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14/01/2019 | FRANCE | N°17LY03333

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 17LY03333


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... Mastrolorito a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- sous le n° 1504169, d'annuler la décision du ministre des armées du 6 mars 2015 rejetant implicitement sa demande d'avancement du 6 janvier 2015, d'enjoindre à l'État, d'une part, de réexaminer sa demande et, d'autre part, de régulariser sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code

de justice administrative ;

- sous le n° 1602114, d'annuler l'arrêté du 19 jan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... Mastrolorito a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- sous le n° 1504169, d'annuler la décision du ministre des armées du 6 mars 2015 rejetant implicitement sa demande d'avancement du 6 janvier 2015, d'enjoindre à l'État, d'une part, de réexaminer sa demande et, d'autre part, de régulariser sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

- sous le n° 1602114, d'annuler l'arrêté du 19 janvier 2016 portant inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès aux corps des attachés d'administration de l'État au titre de l'année 2016 en tant qu'elle n'y figure pas, d'enjoindre à l'État, d'une part, de réexaminer sa demande et, d'autre part, de régulariser sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1504169-1602114 du 21 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 4 septembre 2017, Mme Mastrolorito, représentée par Me Dumoulin, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 juin 2017 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre à l'État, d'une part, de réexaminer sa demande et, d'autre part, de régulariser sa situation administrative dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre des frais liés au litige.

Elle soutient que la décision implicite de rejet du 6 mars 2015 et l'arrêté du 19 janvier 2016 sont insuffisamment motivés, ont méconnu le principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps, manifestent une volonté de discrimination et sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 12 mars 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête.

Elle soutient qu'aucun des moyens soulevés par la requérante n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations ;

- le décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'État :

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, rapporteur,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me Anor, avocat de Mme Mastrolorito ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme Mastrolorito, secrétaire administrative de classe exceptionnelle (catégorie B), est affectée depuis août 2011 au bureau conseil et assistance aux bases de défense, en qualité de chef de section restauration hôtellerie loisirs de la plateforme achats-finances du centre-est, à Lyon. En 2013 et 2014, Mme Mastrolorito a sollicité son avancement au choix dans le corps, de catégorie A, des attachés d'administration de l'État. Un refus lui a été opposé. Le 6 janvier 2015, Mme Mastrolorito a demandé au ministre des armées à bénéficier de cet avancement au choix. Une décision implicite de rejet est née du silence gardé par le ministre des armées le 6 mars 2015. Par un arrêté du 19 janvier 2016, le ministre des armées a fixé la liste d'aptitude pour l'accès au corps des attachés d'administration de l'État au titre de l'année 2016, sur laquelle l'intéressée ne figurait pas. Mme Mastrolorito fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de la décision du 6 mars 2015 et de l'arrêté du 19 janvier 2016.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979, alors en vigueur : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) - refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) - rejettent un recours administratif dont la présentation est obligatoire préalablement à tout recours contentieux en application d'une disposition législative ou réglementaire ".

3. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration, en vigueur à compter du 1er janvier 2016 : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : (...) 2° Infligent une sanction ; (...) 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir (...) ".

4. D'une part, dès lors que l'avancement ne constitue pas un droit pour les agents qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir et que la présentation d'une demande d'avancement par Mme Mastrolorito ne saurait être qualifiée de recours administratif, la décision litigieuse du 6 mars 2015 n'avait pas à être motivée sur le fondement des dispositions de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979. Dans ces conditions, et alors qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait la motivation de cette décision, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

5. D'autre part, dès lors que l'inscription sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des attachés d'administration de l'État ne peut pas non plus être regardée comme un avantage dont l'attribution constitue un droit, la décision n'avait pas à être motivée sur le fondement des dispositions du 2° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. En outre, il ne ressort d'aucune des pièces du dossier que le ministre des armées, en n'inscrivant pas Mme Mastrolorito sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des attachés d'administration de l'État, ait entendu la sanctionner. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que cette décision constitue une sanction déguisée, devant être motivée sur le fondement des dispositions du 6° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration. Dans ces conditions, et dès lors qu'aucune autre disposition législative ou réglementaire n'imposait la motivation de l'arrêté du 19 janvier 2016, le moyen tiré de son insuffisante motivation doit être écarté.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 12 du décret n° 2011-1317 du 17 octobre 2011 portant statut particulier du corps interministériel des attachés d'administration de l'État, alors applicable : " I. - Les nominations au choix sont prononcées par le ministre ou par l'autorité de rattachement au sens de l'article 5, après inscription sur une liste d'aptitude établie après avis de la commission administrative paritaire compétente. Peuvent être inscrits sur cette liste d'aptitude les fonctionnaires de l'État appartenant à un corps classé dans la catégorie B ou de même niveau, sous réserve qu'ils appartiennent à une administration relevant du ministre ou de l'autorité mentionnés au premier alinéa, ainsi que les fonctionnaires détachés dans l'un de ces corps. Les intéressés doivent justifier d'au moins neuf années de services publics, dont cinq au moins de services civils effectifs dans un corps régi par les dispositions du décret du 18 novembre 1994 susvisé ou par celles du décret du 19 mars 2010 susvisé (...) ".

7. D'une part, si l'intéressée soutient que le ministre des armées a omis, pour apprécier sa valeur professionnelle, de tenir compte de certains éléments, particulièrement l'obtention d'une licence professionnelle et son admissibilité au concours d'attaché, elle ne l'établit pas. En tout état de cause, il ne ressort pas des pièces du dossier que de tels éléments aient été pris en compte pour les seuls agents inscrits sur la liste d'aptitude et les aient ainsi favorisés. Enfin, la requérante n'établit pas que les critères retenus par l'autorité administrative pour apprécier ses mérites en vue de l'établissement de la liste d'aptitude pour l'avancement aient été différents de ceux utilisés par cette autorité pour apprécier les mérites des agents retenus.

