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17/01/2019 | FRANCE | N°17LY02858

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre a - formation à 3, 17 janvier 2019, 17LY02858


Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2017 et le 19 janvier 2018, le préfet de l'Isère défère à la cour le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale tacitement délivré par le maire de Vinay (38470) à la SCI Margo Immobilier pour la création d'un supermarché sous l'enseigne " Super U " dans la zone d'activité de Tréry sud au lieu-dit " La Plaine de Buissonière ".

Le préfet de l'Isère soutient que :

- la fin de non-recevoir opposée par la SCI Margo Imm

obilier doit être écartée dans la mesure où son déféré préfectoral constitue le prolongement...

Vu la procédure suivante :

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 24 juillet 2017 et le 19 janvier 2018, le préfet de l'Isère défère à la cour le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale tacitement délivré par le maire de Vinay (38470) à la SCI Margo Immobilier pour la création d'un supermarché sous l'enseigne " Super U " dans la zone d'activité de Tréry sud au lieu-dit " La Plaine de Buissonière ".

Le préfet de l'Isère soutient que :

- la fin de non-recevoir opposée par la SCI Margo Immobilier doit être écartée dans la mesure où son déféré préfectoral constitue le prolongement du contrôle de légalité entamé par son recours gracieux auprès du maire ;

- l'implantation du projet n'est pas compatible avec le document d'orientation et d'objectifs (DOO), et notamment le document d'aménagement commercial (DAC), du schéma de cohérence territoriale (SCOT) de la région urbaine de Grenoble ;

- en méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce, l'autorisation tacite déférée est contraire au principe d'intégration urbaine, est consommatrice d'espace et de besoins en places de stationnement, va contribuer à vider l'animation du centre bourg en déplaçant cet espace de chalandise, générer de nouveaux flux de transports en dehors de toute desserte par les transports en commun, éloigner l'offre de proximité par rapport aux lieux de vie et ne pas contribuer à la revitalisation du tissu commercial ;

- contrairement à ce que soutient la SCI Margo Immobilier, ce moyen est recevable dans le cadre d'un déféré préfectoral ;

- le projet méconnait les orientations générales du plan d'aménagement et de développement durable ainsi que le rapport de présentation du plan local d'urbanisme ;

- il méconnait l'article UI1 du plan local d'urbanisme.

Par des mémoires, enregistrés le 11 septembre 2017 et le 25 janvier 2018, la commune de Vinay, représentée par la SCP Fessler-Jorquera et associés, vient au soutien du déféré préfectoral et demande à la cour de condamner la SCI Margo Immobilier à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune de Vinay soutient que :

- le déféré est recevable et n'est pas tardif ;

- les moyens soulevés par le préfet sont recevables et fondés.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 29 novembre 2017 et le 29 mars 2018, la société civile immobilière (SCI) Margo Immobilier, représentée par la SCP Aleo, conclut au rejet du déféré et demande à la cour de condamner solidairement l'Etat et la commune de Vinay à lui verser la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SCI Margo Immobilier soutient que :

- le déféré n'est pas recevable dans la mesure où le préfet de l'Isère, en demandant au maire de Vinay de retirer le permis de construire tacite, ce que le maire a fait, avait déjà exercé son contrôle de légalité sur le permis tacite, avant que la cour administrative d'appel de Lyon n'annule l'arrêté de retrait du maire ; cette annulation n'autorise pas le préfet à exercer pour la seconde fois un contrôle de légalité ;

- le moyen tiré de ce que le permis de construire méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce, qui n'est pas fondé, n'est pas recevable dans la mesure où le préfet a saisi la cour d'un déféré préfectoral présenté sur le fondement des articles L. 2131-2 et suivants du code général des collectivités territoriales et non une requête distincte sur le fondement de l'article L. 752-17 du code de commerce ;

- les autres moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 21 septembre 2018 la clôture d'instruction a été fixée au 4 octobre 2018, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de l'environnement ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de MmeD..., première conseillère,

- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,

- et les observations de M.B..., représentant le préfet de l'Isère, de Me A..., représentant la SCI Margo Immobilier et de Me C... représentant la commune de Vinay ;

Considérant ce qui suit :

