Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... C... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de l'Yonne du 17 juillet 2017 lui ayant refusé le titre de séjour de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lui ayant enjoint de quitter la France dans un délai de trente jours et l'ayant renvoyé vers la Mauritanie ou " tout pays pour lequel il établit être légalement admissible ".
Par un jugement n° 1702499 du 21 décembre 2017, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande ainsi que la demande présentée par l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 25 avril 2018, et un mémoire en réplique enregistré le 16 novembre 2018, M. C..., représenté par Me A..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) d'annuler l'arrêté du 17 juillet 2017 du préfet de l'Yonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité, et sous quarante huit heures, un récépissé l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 300 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative à verser à son conseil Me A... en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
M. C... soutient que :
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
- la décision de refus d'admission au séjour est entachée d'erreur de droit et d'une inexacte qualification juridique des faits en se fondant sur une appréciation erronée en méconnaissance des dispositions de l'article L. 313-15 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile compte tenu de sa bonne intégration dans la société française, ainsi que des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en portant une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ;
- elle est entachée d'erreur de fait quant au sérieux de sa scolarité et à l'appréciation de son investissement et aux progrès réalisés ressortant de la note socio-éducative du 16 octobre 2017 et des appréciations dont il a fait l'objet ;
- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français et le délai de départ volontaire :
- ces décisions sont illégales du fait de l'illégalité de la décision refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- ces décisions portent atteinte à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- ces décisions sont entachées d'une inexacte qualification juridique des faits refus de titre de séjour est entachée d'une insuffisance de motif et d'un défaut d'examen complet de sa situation ;
- le délai de départ volontaire de trente jours ne lui permet pas d'achever son année scolaire ;
En ce qui concerne le pays de destination :
- cette décision est illégale du fait de l'illégalité des décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er novembre 2018, le préfet de l'Yonne, représenté par Me D..., conclut au rejet de la requête.
Le préfet expose qu'aucun des moyens soulevés par M. C... n'est fondé.
Par un mémoire en réplique enregistré le 16 novembre 2018, M. C... a conclu aux mêmes fins que sa requête initiale par les mêmes moyens.
Un mémoire présenté par M. C... a été enregistré le 4 janvier 2019, mais n'a pas été communiqué.
M. B... C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 mars 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et son décret d'application n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme E..., première conseillère ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... C..., ressortissant mauritanien né le 8 août 1998 relève appel du jugement du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Yonne a refuser de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination.
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
2. Aux termes de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A titre exceptionnel et sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire prévue au 1° de l'article L. 313-10 portant la mention " salarié " ou la mention " travailleur temporaire " peut être délivrée, dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, à l'étranger qui a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et l'âge de dix-huit ans et qui justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle, sous réserve du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française. (...) ".
3. Lorsqu'il examine une demande de titre de séjour portant la mention " salarié " ou " travailleur temporaire ", présentée sur le fondement de ces dispositions dans le cadre de l'admission exceptionnelle au séjour, le préfet vérifie tout d'abord que l'étranger est dans l'année qui suit son dix-huitième anniversaire, que sa présence en France ne constitue pas une menace pour l'ordre public, qu'il a été confié à l'aide sociale à l'enfance entre l'âge de seize ans et dix-huit ans et qu'il justifie suivre depuis au moins six mois une formation destinée à lui apporter une qualification professionnelle. Disposant d'un large pouvoir d'appréciation, il doit ensuite prendre en compte la situation de l'intéressé appréciée de façon globale au regard notamment du caractère réel et sérieux du suivi de cette formation, de la nature de ses liens avec sa famille restée dans le pays d'origine et de l'avis de la structure d'accueil sur l'insertion de cet étranger dans la société française.
