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14/01/2019 | FRANCE | N°17LY03018

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 17LY03018


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- l'avis du médecin du travail du 3 juillet 2015 le déclarant inapte à tout poste dans la SAS Malerba ;

- la décision de l'inspecteur du travail de la 54ème section du Rhône du 7 septembre 2015 rejetant son recours contre cet avis ;

- la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspecteur du travail.r>
Par un jugement n° 1601987 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler :

- l'avis du médecin du travail du 3 juillet 2015 le déclarant inapte à tout poste dans la SAS Malerba ;

- la décision de l'inspecteur du travail de la 54ème section du Rhône du 7 septembre 2015 rejetant son recours contre cet avis ;

- la décision du 4 janvier 2016 par laquelle le ministre du travail, de l'emploi, de la formation professionnelle et du dialogue social a confirmé la décision de l'inspecteur du travail.

Par un jugement n° 1601987 du 13 juin 2017, le tribunal administratif de Lyon a :

- annulé les décisions de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2015 et du ministre du travail du 4 janvier 2016 (article 1er) ;

- rejeté ses conclusions dirigées contre l'avis du médecin du travail (article 2).

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 1er août 2017 et le 13 novembre 2017, la SAS Malerba, représentée par Me de la Brosse, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler l'article 1er de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 juin 2017 ;

2°) de rejeter les conclusions de M. B... devant le tribunal administratif tendant à l'annulation des décisions de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2015 et du ministre du travail du 4 janvier 2016 ;

3°) de mettre à la charge de M. B... une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est insuffisamment motivé dès lors que les premiers juges se sont mépris sur la qualification à donner au courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 et sur la règle de droit applicable ;

- le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 répondant à sa demande sur les postes de reclassement proposés à M. B... ne constitue pas un avis d'inaptitude dès lors qu'il n'a pas pour objet l'étude de l'aptitude ou de l'inaptitude de M. B... à son poste et qu'il ne résulte pas d'un examen de l'état de santé de ce salarié ;

- ce courrier constituant une simple confirmation des précédents avis médicaux tenant compte des études de postes réalisées le 16 juin 2015, ne pouvait, dès lors, être contesté devant l'inspecteur du travail ;

- l'inaptitude de M. B... à son poste de travail ayant été définitivement et régulièrement constatée par deux avis des 15 janvier et 3 février 2015 du médecin du travail, il n'appartenait pas à l'inspecteur du travail, saisi d'un recours contre le courrier du 3 juillet 2015, de se prononcer encore une fois sur l'aptitude du salarié ;

- les autres moyens de légalité interne soulevés par M. B... en première instance ne sont pas fondés.

Par deux mémoires, enregistrés le 9 octobre 2017 et le 1er août 2018, M. B..., représenté par Me Peyrard, avocate, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la SAS Malerba d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les premiers juges ne se sont pas mépris sur la qualification à donner au courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 et n'ont pas confondu cet avis avec l'avis d'inaptitude mentionné à l'article R. 4624-31 du code du travail qui ne vise que le poste de travail du salarié et non les éventuels postes de reclassement ;

- les autorités administratives se méprennent sur le champ d'application de l'article L. 4624-1 du code du travail en créant une distinction entre les différents avis du médecin du travail, selon qu'ils sont rendus à l'occasion d'une visite médicale ou postérieurement ;

- le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015, qui se prononce sur son aptitude à certains postes de travail proposés par la SAS Malerba au titre de son reclassement, le déclare également inapte à tous postes dans l'entreprise ;

- par ce courrier, qui modifie les termes des précédents avis médicaux, le médecin du travail a émis un avis sur son aptitude à occuper un poste dans l'entreprise ;

- les autres arguments développés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code du travail ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Clot, président,

