dubaï Property Channel :
3. En vertu des dispositions combinées de l'article 38 du code général des impôts applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code, le bénéfice imposable à l'impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. Dans la mesure où ces dernières ont eu pour effet de diminuer le bénéfice net de la société en réduisant ses profits ou en augmentant ses charges, il y a lieu de procéder aux réintégrations correspondantes pour la détermination du bénéfice net imposable. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
4. S'agissant de la cession d'un élément d'actif immobilisé, lorsque l'administration, qui n'a pas à se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion opérés par une entreprise, soutient que la cession a été réalisée à un prix significativement inférieur à la valeur vénale qu'elle a retenue et que le contribuable n'apporte aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation, elle doit être regardée comme apportant la preuve du caractère anormal de l'acte de cession si le contribuable ne justifie pas que l'appauvrissement qui en est résulté a été décidé dans l'intérêt de l'entreprise, soit que celle-ci se soit trouvée dans la nécessité de procéder à la cession à un tel prix, soit qu'elle en ait tiré une contrepartie.
5. S'il appartient à l'administration d'apporter la preuve des faits sur lesquels elle se fonde pour estimer que l'avantage consenti sans contrepartie à l'occasion de cette cession effectuée à un prix délibérément minoré constitue, à concurrence de l'insuffisance du prix stipulé, un acte anormal de gestion, elle est réputée apporter cette preuve dès lors que cette société n'est pas en mesure de justifier qu'elle a bénéficié en retour de contreparties, sans qu'il soit besoin pour l'administration d'établir que le bénéficiaire de cet avantage avait l'intention d'accepter une libéralité.
6. La valeur vénale d'un bien cédé doit être estimée en se référant au prix résultant de la confrontation de l'offre et de la demande à la date à laquelle la cession est intervenue. Lorsque l'administration procède à l'évaluation de la valeur vénale réelle d'un immeuble, elle peut se référer à des transactions concernant des immeubles situés dans le même secteur géographique et retenir comme termes de comparaison des ventes portant sur des biens similaires, intervenues à une date antérieure ou proche de celle du fait générateur de l'impôt intervenant à la date de cession.
7. Il résulte de l'instruction que, par acte notarié du 16 avril 2010, l'EURL Profin Développement et Gestion a vendu à la SARL A...trois appartements situés dans la résidence de la Belle Plagne pour un montant de 1 347 212 euros hors taxe, soit 1 811 euros le dix millièmes. Estimant que cette transaction avait été consentie à un prix minoré, l'administration fiscale, pour déterminer la valeur vénale de ces lots, a déterminé un prix moyen hors taxe du dix millième à partir des prix de vente constatés lors de la cession de vingt autres lots situés au sein de la même résidence sur la période du 13 juillet 2007 au 23 octobre 2009, hors commissions de vente. Obtenant un prix de vente moyen de 2 301 euros du dix millièmes, qu'elle a pris comme référence des prix du marché, l'administration fiscale a considéré que l'EURL Profin Développement et Gestion, en cédant trois lots pour un montant de 1 347 212,37 euros hors taxe, avait au regard des caractéristiques des biens, minoré le prix de cession de près de 30 % par rapport à leur valeur vénale et ainsi consenti un avantage à la SARL A... pour un montant de 365 289 euros, sans établir l'existence d'une contrepartie ou d'un intérêt pour elle à consentir un tel avantage, ces opérations de cession étant, par suite, constitutives d'un acte anormal de gestion.
