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14/01/2019 | FRANCE | N°18LY01928

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 18LY01928


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 24 avril 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec une interdiction de retour d'un an, a désigné le pays de destination et l'a assigné à résidence ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de l'admettre provisoirement au séjour.

Par un jugement n° 1802612 du 27 avril 2018, le magistrat désigné par le président

du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requê...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'une part, d'annuler les décisions du 24 avril 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai avec une interdiction de retour d'un an, a désigné le pays de destination et l'a assigné à résidence ;

- d'autre part, d'enjoindre au préfet de l'Isère de l'admettre provisoirement au séjour.

Par un jugement n° 1802612 du 27 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 mai 2018, présentée pour M. B..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1802612 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 27 avril 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention "vie privée et familiale" dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois sous la même astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 700 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- les décisions sont insuffisamment motivées ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation personnelle et est intervenue en méconnaissance de son droit à être entendu ; elle est entachée d'un détournement de procédure ; elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et son droit à une vie privée et familiale ;

- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;

- la décision d'assignation à résidence est entachée d'une erreur de droit et porte une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et de venir.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative l'affaire a été dispensée d'instruction.

La demande de M. B... tendant au bénéfice de l'aide juridictionnelle a été rejetée par une décision du 4 juillet 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

M. B... ayant été régulièrement averti du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 15 août 1985, qui déclare être entré en France le 28 avril 2017 sous couvert d'un visa, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa. Par un arrêté du 24 avril 2018, le préfet de l'Isère l'a obligé à quitter le territoire français sans délai tout en fixant le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un autre arrêté du même jour, le préfet l'a assigné à résidence. M. B... interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

2. En premier lieu, lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement des dispositions du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit appliquer les principes généraux du droit de l'Union européenne, dont celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle défavorable ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne. Toutefois, ce droit n'oblige pas l'autorité nationale compétente, préalablement à l'audition organisée en vue de l'adoption de la mesure d'éloignement, à communiquer les éléments sur lesquels elle entend fonder celle-ci ni à laisser un délai de réflexion à l'intéressé avant de recueillir ses observations, dès lors qu'il a la possibilité de présenter, de manière utile et effective, son point de vue au sujet de l'irrégularité de son séjour et des motifs pouvant justifier, en vertu du droit national, que cette autorité s'abstienne de prendre une décision d'éloignement.

3. Il ressort des pièces du dossier qu'au cours de l'audition de M. B..., le 24 avril 2018, par les services de police, laquelle portait notamment sur sa situation administrative sur le territoire national, l'intéressé a été en mesure de présenter ses observations tenant à sa situation personnelle et susceptibles de faire obstacle à une mesure d'éloignement. Il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il aurait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la mesure d'éloignement qu'il conteste. Par suite, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit d'être entendu.

4. En deuxième lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Dès lors, le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit être écarté. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Isère, qui a notamment mentionné les liens familiaux de l'intéressé en France et en Algérie ainsi que sa résidence chez sa concubine, n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que la décision en litige aurait eu pour but de faire obstacle à son mariage en France, qui a au demeurant été célébré le 2 juin 2018, et serait ainsi entachée d'un détournement de procédure.

5. En dernier lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

6. Il ressort des pièces du dossier que M. B... séjournait en France depuis seulement un an à la date de la décision en litige, après avoir vécu jusqu'à l'âge de 31 ans dans son pays d'origine où il a nécessairement des attaches familiales et amicales, et que sa relation de concubinage avec une ressortissante française était nécessairement très récente à cette date. Dès lors, et alors même qu'une partie de la famille de M. B... résiderait en France, d'une part, et qu'une cérémonie de mariage avec sa compagne française était imminente à la date de la décision contestée, d'autre part, l'atteinte portée par ladite décision au droit de M. B...au respect de sa vie privée et familiale n'est pas disproportionnée au regard des buts poursuivis. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées doit être écarté, ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de la décision sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision refusant un délai de départ volontaire :

7. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II.- Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification pour rejoindre le pays dont il possède la nationalité ou tout autre pays non membre de l'Union européenne ou avec lequel ne s'applique pas l'acquis de Schengen où il est légalement admissible. (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) b) Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa (...) ".

8. Ainsi qu'il a été dit au point 1 M. B... s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa et, dès lors, le préfet de l'Isère a pu estimer qu'il existait un risque que l'intéressé se soustraie à l'obligation de quitter le territoire français qui lui a été faite et, par suite, lui refuser l'octroi d'un délai de départ volontaire sur le fondement des dispositions précitées. En dépit de la circonstance que M. B... avait un projet de mariage, à la célébration duquel le procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble avait au demeurant décidé de surseoir après avoir été informé par l'officier d'état civil que ce mariage pourrait être annulé pour absence de consentement matrimonial ou de vice du consentement, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions précitées, ni entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation en refusant, par une décision suffisamment motivée, d'accorder un délai de départ au requérant pour l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision d'interdiction de retour :

9. Les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de ce que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an serait intervenue en méconnaissance du III de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, qu'elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation et porterait une atteinte excessive au droit de M. B... de mener une vie privée et familiale normale doivent être écartés pour les motifs retenus par les premiers juges et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

10. En premier lieu, la décision en litige comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent. Dès lors, le moyen tiré d'une motivation insuffisante doit être écarté.

11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit que M. B... ne peut exciper, au soutien des conclusions de sa requête tendant à l'annulation de la décision fixant le pays de destination, au soutien desquelles il n'avait au demeurant soulevé aucun moyen en première instance, de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.

Sur la légalité de la décision d'assignation à résidence :

12. Aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I.- L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : (...) 5° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré ou n'a pas été accordé (...). Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

13. Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " (...) La décision d'assignation à résidence est motivée. (...) L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. Il doit également se présenter, lorsque l'autorité administrative le lui demande, aux autorités consulaires, en vue de la délivrance d'un document de voyage. (...) ".

14. En premier lieu, contrairement aux allégations de M. B..., la décision l'assignant à résidence, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.

15. En deuxième lieu, en se fondant sur le motif tiré de ce que l'éloignement de M. B... demeure une perspective raisonnable, le préfet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant de l'assigner à résidence.

16. En dernier lieu, en contestant l'utilité de la mesure d'assignation à résidence, M. B... doit être regardé comme en contestant le caractère proportionné. En se bornant, pour ce faire, à affirmer que cette mesure porte atteinte à la liberté d'aller et venir il n'établit pas l'erreur d'appréciation dont serait entachée cette mesure. Pour les mêmes motifs, l'arrêté litigieux n'est pas davantage entaché d'une atteinte disproportionnée à la liberté d'aller et venir.

17. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction et celles de son conseil tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

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N° 18LY01928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01928
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : GHANASSIA

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;18ly01928 ?
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