1. Le 22 avril 2016, la société civile immobilière (SCI) Margo Immobilier, qui exploite un supermarché sous l'enseigne " Super U " à Vinay, a déposé une demande de permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale pour la création, en remplacement du supermarché existant, d'un supermarché sous la même enseigne dans la zone d'activité de Tréry Sud au lieu-dit " La Plaine/Buissonnière ". Lors du dépôt de son dossier, les services de la mairie de Vinay ont délivré au pétitionnaire un récépissé mentionnant un délai d'instruction de trois mois, puis ce délai a été porté à cinq mois au motif que le projet était soumis à autorisation d'exploitation commerciale. La commission départementale d'aménagement commercial (CDAC) de l'Isère, saisie pour avis, a, dans sa séance du 6 juillet 2016, émis un avis favorable au projet. L'établissement public du schéma de cohérence territoriale de la région urbaine de Grenoble a alors formé un recours contre cet avis devant la commission nationale d'aménagement commercial (CNAC) avant de s'en désister le 3 octobre 2016. Le préfet de l'Isère, ayant constaté qu'une autorisation tacite était née au bénéfice de la SCI Margo Immobilier, a saisi le maire de Vinay, par lettre du 20 décembre 2016, d'un recours gracieux tendant au retrait de ce permis tacite. Par arrêté du 14 février 2017, le maire de Vinay a procédé à ce retrait et a opposé un refus à la demande de permis de construire. Par un arrêt du 4 juillet 2017 devenu définitif, la cour administrative d'appel de Lyon a annulé cet arrêté au motif que la SCI Margo Immobilier s'était trouvée bénéficiaire le 22 septembre 2016 d'un permis de construire tacite et que le maire de Vinay, alors même qu'il avait été saisi d'un recours gracieux formé dans le délai par le préfet de l'Isère contre ce permis de construire délivré tacitement, ne pouvait, sans méconnaître l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme, procéder au retrait de ce permis tacite par un arrêté pris le 14 février 2017, plus de trois mois après la naissance de ce permis. Par la présente requête, le préfet de l'Isère défère à la cour ce permis de construire tacite.

Sur la fin de non-recevoir opposée par la SCI Margo Immobilier :

2. Aux termes de l'article L. 424-5 du code de l'urbanisme : " La décision de non-opposition à une déclaration préalable ou le permis de construire ou d'aménager ou de démolir, tacite ou explicite, ne peuvent être retirés que s'ils sont illégaux et dans le délai de trois mois suivant la date de ces décisions. Passé ce délai, la décision de non-opposition et le permis ne peuvent être retirés que sur demande expresse de leur bénéficiaire.(...) ".

3. Il résulte de ces dispositions que l'administration dispose d'un délai de trois mois suivant la délivrance d'un permis de construire pour retirer cette décision. Lorsqu'une décision créatrice de droits est retirée et que ce retrait est annulé, la décision initiale est rétablie à compter de la date de lecture de la décision juridictionnelle prononçant cette annulation. Une telle annulation n'a pas pour effet d'ouvrir un nouveau délai de trois mois pour retirer la décision initiale, alors même que celle-ci comporterait des irrégularités pouvant en justifier légalement le retrait.

4. Toutefois, lorsqu'une décision créatrice de droits a été retirée dans le délai de recours contentieux puis rétablie à la suite de l'annulation juridictionnelle de son retrait, le délai de recours contentieux court à nouveau à l'égard des tiers à compter de la date à laquelle la décision créatrice de droits ainsi rétablie fait à nouveau l'objet des formalités de publicité qui lui étaient applicables ou, si de telles formalités ne sont pas exigées, à compter de la date de notification du jugement d'annulation.

5. Lorsque la décision créatrice de droits remise en vigueur du fait de l'annulation de son retrait par le juge a pour auteur l'une des autorités mentionnées à l'article L. 2131-2 du code général des collectivités territoriales, il appartient à cette autorité de transmettre cette décision au représentant de l'Etat dans le département dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement d'annulation. Le préfet dispose alors de la possibilité de déférer à la juridiction administrative compétente la décision ainsi remise en vigueur du fait de cette annulation s'il l'estime contraire à la légalité, dans les conditions prévues à l'article L. 2131-6 du même code.