8. La société conteste les termes de comparaison retenus par l'administration pour l'appréciation de la valeur vénale des biens en fonction des millièmes sans toutefois apporter aucun élément de nature à remettre en cause cette évaluation. Il résulte de l'instruction que le prix moyen du dix millième retenu par l'administration fiscale pour démontrer la minoration du prix de vente des lots litigieux a été déterminé à partir des prix de vente constatés lors de transactions réalisées sur la même période, pour la cession d'appartements situés au sein de la même résidence, présentant les mêmes caractéristiques. L'administration n'a pas tenu compte des prix de vente enregistrés lors de la vente de deux lots réalisée antérieurement, en 2009, ni de ceux des deux lots vendus postérieurement en 2010 et 2011, tous pour des montants excédant le prix moyen retenu pour apprécier la valeur vénale des biens. Pour contester l'insuffisance de prix par rapport à la valeur vénale des biens cédés en 2010, la société appelante ne borne à invoquer, sans plus de précision, la crise de l'immobilier de 2008, et soutient que cette évaluation ne tient pas compte des commissions de vente versées à la société Dubaï Property Channel pour son rôle dans la commercialisation des lots. Toutefois, l'intervention de cet intermédiaire n'est nullement établie, la société appelante elle-même indiquant dans ses écritures qu'aucun intermédiaire n'est intervenu dans ces opérations de ventes réalisées avec la SARLA.... Dans ces conditions, l'administration fiscale apporte la preuve du caractère anormal des cessions de lots vendus en 2010 à la SARL A...à un prix minoré, sans que la requérante ne justifie que l'appauvrissement qui en est résulté eut été décidé dans son intérêt au motif qu'elle se serait trouvée dans la nécessité de procéder à ces cessions à un tel prix.
9. Pour démontrer que les cessions de lots à prix minoré étaient justifiées dans son intérêt et présentaient une contrepartie, la société appelante se prévaut, sans l'établir par la production de justificatifs probants, de l'impact négatif de la crise immobilière de 2008 à l'origine de difficultés de commercialisation des lots litigieux et des difficultés financières en résultant, ainsi que de difficultés de trésorerie induites par la demande de remboursement d'un prêt bancaire émanant de la banque Kaupthing Singer et Friedlander (KSF). Il résulte, toutefois, de l'instruction que le prêt bancaire litigieux a été renouvelé en octobre 2008 alors que la banque KSF était déjà placée sous administration judiciaire et qu'en outre la société appelante n'a procédé au remboursement dudit prêt que huit mois après les cessions litigieuses. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que la société a bénéficié six mois avant les cessions litigieuses, d'un prêt accordé par une autre banque d'un montant lui permettant de rembourser tous ses prêts bancaires en cours. Dans ces conditions, la société ne justifie pas de l'appauvrissement résultant des cessions à prix minoré, constitutive d'un acte anormal de gestion dont elle ne démontre pas avoir tiré aucune contrepartie.
10. En faisant valoir la collusion d'intérêts liant les deux sociétés parties à la transaction, dont le capital est détenu par les mêmes associés, en la personne de M. et Mme A..., l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de la volonté pour l'EURL Profin Développement et Gestion de consentir, de manière occulte et délibérée, une libéralité à la SARLA.... Par suite, l'administration fiscale démontre l'intention de l'EURL Profin Développement et Gestion d'octroyer une libéralité à la SARLA..., société d'ailleurs constituée pour cette opération.
S'agissant de la retenue à la source :
11. En vertu du 3 de l'article 158 du code général des impôts sont notamment imposables à l'impôt sur le revenu, dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, les revenus considérés comme distribués en application des articles 109 et suivants du même code. Aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ".
12. En cas d'acquisition par une société à un prix que les parties ont délibérément majoré par rapport à la valeur vénale de l'objet de la transaction, ou, s'il s'agit d'une vente, délibérément minoré, sans que cet écart de prix comporte de contrepartie, l'avantage ainsi octroyé doit être requalifié comme une libéralité représentant un avantage occulte constitutif d'une distribution de bénéfices au sens des dispositions précitées de l'article 111 c du code général des impôts, alors même que l'opération est portée en comptabilité et y est assortie de toutes les justifications concernant son objet et l'identité du cocontractant, dès lors que cette comptabilisation ne révèle pas, par elle-même, la libéralité en cause. La preuve d'une telle distribution occulte doit être regardée comme apportée par l'administration lorsqu'est établie l'existence, d'une part, d'un écart significatif entre le prix convenu et la valeur vénale du bien cédé, d'autre part, d'une intention, pour la société, d'octroyer, et, pour le cocontractant, de recevoir, une libéralité du fait des conditions de la cession. L'administration démontre, par la cession à prix minoré de l'immobilisation, l'existence d'une libéralité volontairement consentie, de manière occulte, à l'acquéreur par le cédant, eu égard à la communauté d'intérêts unissant les actionnaires des sociétés parties à la transaction litigieuse.
