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14/01/2019 | FRANCE | N°17LY00899

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 14 janvier 2019, 17LY00899


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'État à lui verser la somme de 29 010 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 13 décembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation en Guadeloupe et d'enjoindre au ministre de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pensions, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux.

Par un jugement n° 1403172 du 24 novembre 2016,

le tribunal administratif de Dijon a condamné l'État à verser à Mme A... une indemni...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner l'État à lui verser la somme de 29 010 euros en réparation de ses préjudices résultant de l'illégalité de la décision du 13 décembre 2011 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de mutation en Guadeloupe et d'enjoindre au ministre de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pensions, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux.

Par un jugement n° 1403172 du 24 novembre 2016, le tribunal administratif de Dijon a condamné l'État à verser à Mme A... une indemnité de 21 251 euros sous déduction d'une provision de 20 000 euros déjà perçue, et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 février 2017, présentée pour Mme A..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1403172 du 24 novembre 2016 du tribunal administratif de Dijon en tant qu'il a limité à la somme de 21 251 euros l'indemnité mise à la charge de l'État et rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'injonction de reconstitution de sa carrière ;

2°) de prononcer la condamnation demandée ;

3°) d'enjoindre à son administration de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pension, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros, au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est fondée à réclamer la somme de 21 010 euros en réparation de son préjudice matériel et une indemnité de 8 000 euros en réparation de son préjudice moral et des troubles dans ses conditions d'existence ;

- c'est à tort que les premiers ont rejeté sa demande de reconstitution de carrière au motif qu'elle n'avait pas présenté de demande à cette fin auprès du ministre de l'intérieur, dès lors que sa lettre du 11 juillet 2014 comportait une telle demande.

La requête a été communiquée au ministre de l'intérieur qui n'a produit aucune observation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président assesseur ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., alors adjoint administratif de 2ème classe titulaire, affectée à la préfecture de l'Yonne, a été placée, à sa demande, en position de disponibilité pour convenances personnelles, à compter du 2 février 2002, et demeure depuis lors en Guadeloupe. Sa mise en disponibilité ayant été prolongée à plusieurs reprises jusqu'au 31 janvier 2012 elle alors sollicité son affectation en Guadeloupe mais, par une décision du 13 décembre 2011, le ministre de l'intérieur n'a pas fait droit à cette demande. Par un jugement du 25 avril 2014, devenu définitif, le tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision du 13 décembre 2011, pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation. Par une lettre adressée au ministre de l'intérieur le 11 juillet 2014, Mme A... a demandé la réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis en conséquence de l'illégalité fautive de la décision ministérielle du 13 décembre 2011 ainsi que la reconstitution de sa carrière, de ses droits à pension, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux puis elle a saisi le tribunal administratif de Dijon d'une demande tendant à la condamnation de l'État à réparer ses préjudices et à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à une reconstitution de sa carrière. Elle interjette appel du jugement du 24 novembre 2016 en tant qu'il a, d'une part, limité à 21 251 euros l'indemnité mise à la charge de l'État et, d'autre part, rejeté les conclusions de sa demande aux fins d'injonction de reconstitution de sa carrière.

Sur la recevabilité des conclusions de la demande de Mme A... aux fins d'injonction :

2. En dehors des cas expressément prévus par les dispositions législatives particulières, inapplicables en l'espèce, du code de justice administrative, il n'appartient pas au juge administratif d'adresser des injonctions à l'administration. Les conclusions de la demande de Mme A... tendant à ce qu'il soit enjoint au ministre de procéder à une reconstitution de sa carrière, de ses droits à pensions, de ses primes statutaires et de ses droits sociaux n'entraient pas notamment dans les prévisions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative en l'absence de contestation par l'intéressée du refus opposé à la demande tendant à ce qu'il soit procédé à une telle reconstitution qu'elle avait formulée dans sa lettre du 11 juillet 2014. Elles étaient, dès lors, irrecevables. Il en résulte que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté lesdites conclusions de sa demande, en dépit de la circonstance que, contrairement à ce qu'ont indiqué les premiers juges dans le jugement attaqué, elle avait bien saisi le ministre de l'intérieur d'une demande de reconstitution de carrière et alors, au demeurant, que l'annulation, par le jugement de ce tribunal du 25 avril 2014 de la décision de refus de mutation du 13 décembre 2011, n'impliquait pas la reconstitution rétroactive de sa carrière.

Sur les conclusions indemnitaires :

3. En premier lieu, en vertu des principes généraux qui régissent la responsabilité de la puissance publique, un agent public irrégulièrement évincé a droit à la réparation intégrale du préjudice qu'il a effectivement subi du fait de la mesure illégalement prise à son encontre. Sont ainsi indemnisables les préjudices de toute nature avec lesquels l'illégalité commise présente, compte tenu de l'importance respective de cette illégalité et des fautes relevées à l'encontre de l'intéressé, un lien direct de causalité. Pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte des rémunérations ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser des frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions. Il y a lieu de déduire, le cas échéant, le montant des rémunérations nettes et des allocations pour perte d'emploi qu'il a perçues au cours de la période d'éviction.

4. Il résulte de l'instruction, et en particulier des éléments produits en première instance par le ministre de l'intérieur, que si Mme A... avait exercé, à compter du début de l'année 2012, ses fonctions dans le département de la Guadeloupe, elle aurait dû percevoir, sans la prise en compte des majorations de traitement pour les fonctionnaires affectés dans ce département d'outre-mer, un traitement mensuel de 1 402,94 euros au cours de l'année 2012 et de 1 430,76 euros au cours des années 2013 et 2014, alors que les rémunérations qu'elle a perçues durant la période dont elle se prévaut, correspondant aux années 2012 et 2013 et au premier semestre de l'année 2014, sont d'un montant supérieur aux sommes qui lui auraient été dues au titre de ce traitement. Mme A... ne peut prétendre, du fait du refus illégal du ministre de l'intérieur de faire droit à sa demande de mutation en Guadeloupe, à une indemnité au titre de la perte de chance de bénéficier des majorations de traitement pour les fonctionnaires affectés dans les départements d'outre-mer, dès lors que ces majorations ont été instituées pour compenser des contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions outre-mer et alors, au demeurant, que Mme A..., à laquelle le préfet de l'Yonne, par lettre du 13 janvier 2012, avait demandé de lui confirmer son souhait d'une réintégration en métropole et de lui faire connaître si elle souhaitait faire acte de candidature sur l'un des postes figurant sur la liste qui lui avait été communiquée, avait refusé. Dès lors, Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges ont limité l'indemnité mise à la charge de l'État en réparation de son préjudice matériel à la somme de 18 251 euros.

5. En second lieu, la décision illégale de refus de mutation en cause est constitutive d'une faute de nature à engager la responsabilité de l'État et a occasionné à Mme A... un préjudice moral dont les premiers juges n'ont pas fait une appréciation insuffisante en lui allouant une indemnité d'un montant de 3 000 euros, mise à la charge de l'État.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a limité à la somme de 21 251 euros l'indemnité mise à la charge de l'État. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 janvier 2019.

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N° 17LY00899


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00899
Date de la décision : 14/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36 Fonctionnaires et agents publics.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DEPORCQ DOMINIQUE

Origine de la décision
Date de l'import : 22/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-14;17ly00899 ?
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