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14/01/2019 | FRANCE | N°18LY03468

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 18LY03468


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au président du tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 13 juillet 2018 ordonnant son transfert aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801881 du 10 août 2018, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2018, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annule

r ce jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 10 août 2018 ;

2°) de rejeter la demande...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au président du tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 13 juillet 2018 ordonnant son transfert aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801881 du 10 août 2018, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 septembre 2018, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 10 août 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le président du tribunal administratif.

Il soutient que, contrairement à ce qu'a estimé le premier juge, la réalité de la saisine des autorités suédoises est établie.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2018, M. B..., représenté par Me Rothdiener, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que:

- le moyen invoqué par le préfet est infondé en l'absence de justification de la réalité de la saisine des autorités suédoises ;

- la décision en litige méconnaît les articles 4, 5 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique :

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant afghan né le 1er janvier 1996, est entré irrégulièrement en France le 15 avril 2018 et a demandé l'asile à la préfecture de l'Essonne le 27 avril 2018. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait demandé l'asile en Suède le 15 novembre 2015. Le 13 juillet 2018, le préfet de Saône-et-Loire a ordonné son transfert aux autorités suédoises pour l'examen de sa demande d'asile. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

3. Il résulte de ces dispositions que le réseau de communication " DubliNet " permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

4. Il ressort des pièces produites en première instance et en appel que les autorités suédoises ont été effectivement saisies, le 4 juin 2018, d'une demande de reprise en charge de M. B... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et qu'elles ont implicitement accepté leur responsabilité au terme du délai de deux semaines prévu à l'article 25 de ce règlement. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision de transfert en litige, le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de ce que la réalité de la saisine de ces autorités n'était pas établie.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

6. Aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement et notamment : / a) des objectifs du présent règlement (...) / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée (...) / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5 (...) ".

7. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et en tout état de cause en temps utile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend.

8. Il ressort des pièces du dossier et notamment des termes mêmes de la décision de transfert en litige que M. B... a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Essonne le 27 avril 2018. Dès lors, il devait, dès cette date, recevoir les informations prévues à l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Selon le compte rendu de l'entretien qu'il a eu à la préfecture et qu'il a signé, il a reconnu avoir reçu " le guide du demandeur d'asile et l'information sur les règlements communautaires ". Il ressort des pièces du dossier qu'il a reçu à la même date la brochure d'information B " Je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ". Il conteste toutefois avoir obtenu la brochure d'information A " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et le préfet n'apporte aucun élément justifiant de ce que ce document lui a été remis. Dès lors que la brochure B ne contient pas des informations équivalentes à celles de la brochure A, M. B... n'a pas bénéficié, en temps utile, d'une information complète. Ainsi, le préfet ne pouvait, sans méconnaître les dispositions de l'article 4 du règlement citées ci-dessus et le priver d'une garantie, décider de le remettre aux autorités suédoises en vue de l'examen de sa demande d'asile.

9. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de transfert en litige.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

10. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. "

11. Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. "

12. L'article L. 911-3 de ce code dispose : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. "

13. D'autre part, aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. "

14. Le présent arrêt implique seulement que le préfet statue à nouveau sur la situation de M. B... dans le délai d'un mois suivant la date de sa notification. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

15. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Rothdiener, avocat de M. B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État une somme de 800 euros au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de Saône-et-Loire est rejetée.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Saône-et-Loire de réexaminer la situation de M. B... dans le délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Rothdiener la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

N° 18LY03468 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03468
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;18ly03468 ?
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