4. Il ressort des pièces du dossier que pour refuser de délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour à M. C... sur le fondement de l'article L. 313-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Yonne a estimé que le sérieux dans le suivi de la formation n'était pas démontré. Il ressort des pièces du dossier que M. C..., entré régulièrement en France, via l'Espagne fin septembre 2014, à l'âge de seize ans, confié à l'aide sociale à l'enfance de Paris le 1er octobre 2014 en tant que recueilli provisoire, confirmé par jugements régulièrement renouvelés, le dernier en date du 9 juillet 2015, a été scolarisé au collège de Sens pour apprendre le français en 2014-2015 puis en quatrième " enseignement agricole " en alternance avec un stage au services espaces verts de la mairie de Paron au titre de l'année scolaire 2015-2016. Le préfet de l'Yonne s'est fondé sur la circonstance que les bulletins scolaires produits par M. C... au titre de l'année 2015-2016 faisaient apparaître des résultats scolaires très médiocres et un comportement dissipé pendant les heures de cours bien qu'il soit passé en classe préparatoire au CAP horticole en 2016/2017, et que " le bulletin produit pour le 1er trimestre démontre une plus grande implication dans les études mais également des efforts inconstants et un comportement instable ". Le préfet s'est également fondé sur le fait qu'en dépit de la " note socio-éducative " d'octobre 2017 dont le requérant se prévaut faisant état de résultats " encourageants " au 2ème semestre 2016/2017, le demandeur n'avait produit aucun bulletin de notes au titre de cette période.
5. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que par décision du 29 septembre 2016, le conseil départemental de Paris lui a accordé, après entretien, un contrat jeune majeur d'accompagnement éducatif en soutien du projet d'insertion valable jusqu'au 31 décembre 2018 axé sur l'obtention du diplôme et l'accès à l'hébergement autonome. Le requérant produit en appel, outre un certificat de scolarité en date du 16 janvier 2018 attestant qu'il poursuit une formation de CAP horticole, les bulletins de notes des trois trimestres 2016-2017 ainsi qu'un " rapport d'évolution " daté du 25 juillet 2017 qui bien que postérieur rend compte de faits antérieurs à la décision attaquée. Ces documents attestent que M. C..., malgré des difficultés de concentration, démontre une réelle motivation et un réel investissement dans sa formation ainsi qu'un potentiel de réussite et une bonne insertion sociale ainsi qu'un gain en autonomie. Dans ces conditions, en estimant que l'intéressé ne démontrait pas le sérieux des études poursuivies, le préfet s'est fondé sur des considérations de fait anciennes devenues erronées à la date de sa décision. La circonstance que M. C... est titulaire d'un titre de séjour espagnol périmé depuis le 13 juillet 2015, mais potentiellement renouvelable automatiquement, et qu'il ne serait, par ailleurs, pas dépourvu de liens avec sa famille restée dans le pays d'origine, ne suffit pas à justifier le refus de l'autorité administrative de lui délivrer à titre exceptionnel un titre de séjour en tant que jeune majeur afin qu'il puisse achever sa formation. Par suite, M. C... est fondé à soutenir qu'en prenant la décision attaquée, le préfet de l'Yonne a entaché son refus d'une erreur manifeste d'appréciation justifiant son annulation.
6. Par voie de conséquence, les décisions du même jour par lesquelles le préfet de l'Yonne l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de destination doivent être annulées.
7. Il résulte de ce qui précède que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté attaqué.
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues aux articles L. 513-4, L. 551-1, L. 552-4, L. 561-1 et L. 561-2 et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. (...) ".
9. Eu égard aux motifs qui la fondent, l'exécution de l'annulation prononcée implique nécessairement que le préfet de l'Yonne délivre un titre de séjour en qualité de jeune majeur à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
10. Il y a également lieu, en application de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'enjoindre au préfet de l'Yonne de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines.
Sur les frais liés à l'instance :
11. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles 37 et 75-I de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me A... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à payer à Me A..., son conseil.
DECIDE :
Article 1er : L'arrêté du 17 juillet 2017 par lequel le préfet de l'Yonne a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour présentée par M. C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination, ainsi que le jugement n° 1702499 du 21 décembre 2017 du tribunal administratif de Dijon sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer un titre de séjour en qualité de jeune majeur à M. C... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer un récépissé valant autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux semaines à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à Me A..., conseil de M. C..., une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de M. C... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au le préfet de l'Yonne et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon en application de l'article R. 751-11 du code de justice administrative.
Délibéré après l'audience du 8 janvier 2019, à laquelle siégeaient :
M. Bourrachot, président de chambre,
Mme Menasseyre, présidente-assesseure,
Mme E..., première conseillère.
Lu en audience publique le 14 janvier 2019.
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N° 18LY01501
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