13. Aux termes de l'article 119 bis du code général des impôts : " (...) 2. Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ou lorsqu'ils sont payés hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. ".
14. Pour démontrer l'existence d'une libéralité, représentant un avantage occulte à hauteur de 365 289 euros, volontairement consentie par la société requérante au profit de la SARL A..., constituée pour l'occasion, lors de la cession des lots d'appartements litigieux situés dans la résidence de Belle Plagne, l'administration fiscale fait valoir la communauté d'intérêts unissant les deux parties à la transaction, les deux sociétés étant détenues et dirigées par les mêmes associés, M. et Mme A.... Compte tenu des conditions de cession, l'intention libérale est établie, la cession à prix minoré résultant de l'intention délibérée des parties ayant pleinement conscience l'une d'octroyer, l'autre de recevoir cette libéralité.
15. Les associés de la SARLA..., acquéreur des lots immobiliers litigieux, ayant opté pour le régime fiscal des sociétés de personnes, et étant détenue à parts égales par les épouxA..., résidents fiscaux au Royaume-Uni, ont été regardés comme ayant directement appréhendé l'avantage occulte octroyé par l'EURL Profin Développement et Gestion lors des cessions.
16. Cet avantage occulte étant pas suite imposable en tant que revenus distribués entre les mains des bénéficiaires sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Pour contester la retenue à la source, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la circonstance que les époux A...contrôlaient l'EURL Profin Développement et Gestion démontrerait qu'ils n'ont bénéficié d'aucun accroissement de leur patrimoine à l'occasion de la cession litigieuse, compte tenu du caractère distinct des personnes morales parties à la transaction. La requérante ne peut davantage invoquer la domiciliation en France de la SARL A...qui a opté pour le régime des sociétés de personnes pour contester l'application de la retenue à la source sur le fondement du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts pour imposer l'avantage occulte dont ses associés, non résidents, ont bénéficié.
17. La doctrine administrative, référencée D. Adm. 4J-1334, n° 2 et 3 ; BOI-RPPM-RCM-30-30-10-40 n° 1 et suivants du 12 septembre 2012, dont se prévaut la société appelante ne comporte à cet égard aucune interprétation différente de la loi fiscale dont il a été, ici, fait application.
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée initialement déduite à reverser :
18. Aux termes de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts : " IV. (...) 2. Lorsqu'un bien en stock, ou un bien immobilisé non encore utilisé, vient à être utilisé à des opérations ouvrant droit à déduction, la taxe initiale peut être déduite à proportion du coefficient de déduction résultant de ce changement. (...) VI. - Le montant de la taxe dont la déduction a déjà été opérée doit être reversé dans les cas suivants : (...) 2° Lorsque les biens ou services ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe qui les avait grevés ont été utilisés pour une opération qui n'est pas effectivement soumise à l'impôt. ".
19. L'EURL Profin Développement et Gestion a construit, sur la station de Belle-Plagne, un ensemble hôtelier dont elle a commercialisé les chambres et suites, et a conclu avec un tour opérateur un bail commercial le 21 septembre 2007 pour l'exploitation de l'ensemble immobilier. Ce bail comportait une clause de réserve de jouissance du bailleur du lot n °59 correspondant à un appartement situé au dernier étage du bâtiment B avec entrée séparée et ne communiquant pas avec le reste de l'hôtel. La société appelante soutient, sans l'établir de manière probante, que ce lot est demeuré en vente sur toute la période vérifiée, qu'il faisait partie du mandat de commercialisation conclu le 5 septembre 2012 avec l'agence immobilière In extenso Transaction, et que l'occupation de ce lot par ses associés, M. et Mme A..., répondait au besoin de ses dirigeants de disposer de locaux à usage de bureau et de logement lors de leurs séjours en France afin d'assurer la gestion de l'EURL. La société requérante ne produit, toutefois, aucun justificatif de l'affectation de ce lot à des opérations effectivement soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. Dans ces conditions, le lot n° 59 relevait des dispositions précitées du 2° du IV de l'article 207 de l'annexe II au code général des impôts, aux termes desquelles, dans le cas d'un bien immobilisé ayant fait l'objet d'une déduction de la taxe l'ayant grevé utilisé pour une opération non soumise à la taxe sur la valeur ajoutée, la taxe initialement déduite doit être reversée. L'administration fiscale était par suite, fondée à procéder à la régularisation de la taxe correspondant au lot n° 59 initialement déduite au moment de la construction de l'immeuble pour un montant de 125 282 euros.