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,

- les observations de Me de la Brosse, avocat de la SAS Malerba, ainsi que celles de Me Peyrard, avocate de M. B... ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a été embauché le 23 mars 1992 en qualité de menuisier par la SAS Malerba, qui exerce une activité de fabrication et de pose de portes. Il exerçait en dernier lieu les fonctions d'opérateur de production sur une ligne de débit bois, était membre du comité d'entreprise titulaire et a été désigné délégué syndical le 16 juin 2015. Par deux avis en date des 2 et 23 octobre 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte à son poste de travail et à tout poste nécessitant des manutentions lourdes ou des mouvements de torsion répétée de la colonne vertébrale. Après avoir été affecté le 5 janvier 2015 sur un autre poste consistant en l'assemblage de portes en bois, proposé par la SAS Malerba le 8 décembre 2014, le médecin du travail, à la suite de deux visites médicales effectuées les 15 janvier et 3 février 2015, a déclaré M. B... inapte définitivement à ce nouveau poste tout en le considérant apte à un poste excluant les manutentions lourdes, les torsions latérales et flexions du dos. Saisi d'une demande d'autorisation de licenciement pour inaptitude de M. B... par la SAS Malerba le 24 avril 2015, l'inspecteur du travail lui a opposé un refus le 22 juin 2015 au motif que cet employeur n'a pas satisfait à son obligation de recherche de reclassement. Après avoir identifié cinquante-six postes potentiellement disponibles ou aménageables, la SAS Malerba a sollicité l'avis du médecin du travail sur ces postes de travail. Par courrier du 3 juillet 2015, le médecin du travail lui a indiqué qu'aucun de ces postes n'est compatible avec l'état de santé de ce salarié et a précisé que M. B... peut être considéré comme définitivement inapte à tout poste dans l'entreprise. Le 31 août 2015, M. B... a contesté cet avis auprès de l'inspecteur du travail et ce dernier a rejeté son recours, comme tardif, par une décision du 7 septembre 2015. Par lettre du 3 novembre 2015, reçue le lendemain, il a formé un recours hiérarchique contre cette décision. Le 4 janvier 2016, le ministre chargé du travail a rejeté ce recours. La SAS Malerba relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 13 juin 2017 en tant qu'il a annulé ces décisions de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2015 et du ministre chargé du travail du 4 janvier 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Devant le tribunal administratif, la SAS Malerba a fait valoir que le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 ne constituait pas un avis susceptible de faire l'objet d'une contestation devant l'inspecteur du travail. Contrairement à ce qu'elle soutient, le jugement attaqué, qui écarte ce moyen, est suffisamment motivé sur ce point.

Sur la légalité des décisions en litige :

3. Aux termes de l'article L. 4624-1 du code du travail, dans sa rédaction alors applicable : " Le médecin du travail est habilité à proposer des mesures individuelles telles que mutations ou transformations de postes, justifiées par des considérations relatives notamment à l'âge, à la résistance physique ou à l'état de santé physique et mentale des travailleurs. Il peut proposer à l'employeur l'appui de l'équipe pluridisciplinaire du service de santé au travail ou celui d'un organisme compétent en matière de maintien dans l'emploi. / L'employeur est tenu de prendre en considération ces propositions et, en cas de refus, de faire connaître les motifs qui s'opposent à ce qu'il y soit donné suite. / En cas de difficulté ou de désaccord, l'employeur ou le salarié peut exercer un recours devant l'inspecteur du travail. Il en informe l'autre partie. L'inspecteur du travail prend sa décision après avis du médecin inspecteur du travail. "

4. Aux termes de l'article R. 4624-31 du même code : " Le médecin du travail ne peut constater l'inaptitude médicale du salarié à son poste de travail que s'il a réalisé : / 1° Une étude de ce poste ; / 2° Une étude des conditions de travail dans l'entreprise ; / 3° Deux examens médicaux de l'intéressé espacés de deux semaines, accompagnés, le cas échéant, des examens complémentaires. / Lorsque le maintien du salarié à son poste de travail entraîne un danger immédiat pour sa santé ou sa sécurité ou celles des tiers ou lorsqu'un examen de préreprise a eu lieu dans un délai de trente jours au plus, l'avis d'inaptitude médicale peut être délivré en un seul examen. "

