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14/01/2019 | FRANCE | N°18LY00547

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 18LY00547


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 54ème section du Rhône du 10 septembre 2015 autorisant la SAS Malerba à le licencier pour inaptitude, ensemble la décision implicite par laquelle le chargé du ministre du travail a rejeté son recours contre cette décision.

Par un jugement n° 1603529 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête en

registrée le 13 février 2018, la SAS Malerba, représentée par Me de la Brosse, avocat, demande ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision de l'inspecteur du travail de la 54ème section du Rhône du 10 septembre 2015 autorisant la SAS Malerba à le licencier pour inaptitude, ensemble la décision implicite par laquelle le chargé du ministre du travail a rejeté son recours contre cette décision.

Par un jugement n° 1603529 du 19 décembre 2017, le tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 13 février 2018, la SAS Malerba, représentée par Me de la Brosse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 19 décembre 2017 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les premiers juges se sont mépris sur la règle de droit applicable et ont commis une erreur sur la qualification des faits en retenant que le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 devait être considéré comme un avis d'inaptitude susceptible d'un recours hiérarchique ;

- l'annulation d'une décision administrative rejetant un recours à l'encontre d'un avis d'inaptitude, en raison du caractère tardif du recours exercé, ne peut être assimilée à une décision relative à l'aptitude du salarié, se substituant aux avis médicaux ;

- l'inspecteur du travail n'a pas commis d'erreur de droit en se prononçant sur sa demande de licenciement concernant M. B... ;

- la décision de l'inspecteur du travail du 10 septembre 2015 doit être confirmée dès lors que la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2017 confirme en tout point l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 3 juillet 2015 et présente un caractère rétroactif ;

- aucun des moyens de première instance soulevés par M. B... n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2018, M. B..., représenté par Me Peyrard, avocate, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SAS Malerba d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- l'inspecteur du travail, saisi à la fois d'un recours contre un avis d'inaptitude et d'une demande d'autorisation de licenciement, doit se prononcer d'abord sur l'inaptitude ;

- l'avis du médecin du travail du 3 juillet 2015 n'est confirmé ni par la décision du médecin inspecteur régional du 13 décembre 2017, ni par la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2017 ;

- loin de conclure à une inaptitude définitive à tout poste dans l'entreprise, la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2017 ne peut fonder l'autorisation de licenciement, quand bien même il lui serait prêté un effet rétroactif ;

- les autres arguments développés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 24 juillet 2018, la ministre du travail conclut aux mêmes fins que la requête en s'associant aux écritures produites par la société requérante.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me de la Brosse, avocat de la SAS Malerba, ainsi que celles de Me Peyrard, avocate de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché le 23 mars 1992 en qualité de menuisier par la SAS Malerba, qui exerce une activité de fabrication et de pose de portes. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'opérateur de production sur une ligne de débit bois, était membre du comité d'entreprise titulaire et a été désigné délégué syndical le 16 juin 2015. Par deux avis en date des 2 et 23 octobre 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail et à tout poste nécessitant des manutentions lourdes ou des mouvements de torsion répétés de la colonne vertébrale. Après avoir été affecté le 5 janvier 2015 sur un autre poste consistant en l'assemblage de portes bois, proposé par la SAS Malerba le 8 décembre 2014, le médecin du travail, à la suite de deux visites médicales effectuées les 15 janvier et 3 février 2015, a déclaré M. B... inapte définitivement à ce nouveau poste tout en le considérant apte à un poste excluant les manutentions lourdes, les torsions latérales et flexions du dos. Saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de M. B... par la SAS Malerba le 24 avril 2015, l'inspecteur du travail lui a opposé un refus, le 22 juin 2015, au motif que l'employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Après avoir identifié cinquante-six postes comme potentiellement disponibles ou aménageables, la SAS Malerba a sollicité l'avis du médecin du travail sur ces postes de travail. Par courrier en date du 3 juillet 2015, le médecin du travail a indiqué qu'aucun de ces postes n'est compatible avec son état de santé de ce salarié et précise que M. B... peut être considéré comme définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise. Saisi d'une seconde demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de M. B... par la SAS Malerba le 3 août 2015, l'inspecteur du travail a autorisé celui-ci par décision du 10 septembre 2015. Par lettre du 3 novembre 2015, reçue le lendemain, M. B... a formé contre cette décision un recours hiérarchique qui a été implicitement rejeté par le ministre chargé du travail. La SAS Malerba relève appel du jugement du 19 décembre 2017 par lequel le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 septembre 2015 et la décision implicite du ministre.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Si la SAS Malerba soutient que les premiers juges se sont mépris sur la règle de droit applicable et ont commis une erreur sur la qualification des faits en retenant que le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 devait être considéré comme un avis d'inaptitude susceptible d'un recours hiérarchique, un tel moyen, qui se rattache au bien-fondé de la décision juridictionnelle attaquée, ne constitue pas un moyen touchant à la régularité de celle-ci.