Sur les pénalités :
20. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : a. 40 % en cas de manquement délibéré ; (...) ".
21. Pour justifier l'application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts aux rectifications mises à sa charge en matière d'impôt sur les sociétés et de retenue à la source, l'administration fiscale s'est fondée sur l'intention délibérée de l'EURL Profin Développement et Gestion d'accorder un avantage occulte constitutif d'une libéralité à la SARL A... en cédant les lots à un prix minoré par rapport à leur valeur vénale, la preuve de l'existence d'une contrepartie n'étant pas apportée et les sociétés détenues par les mêmes associés étant liées par une communauté d'intérêts. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de la volonté délibérée de l'EURL Profin Développement et Gestion d'éluder l'impôt justifiant l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.
22. Pour justifier l'application de la pénalité prévue à l'article 1729 du code général des impôts aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie, l'administration fiscale a relevé au cours de la période vérifiée, outre l'omission de déclaration de la taxe sur la valeur ajoutée collectée à l'occasion d'une opération de cession à un tiers de trois lots au sein de la résidence de Belle-Plagne, l'importance et le caractère répété des retard de déclaration, sur toute la période vérifiée, de la taxe sur la valeur ajoutée collectée lors des ventes immobilières réalisées, s'élevant jusqu'à 1 014 759 euros entre avril et septembre 2008, la taxe collectée, comptabilisée sur un compte de " taxe sur la valeur ajoutée à régulariser ", donnant lieu à une régularisation tardive, plusieurs mois après la date d'exigibilité. Par suite, l'administration fiscale apporte la preuve qui lui incombe de la volonté délibérée de l'EURL Profin Développement et Gestion d'éluder l'impôt justifiant l'application de la pénalité de 40 % pour manquement délibéré.
23. En l'absence de production, par le ministre, de la décision prononçant le dégrèvement de l'amende prévue à l'article 1788 A-4 du code général des impôts au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011 dont il se prévaut, il y a lieu pour la cour d'accorder à l'EURL Profin Développement et Gestion la décharge de cette amende.
24. Il résulte de ce qui précède que l'EURL Profin Développement et Gestion est seulement fondée à soutenir que c'est irrégulièrement que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a constaté un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à la décharge de l'amende prévue à l'article 1788 A-4 du code général des impôts réclamée au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011.
Sur les frais liés à l'instance :
25. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner l'Etat à verser une quelconque somme à l'EURL Profin Développement et Gestion en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative au titre des frais exposés en cours d'instance et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : L'article 1er du jugement du tribunal administratif de Grenoble nos 1501270-1607360-1607365-167366 du 27 novembre 2017 est annulé.
Article 2 : L'EURL Profin Développement et Gestion est déchargée de l'amende prévue à l'article 1788 A-4 du code général des impôts réclamée au titre de la période du 1er avril 2008 au 31 mars 2011.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de l'EURL Profin Développement et Gestion est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à l'EURL Profin Développement et Gestion et au ministre de l'action et des comptes publics. Copie en sera adressée au directeur du contrôle fiscal de Rhône-Alpes-Bourgogne.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme B..., première conseillère.
Lu en audience publique le 29 janvier 2019.
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N° 18LY00372
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