6. L'arrêté du 14 février 2017 par lequel le maire de Vinay a procédé au retrait du permis de construire délivré tacitement le 22 septembre 2016 à la SCI Margo Immobilier, dans le délai imparti au préfet pour le déférer, a été annulé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 4 juillet 2017. Conformément à ce qui a été indiqué au point 5, le préfet pouvait déférer, à la suite de cette annulation, à la cour administrative d'appel, compétente en premier et dernier ressort, la décision ainsi remise en vigueur du fait de cette annulation dans les conditions prévues à l'article L. 2131-6 du même code et ce alors même qu'il avait exercé auprès du maire de Vinay le recours gracieux ayant conduit au retrait du permis tacite. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que le préfet de l'Isère, en demandant au maire de Vinay de retirer le permis de construire tacite, avait déjà exercé son contrôle de légalité sur le permis tacite et que l'annulation de son retrait n'autorisait pas le préfet à exercer pour la seconde fois un contrôle de légalité sur cet acte, doit être écartée.

Sur la légalité du permis de construire tacite :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 752-6 du code de commerce :

S'agissant de sa recevabilité :

7. La décision unique par laquelle l'autorité compétente octroie un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale peut faire l'objet d'un recours pour excès de pouvoir, d'une part, par les personnes mentionnées au I de l'article L. 752-17 du code de commerce, au nombre desquelles figurent notamment les professionnels dont l'activité, exercée dans les limites de la zone de chalandise définie pour le projet, est susceptible d'être affectée par celui-ci et, d'autre part, par les personnes mentionnées à l'article L. 600-1-2 du code de l'urbanisme, au nombre desquelles figurent notamment celles pour lesquelles la construction est de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elles détiennent ou occupent régulièrement. Pour chacune de ces deux catégories de requérants, l'article L. 600-1-4, introduit au code de l'urbanisme par la loi du 18 juin 2014, fixe des dispositions qui leur sont propres dans les termes suivants : " Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 752-17 du code de commerce d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4 du présent code, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire sont irrecevables à l'appui de telles conclusions. / Lorsqu'il est saisi par une personne mentionnée à l'article L. 600-1-2 d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis de construire mentionné à l'article L. 425-4, le juge administratif ne peut être saisi de conclusions tendant à l'annulation de ce permis qu'en tant qu'il vaut autorisation de construire. Les moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale sont irrecevables à l'appui de telles conclusions ".

8. Lorsqu'il défère à la juridiction administrative un permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale, eu égard aux pouvoirs qu'il tient des articles L. 2131-2 et suivants du code général des collectivités territoriales, le préfet peut présenter à l'appui de sa requête aussi bien des moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il vaut autorisation de construire que des moyens relatifs à la régularité de ce permis en tant qu'il tient lieu d'autorisation d'exploitation commerciale. Par suite, la SCI Margo Immobilier n'est pas fondée à soutenir que le moyen tiré de ce que le permis de construire méconnaît l'article L. 752-6 du code de commerce ne serait pas recevable dans la mesure où le préfet a saisi la cour d'un déféré préfectoral et non d'une requête distincte présentée sur le fondement de l'article L. 752-17 du code de commerce.

S'agissant de son bien-fondé :

9. Aux termes de l'article L. 752-6 du code de commerce : " La commission départementale d'aménagement commercial prend en considération : / 1° En matière d'aménagement du territoire : / a) La localisation du projet et son intégration urbaine ; / b) La consommation économe de l'espace, notamment en termes de stationnement ; / c) L'effet sur l'animation de la vie urbaine, rurale et dans les zones de montagne et du littoral ; / d) L'effet du projet sur les flux de transports et son accessibilité par les transports collectifs et les modes de déplacement les plus économes en émission de dioxyde de carbone ; / (...). ".

10. Il résulte de ces dispositions précitées de l'article L. 752-6 du code du commerce que la commission départementale d'aménagement commercial prend en considération trois séries de critères liés à l'aménagement du territoire, au développement durable et à la protection des consommateurs. A titre accessoire, elle peut également prendre en considération la contribution du projet en matière sociale. Il suit de là, que l'autorisation d'exploitation commerciale ne peut être accordée que si, eu égard à ses effets, le projet ne compromet pas la réalisation des objectifs prévus par la loi.