Sur la légalité des décisions en litige :

3. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. "

4. En vertu des dispositions du code du travail, les salariés légalement investis de fonctions représentatives bénéficient, dans l'intérêt de l'ensemble des salariés qu'ils représentent, d'une protection exceptionnelle. Lorsque le licenciement d'un de ces salariés est envisagé, ce licenciement ne doit pas être en rapport avec les fonctions représentatives normalement exercées ou l'appartenance syndicale de l'intéressé. Dans le cas où la demande de licenciement est motivée par l'inaptitude physique, il appartient à l'inspecteur du travail, et, le cas échéant, au ministre de rechercher, sous le contrôle du juge, si cette inaptitude est telle qu'elle justifie le licenciement du salarié, compte tenu des caractéristiques de l'emploi exercé à la date à laquelle elle est constatée, de l'ensemble des règles applicables au contrat de travail de l'intéressé, des exigences propres à l'exécution normale des mandats dont il est investi, et de la possibilité d'assurer son reclassement dans l'entreprise.

5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées et des principes qui viennent d'être rappelés que l'inspecteur du travail, lorsqu'il est saisi tout à la fois d'un recours formé par un salarié sur le fondement de l'article L. 4624-1 et d'une demande d'autorisation de licencier ce salarié pour inaptitude physique, ne peut se prononcer sur la demande d'autorisation de licenciement sans avoir statué sur le recours, après avis du médecin-inspecteur. De même, le ministre, saisi d'un recours hiérarchique contre une décision de l'inspecteur du travail, ne peut autoriser le licenciement pour inaptitude physique du salarié sans disposer, lorsqu'a été exercé le recours prévu par l'article L. 4624-1, de la décision de l'inspecteur du travail statuant sur ce recours et de l'avis du médecin-inspecteur du travail ayant précédé cette décision. En l'absence d'une décision de l'inspecteur du travail, il appartient au ministre de saisir l'inspecteur aux fins que celui-ci se prononce sur le recours formé sur le fondement de l'article L. 4624-1.

6. Il ressort des pièces du dossier que, pour justifier sa décision du 10 septembre 2015 autorisant le licenciement de M. B..., l'inspecteur du travail s'est fondé sur l'avis du médecin du travail du 3 juillet 2015, seul avis mentionnant une inaptitude de l'intéressé à tout poste dans l'entreprise. Or, à la date à laquelle il s'est prononcé sur la demande d'autorisation de licenciement, l'inspecteur du travail était saisi d'un recours contre l'avis du médecin du travail du 3 juillet 2015. S'il est constant que, avant d'autoriser le licenciement de M. B..., l'inspecteur du travail a rejeté pour tardiveté le recours formé par celui-ci contre l'avis d'inaptitude émis par le médecin du travail le 3 juillet 2015, par une décision du 7 septembre 2015 confirmée par le ministre du travail le 4 janvier 2016, ces deux décisions ont été annulées, à bon droit, par le tribunal administratif de Lyon, par un jugement du 13 juin 2017, confirmé par un arrêt de la cour de ce jour.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'annulation des deux décisions relatives à l'inaptitude physique de M. B... entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité des décisions contestées, qui autorisent le licenciement pour inaptitude de ce salarié, dès lors que l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en se prononçant sur une demande de licenciement pour inaptitude sans avoir préalablement examiné le recours formé contre l'avis d'inaptitude.

8. Contrairement à ce que soutient la SAS Malerba, la décision de l'inspecteur du travail du 14 décembre 2017, intervenue postérieurement aux décisions en litige, ne confirmant pas en tout point l'avis d'inaptitude du médecin du travail du 3 juillet 2015 déclarant M. B... inapte à tout poste dans l'entreprise, ne pourrait fonder l'autorisation de licenciement, quand bien même elle comporterait un effet rétroactif.

9. Il résulte de ce qui précède que la SAS Malerba n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 10 septembre 2015 et la décision implicite de rejet par la ministre du travail de son recours contre cette décision.

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SAS Malerba à l'occasion du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Malerba le paiement à M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Malerba est rejetée.

Article 2 : La SAS Malerba versera la somme de 1 000 euros à M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SAS Malerba et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

2

N° 18LY00547


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY00547
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP J. AGUERA et ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;18ly00547 ?
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