8. D'autre part, Mme Mastrolorito fait valoir que les agents retenus sur la liste d'aptitude présentaient une valeur professionnelle moindre, et fait particulièrement état du cas de sa collègue du même bureau. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que ladite collègue exerçait les fonctions d'adjointe au chef de bureau, d'un niveau correspondant à un emploi de catégorie A, depuis 2013 et également celles de référent ressources humaines, chef du pôle ressources humaines et gestionnaire ressources humaines. Il ressort également des pièces du dossier que le mémoire de proposition à l'avancement de 2015 l'évoque en des termes particulièrement élogieux, confirmant les propos déjà tenus à l'occasion des précédents mémoires de proposition, soulignant, notamment, sa " capacité de travail remarquable " et ses " indéniables qualités managériales ", concluant qu'elle possède " d'ores et déjà toutes les qualités et aptitudes pour une promotion immédiate dans le corps des attachés ". En ce qui concerne Mme Mastrolorito, requérante, le mémoire de proposition à l'avancement de 2015 se borne à faire état de ce qu'elle est une " collaboratrice très impliquée ", faisant preuve d'une " capacité d'anticipation et de hauteur de vue " et " mérite pleinement d'accéder au corps supérieur ". En outre, la synthèse des propositions d'avancement qu'elle produit rappelle que la requérante et sa collègue étaient classées, respectivement, quatrième et deuxième en 2014, puis quatrième et première en 2015. Par suite, le refus de l'inscrire sur la liste d'aptitude par l'administration n'est pas entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.

9. Enfin, Mme Mastrolorito ne saurait se prévaloir de son classement au tableau des propositions d'avancement, qui ne lui ouvre aucun droit à la progression ou même au maintien dans ce tableau, ni ne lui assure une inscription sur la liste d'aptitude.

10. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à soutenir que le ministre des armées, en refusant implicitement sa demande d'avancement et en ne l'inscrivant pas sur la liste d'aptitude pour l'accès au corps des attachés d'administration de l'État, a méconnu le principe d'égalité de traitement des agents d'un même corps.

11. En troisième lieu, aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, qui a transposé en droit interne les dispositions de la directive n° 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie ou une race, sa religion, ses convictions, son âge, son handicap, son orientation sexuelle ou son sexe, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable./ Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés.(...) ". Aux termes de l'article 4 de cette même loi : " Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte présente devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il appartient à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination (...) ".

12. Mme Mastrolorito soutient que les décisions en litige traduisent la volonté de ses supérieurs hiérarchiques de la discriminer en raison des plaintes formulées à l'égard de la reconnaissance de ses fonctions réelles et des recours formés à l'encontre de sa rétrogradation au tableau des propositions en vue de l'avancement. A ce titre, elle se prévaut de la dégradation subite de sa notation professionnelle, ainsi qu'en attestent les comptes-rendus d'entretien professionnel établis depuis 2011. Toutefois, la requérante ne saurait se prévaloir du bilan d'étape provisoire établi postérieurement aux décisions litigieuses, en octobre 2016. En outre, il résulte de ce qui précède que l'intéressée a fait l'objet de nombreuses propositions d'avancement par ses supérieurs, mais que le choix de ne pas la faire bénéficier d'un avancement et de ne pas l'inscrire sur la liste d'aptitude repose sur des éléments objectifs, tenant à la comparaison défavorable de ses mérites avec ceux des autres agents. Enfin, il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que l'avancement de Mme Mastrolorito lui ait été refusé par suite de ses diverses réclamations. Dès lors, elle n'apporte aucun élément qui laisserait présumer l'existence d'une discrimination.

13. Enfin, la requérante se prévaut de la circonstance qu'elle exerce, en fait, des fonctions de catégorie A, alors qu'elle occupe un poste de catégorie B, dont l'intitulé est inexact, malgré ses demandes répétées de modification, et alors que cet élément est pris en compte dans le cadre des propositions à l'avancement. Si, au soutien de son moyen, elle se réfère au poste détenu par son homologue de Metz, qui exerce des fonctions identiques sur un poste de catégorie A, il ressort toutefois des pièces du dossier que les postes comportent des différents sensibles. En effet, son homologue de Metz fait partie du " corps des officiers " et non de celui des " secrétaires administratives ". En outre, le niveau des aptitudes requises diffère également, dès lors que la capacité d'analyse et de synthèse requiert un niveau " maîtrise " à Lyon contre " expertise " à Metz, ainsi également de l'aptitude au management, de l'esprit d'initiative et des qualités de dynamisme et de réactivité attendues. Dans ces conditions, et compte tenu de ce qui précède et des mérites des autres agents évoqués précédemment, Mme Mastrolorito n'est pas fondée à soutenir que les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation.

14. Il résulte de ce qui précède que Mme Mastrolorito n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du ministre des armées du 6 mars 2015 rejetant implicitement sa demande d'avancement ainsi que de l'arrêté du 19 janvier 2016 portant inscription sur la liste d'aptitude pour l'accession dans le corps des attachés d'administration de l'État au titre de l'année 2016.

15. Les conclusions de Mme Mastrolorito aux fins d'injonction et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme Mastrolorito est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... Mastrolorito et à la ministre des armées.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

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N° 17LY03333


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03333
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36 Fonctionnaires et agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP ANTIGONE AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;17ly03333 ?
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