11. En l'espèce, le projet litigieux consiste en l'agrandissement et au déplacement du seul supermarché existant en l'éloignant du centre-ville et de la proximité de la gare SNCF pour l'installer dans une zone d'activité à côté d'une bretelle d'autoroute. Si ce projet permet d'accroître l'offre commerciale répondant aux besoins de la population se trouvant dans le bassin de vie de la commune et aura de ce fait un effet positif sur l'animation de la vie rurale, il ne contribue pas, par son positionnement, à l'animation de la vie urbaine de la commune. De même, si l'offre commerciale ainsi créée permettra de diminuer les déplacements vers d'autres bassins de vie et que la route le desservant est en capacité de recevoir les nouveaux flux générés par le projet, celui-ci accroitra beaucoup les flux de transport au sein de la commune. En outre, le projet contesté, qui n'est pas desservi par des transports en commun, n'est relié au centre de la commune ni par des cheminements piétons ni par un maillage mode doux alors que le supermarché actuel, implanté à côté de la gare, est accessible à pied. Dans ces conditions, le préfet est fondé à soutenir qu'en accordant le permis de construire litigieux, le maire de Vinay a commis une erreur d'appréciation au regard des dispositions de l'article L. 752-6 du code de commerce relatives notamment à la localisation du projet et son intégration urbaine.

En ce qui concerne le moyen tiré de l'incompatibilité avec les dispositions du SCOT :

12. En application de l'article L. 752-6 du code de commerce et de l'article L. 142-1 du code de l'urbanisme, les permis de construire tenant lieu d'autorisation d'exploitation commerciale prévus à l'article L. 425-4 doivent être compatibles avec le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale (SCOT) pris dans leur ensemble.

13. A l'exception des cas limitativement prévus par la loi dans lesquels les SCOT peuvent contenir des normes prescriptives, ceux-ci, avec lesquels les autorisations délivrées par les commissions d'aménagement commercial doivent être compatibles, doivent se borner à fixer des orientations et des objectifs. En matière d'aménagement commercial, s'il ne leur appartient pas, sous réserve des dispositions applicables aux zones d'aménagement commercial, d'interdire par des dispositions impératives certaines opérations de création ou d'extension relevant des qualifications et procédures prévues au titre V du livre VII du code de commerce, ils peuvent fixer des orientations générales et des objectifs d'implantations préférentielles des activités commerciales, définis en considération des exigences d'aménagement du territoire, de protection de l'environnement ou de qualité de l'urbanisme. Si de tels objectifs peuvent être pour partie exprimés sous forme quantitative, il appartient aux commissions d'aménagement commercial non de vérifier la conformité des projets d'exploitation commerciale qui leur sont soumis aux énonciations des schémas de cohérence territoriale mais d'apprécier la compatibilité de ces projets avec les orientations générales et les objectifs qu'ils définissent.

14. La commune de Vinay s'inscrit dans le périmètre du SCOT de la région urbaine de Grenoble approuvé le 21 décembre 2012 dont la quatrième partie, relative à l'équilibre et à la polarisation du développement des territoires, prévoit de rééquilibrer et polariser l'offre commerciale en priorité dans les centres urbains mixant emplois, commerces, services et équipements. Deux orientations principales ont été arrêtées par ce document. La première consiste à organiser l'offre commerciale selon la nature des commerces et des pratiques d'achat, les commerces comme le supermarché " Super U " en litige étant identifiés comme des commerces de détail et de proximité. La seconde consiste à renforcer l'équilibre et la solidarité des territoires, en définissant des périmètres d'influence recherchés, et en maîtrisant le dimensionnement des commerces. Le SCOT identifie la commune de Vinay comme un pôle principal et touristique dont le périmètre d'influence recherché dépasse le seul territoire communal. Si le SCOT n'indique pas le nombre d'habitants de ce périmètre, le dossier de demande d'autorisation d'exploitation commerciale indique que la zone de chalandise du projet, qui correspond sensiblement à ce périmètre d'influence recherché, représente en 2013 une population de 13 000 habitants. Le SCOT précise que chaque pôle urbain devra s'attacher à respecter ce périmètre d'influence afin de ne pas empêcher le développement de ses voisins et qu'il faut, pour les petites villes, créer les conditions permettant de maintenir, développer et diversifier leur offre de commerces, de services et d'équipements, en privilégiant notamment l'accueil de fonctions et d'équipements ayant un rayonnement à l'échelle de leur bassin de vie. Le SCOT préconise ensuite le dimensionnement maximal des projets commerciaux afin qu'ils respectent ces périmètres d'influence. Pour 10 000 usagers, la dimension maximale d'un projet est de 1 500 m2, cette surface étant portée à 2 500 m2 pour 20 000 usagers. Enfin le SCOT détermine, dans le document d'aménagement commercial (DAC), des zones d'aménagement commercial (ZACOM) préférentielles pour accueillir les commerces. Il prévoit que les commerces de détail et de proximité, comme le supermarché en cause, doivent s'installer dans les centralités urbaines comprises à l'intérieur des ZACOM de type 1 et de type 2 afin d'arrêter " ce mouvement d'externalisation pour tous les commerces compatibles avec l'habitat ". Les espaces économiques extérieurs aux espaces habités sont réservés pour les commerces les moins compatibles avec l'habitat. Le SCOT prévoit également que les infrastructures routières rapides n'ont pas vocation à servir de vitrine commerciale.