5. L'article R. 4624-35 de ce code prévoit que : " En cas de contestation de cet avis médical par le salarié ou l'employeur, le recours est adressé dans un délai de deux mois, par tout moyen permettant de leur conférer une date certaine, à l'inspecteur du travail dont relève l'établissement qui emploie le salarié. La demande énonce les motifs de la contestation. "

6. L'article L. 1226-2 du même code dispose que : " Lorsque, à l'issue des périodes de suspension du contrat de travail consécutives à une maladie ou un accident non professionnel, le salarié est déclaré inapte par le médecin du travail à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités. / Cette proposition prend en compte les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur l'aptitude du salarié à exercer l'une des tâches existantes dans l'entreprise. / L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps du travail. "

7. Il résulte de ces dispositions que, en application de l'article L. 4624-1 du code du travail, l'inspecteur du travail peut être saisi par l'employeur ou le salarié concerné d'un désaccord ou d'une difficulté en cas de contestation de l'appréciation émise par le médecin du travail sur l'état de santé du travailleur ou la nature des postes que cet état de santé lui permet d'occuper.

8. Par un courrier du 31 août 2015, M. B... a formé un recours auprès de l'inspecteur du travail contre le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015 le déclarant inapte définitivement à tous postes dans l'entreprise. Il a fait notamment valoir que son état de santé est compatible avec certains postes tels que les postes de cerclage, de filmage de palettes et de " triage porte ". Ainsi, M. B..., qui contestait l'appréciation portée par le médecin du travail sur son aptitude à occuper certains postes de la SAS Malerba, pouvait saisir l'inspecteur du travail en application des dispositions de l'article L. 4624-1 du code du travail.

9. Contrairement à ce que soutient la SAS Malerba, le courrier du médecin du travail du 3 juillet 2015, dès lors qu'il conclut à l'inaptitude définitive de M. B... à tous postes dans l'entreprise, ne se borne pas à répondre à ses sollicitations en vue de la recherche d'un poste de reclassement à proposer à ce salarié. De plus, le courrier litigieux n'est pas purement confirmatif du précédent avis d'inaptitude du 3 février 2015, qui constatait une inaptitude définitive de M. B... seulement au poste de travail qu'il occupait depuis le 5 janvier 2015 et son aptitude à un poste excluant les manutentions lourdes, les torsions latérales et les flexions du dos. Ainsi, ce courrier modifiait l'appréciation portée sur l'aptitude de M. B... qui pouvait, dès lors, le contester devant l'inspecteur du travail.

10. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a formé un recours le 31 août 2015, reçu le 1er septembre 2015, contre l'avis du médecin du travail du 3 juillet 2015, soit dans le délai de deux mois prévu par les dispositions de l'article L. 4624-35 du code du travail.

11. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que, pour annuler les décisions en litige, le tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de ce que l'inspecteur du travail a commis une erreur de droit en opposant à M. B... la tardiveté de son recours sans se prononcer sur son aptitude médicale.

12. La SAS Malerba ne peut utilement se prévaloir de la validité du constat d'inaptitude de M. B... dès lors qu'ainsi qu'il vient d'être indiqué, il appartenait à l'inspecteur du travail, saisi d'un recours contre l'avis du médecin du travail, de se prononcer définitivement sur l'aptitude du salarié.

13. Il résulte de ce qui précède que la société Malerba n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision de l'inspecteur du travail du 7 septembre 2015 et la décision du ministre chargé du travail du 4 janvier 2016.

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de M. B..., qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la SAS Malerba à l'occasion du litige. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SAS Malerba le paiement à M. B... d'une somme de 1 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la SAS Malerba est rejetée.

Article 2 : La SAS Malerba versera à M. B... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., à la SAS Malerba et à la ministre du travail.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

4

N° 17LY03018


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03018
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

66 Travail et emploi.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SCP J. AGUERA et ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;17ly03018 ?
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