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15/01/2019 | FRANCE | N°17LY03731

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 15 janvier 2019, 17LY03731


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, après remise sans délai d'un récépissé portant autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de lui délivrer dans le délai de deux mois un titre de séjour portant la mention " vie privée

et familiale " ;

3°) de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de jus...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet de la Drôme a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'enjoindre au préfet de la Drôme, après remise sans délai d'un récépissé portant autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, de lui délivrer dans le délai de deux mois un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

3°) de faire application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi relative à l'aide juridique.

Par un jugement n° 1704267 du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté préfectoral du 17 juillet 2017, a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai de deux mois et de lui délivrer, dans l'attente et dans le délai de deux jours, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail, et a mis à la charge de l'Etat le versement au conseil de M. B...d'une somme de 800 euros au titre des frais non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 27 octobre 2017, le préfet de la Drôme demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 19 octobre 2017 et de rejeter la demande de M.B....

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, la condamnation à six mois de prison avec sursis justifie que M. B...constitue une menace à l'ordre public ;

- l'absence de contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants pouvait être opposée à l'intéressé ;

- il s'en rapporte à ses écritures de première instance s'agissant des autres moyens soulevés par l'intéressé.

La requête a été communiquée à M. B...qui n'a pas produit de mémoire en défense.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 novembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère ;

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant marocain né le 17 septembre 1987, est entré en France muni d'un visa de long séjour valant titre de séjour en qualité de conjoint de Français le 12 octobre 2012. Le 4 mai 2015, lui a été délivrée une carte de séjour temporaire en qualité de parent d'enfant français, dont il a sollicité le renouvellement le 17 janvier 2017. Par arrêté du 17 juillet 2017, le préfet de la Drôme a rejeté cette demande et obligé M. B...à quitter le territoire français. Par jugement du 19 octobre 2017, le tribunal administratif de Grenoble a annulé cet arrêté préfectoral, a enjoint au préfet de la Drôme de délivrer à M. B... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " et a fait application des dispositions de l'article L. 761-1 et de l'article 37 relative à l'aide juridique. Le préfet de la Drôme relève appel de ce jugement.

2. Aux termes de l'article l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales susvisée : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que M. B...est père de deux enfants de nationalité française nés le 8 mars 2012 et le 29 juillet 2014, issus de son mariage en octobre 2011 avec une ressortissante française. Par jugement d'assistance éducative du 12 septembre 2016, le juge des enfants près le tribunal de grande instance de Valence a confié les deux enfants aux services de l'aide sociale à l'enfance pendant une durée de huit mois aux fins de mise en place d'une mesure de placement à domicile, le " service d'accompagnement progressif en milieu familial " (SAPMF). Dans ce cadre, les enfants résident au domicile de leur mère. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'enquête de police diligentée le 1er mars 2017 pour connaître son lieu de résidence, que M. B...vit chez diverses personnes mais qu'il arrive à son épouse de l'héberger. Cette dernière a déclaré au cours de cette enquête qu'il passait " régulièrement chez elle pour voir les enfants ". Par ailleurs, l'éducatrice spécialisée chargée du suivi de la mesure de SAPMF a indiqué lors de son audition du 1er mars 2017 par les services de police que " Au niveau de leur couple, cela est compliqué, car ils veulent se séparer mais ils ne le font pas. Nous savons qu'il y a eu plusieurs faits de violence entre eux mais depuis que nous gérons la situation, nous n'avons pas été amenés à avoir connaissance de nouveaux faits. ". Par ailleurs, le jugement du 12 septembre 2016 mentionné ci-dessus relève le " lien affectif fort " qui unit les enfants à leurs parents. Ce lien et l'intérêt de M. B...pour ses enfants est, en outre, attesté, en particulier, par le témoignage précis et circonstancié de l'institutrice de son fils aîné en 2016-2017. Dans ces conditions, en dépit des difficultés rencontrées par le couple, dont il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... soit exclusivement responsable, le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français que lui a opposés le préfet de l'Isère par son arrêté du 17 juillet 2017 portent une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au sens des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

4. Par ailleurs, il y a lieu, par adoption des motifs retenus à bon droit par le premier juge, qui ne sont pas pertinemment contestés en appel, d'écarter le moyen du préfet de la Drôme fondé sur la circonstance que M. B...présenterait une menace pour l'ordre public.

5. Il résulte de tout ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 17 juillet 2017.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au préfet de la Drôme, au ministre de l'intérieur et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 18 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

M. Pierre Thierry, premier conseiller,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 15 janvier 2019.

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N° 17LY03731

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03731
Date de la décision : 15/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : JEAN-YVES BRET -PATRICK BERAS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-15;17ly03731 ?
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