15. Ainsi qu'il a été dit au point 11, le projet en cause conduit à déplacer, tout en l'agrandissant, le supermarché existant à la périphérie de la commune de Vinay, à côté d'un rond point permettant d'accéder à une bretelle d'autoroute, dans une zone non habitée, comprenant, de façon éparse, des commerces non alimentaires. S'il permet d'accroître l'offre commerciale de Vinay, qui a été identifiée comme un pôle principal pour le commerce, répondant ainsi en partie à l'un des objectifs du SCOT, le dimensionnement de ce supermarché apparait aller au-delà des besoins des seuls habitants du périmètre d'influence recherché au sein du SCOT. Il conduit à supprimer le seul supermarché existant dans le centre ville, à côté de la gare de Vinay, dans une zone identifiée comme ZACOM de type 2, et à en recréer un en périphérie de ville, en dehors de toute ZACOM, à proximité d'une ZACOM de type 3, destinée aux commerces moins compatibles avec l'habitat. Ainsi, ce projet va à l'encontre des objectifs principaux du SCOT en matière d'offre commerciale. Par suite, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que ce projet est incompatible avec les orientations du schéma de cohérence territoriale de la région urbaine de Grenoble prises dans leur ensemble.

16. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à demander l'annulation du permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale tacitement délivré par le maire de Vinay à la SCI Margo Immobilier pour la création d'un supermarché sous l'enseigne " Super U " dans la zone d'activité de Tréry sud au lieu-dit " La Plaine de Buissonière ". Pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, aucun des autres moyens invoqués n'est susceptible, en l'état du dossier, de fonder cette annulation.

Sur les frais liés au litige :

17. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SCI Margo Immobilier une somme à verser à la commune de Vinay en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

18. Il n'y a pas non plus lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Vinay une somme à verser à la SCI Margo Immobilier en application de ces dispositions.

19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la SCI Margo Immobilier la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le permis de construire valant autorisation d'exploitation commerciale tacitement délivré le 22 septembre 2016 par le maire de Vinay à la SCI Margo Immobilier pour la création d'un supermarché sous l'enseigne " Super U " dans la zone d'activité de Tréry sud au lieu-dit " La Plaine de Buissonière " est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la commune de Vinay et de la SCI Margo Immobilier tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'Intérieur, à la commune de Vinay, et à la SCI Margo Immobilier. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère, au président de la commission nationale d'aménagement commercial et au procureur de la République près le tribunal de grande instance territorialement compétent en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 20 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,

M. Souteyrand, président-assesseur,

MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 17 janvier 2019.

2

N° 17LY02858


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre a - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY02858
Date de la décision : 17/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Collectivités territoriales - Dispositions générales - Contrôle de la légalité des actes des autorités locales.

Procédure - Jugements - Exécution des jugements - Effets d'une annulation.

Urbanisme et aménagement du territoire - Plans d'aménagement et d'urbanisme - Schémas de cohérence territoriale - Effets.


Composition du Tribunal
Président : Mme FISCHER-HIRTZ
Rapporteur ?: Mme Agathe DUGUIT-LARCHER
Rapporteur public ?: M. SAVOURE
Avocat(s) : ALEO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-17;17ly02858 ?
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