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07/01/2019 | FRANCE | N°18LY03041

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 07 janvier 2019, 18LY03041


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804508 du 18 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d

'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 18 juill...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 18 juin 2018 par lequel le préfet de l'Isère a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804508 du 18 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 3 août 2018, le préfet de l'Isère demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge a estimé que la décision en litige est insuffisamment motivée.

Par un mémoire enregistré le 9 octobre 2018, M.B..., représenté par Me Huard, avocat, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat du paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'intégralité de son dossier ne lui a pas été communiquée ;

- le moyen invoqué par le préfet est infondé ;

- il n'a pas bénéficié d'un entretien et n'a pas reçu copie du résumé de cet entretien ; il n'a pas été informé de son droit à consulter en préfecture le résumé de cet entretien ; cet entretien n'a pas été conduit par une personne qualifiée ;

- il n'a pas reçu l'information prévue par le règlement du 26 juin 2013 ;

- l'article 18 1) b) du règlement du 26 juin 2013, visé dans la décision, concerne le cas de l'étranger présentant une demande d'asile en France alors qu'il existe une demande en cours d'examen dans un autre pays européen, ce qui ne correspond pas à sa situation ;

- la décision méconnaît les articles 16 et 17 du règlement du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il n'est pas établi que l'Italie a été saisie dans les délais de deux mois suivant le " hit " Eurodac et de trois mois suivant la date de présentation à la structure de pré-accueil ;

- la réalité de la saisine des autorités italiennes n'est pas établie ;

- il n'a pas été informé de son droit d'accès et de rectification des données le concernant ;

- la notification de la décision méconnaît le 2 de l'article 26 du 26 juin 2013.

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M.B..., ressortissant guinéen, né le 18 avril 1994, a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère le 22 mars 2018. Le préfet ayant constaté que l'intéressé avait précédemment déposé une demande d'asile en Italie, a présenté une demande de reprise en charge aux autorités italiennes, puis a décidé de remettre l'intéressé à ces autorités par un arrêté du 18 juin 2018. Le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé cette décision de transfert.

2. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

3. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

4. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

5. L'arrêté en litige, qui vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, indique que " lors de sa présentation au guichet unique, les empreintes de l'intéressé ont été relevées et permettent, après confrontation avec les bases de données européennes, d'établir que l'intéressé a précédemment déposé une demande d'asile en Italie " et que " les autorités italiennes saisies le 9 mai 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18-1-b du règlement (UE) n° 604/2013 ont accepté leur responsabilité par un accord implicite ". Ainsi, cette décision satisfait aux exigences de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à tort que, pour annuler la décision de transfert en litige, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de ce qu'elle est insuffisamment motivée.

6. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M.B....

S'agissant de l'application de l'article 5 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

7. Aux termes de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Afin de faciliter le processus de détermination de l'État membre responsable, l'État membre procédant à cette détermination mène un entretien individuel avec le demandeur. Cet entretien permet également de veiller à ce que le demandeur comprenne correctement les informations qui lui sont fournies conformément à l'article 4. (...) 4. L'entretien individuel est mené dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend et dans laquelle il est capable de communiquer. Si nécessaire, les États membres ont recours à un interprète capable d'assurer une bonne communication entre le demandeur et la personne qui mène l'entretien individuel. / 5. L'entretien individuel a lieu dans des conditions garantissant dûment la confidentialité. Il est mené par une personne qualifiée en vertu du droit national. / 6. L'État membre qui mène l'entretien individuel rédige un résumé qui contient au moins les principales informations fournies par le demandeur lors de l'entretien. Ce résumé peut prendre la forme d'un rapport ou d'un formulaire type. L'État membre veille à ce que le demandeur et/ou le conseil juridique ou un autre conseiller qui représente le demandeur ait accès en temps utile au résumé. "

8. M. B...conteste tout à la fois l'existence de l'entretien prévu pas ces dispositions et les conditions dans lesquelles cet entretien s'est déroulé. Il ressort des pièces du dossier que M. B... a bénéficié d'un entretien individuel avec un agent du service chargé de l'asile à la préfecture de l'Isère le 22 mars 2018. Cet entretien, ayant été mené par une personne du service, l'a été par une personne qualifiée au sens du 5. de l'article 5 du règlement du 26 juin 2013 et il ressort du résumé dudit entretien que l'intéressé a pu faire valoir à cette occasion toutes observations utiles. Il ressort également des pièces du dossier qu'une copie de ce résumé lui a été remise.

S'agissant de l'application de l'article 4 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013 :

9. Il ressort des pièces du dossier que les obligations d'information imposées par ce texte ont été satisfaites à l'occasion de l'entretien mentionné ci-dessus.

10. La brochure d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' ", qui a été remise à l'intéressé, fait notamment mention de l'existence d'un droit d'accès aux données concernant l'intéressé et d'un droit de rectification de ces données. Ainsi, M. B...a été informé de son droit d'accès aux données le concernant et du droit de rectification de ces données, comme le prévoient les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

S'agissant de l'article 15 du règlement (UE) n° 1560/2003 :

11. Aux termes de l'article 15 du règlement (UE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

12. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication DubliNet permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

13. Il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception DubliNet produites par le préfet que les autorités italiennes ont effectivement été saisies, le 9 mai 2018, d'une demande de reprise en charge de M. B... et qu'en l'absence de réponse explicite, elles doivent être regardées comme ayant implicitement accepté leur responsabilité.

S'agissant de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

14. Aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ". Aux termes de l'article 23 du même texte : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément à l'article 20, paragraphe 5, et à l'article 18, paragraphe 1, point b), c) ou d), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. (...) ".

15. Le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. B... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont implicitement donné leur accord. L'intéressé allègue, sans l'établir, que, sa demande d'asile ayant été rejetée en Italie, sa situation relevait, en réalité, du d) du même texte. Toutefois, dans ce cas, le préfet pouvait décider son transfert sur ce fondement, la substitution de cette base légale à celle du b) n'ayant pas pour effet de priver M. B... d'une garantie et l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation. Par suite, la circonstance que la demande d'asile de l'intéressé aurait été rejetée en Italie reste sans incidence sur la légalité de la décision de transfert en litige.

S'agissant de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 :

16. Aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604-2013 du 26 juin 2013, relatif à la présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant : " (...) 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. / Si la requête aux fins de reprise en charge est fondée sur des éléments de preuve autres que des données obtenues par le système Eurodac, elle est envoyée à l'État membre requis dans un délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande de protection internationale au sens de l'article 20, paragraphe 2. / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale ".

17. M. B... a demandé l'asile le 22 mars 2018 et le même jour, le préfet a eu connaissance de ce que, selon le système Eurodac, l'intéressé a sollicité l'asile en Italie le 21 avril 2015. Ainsi, les autorités italiennes, saisies le 9 mai 2018, l'ont été dans le délai de trois mois à compter de la date d'introduction de la demande d'asile et dans le délai de deux mois suivant le résultat positif Eurodac, prévus au 2 de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013.

S'agissant de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :

18. Si M. B...fait valoir que l'Italie est confrontée à un afflux de migrants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert vers ce pays pour l'examen de sa demande d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que son renvoi en Italie l'exposerait au risque de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant des autres moyens :

19. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 16, relatif aux personnes à charge, du règlement (UE) n° 604/2013, n'est assorti d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé.

20. Si M. B...soutient que la décision litigieuse ne lui a pas été notifiée conformément aux dispositions du 2 de l'article 26 du règlement (UE) n° 604/2013, les conditions de notification d'une décision sont sans incidence sur sa légalité.

21. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision en litige.

22. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. B...au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 18 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.

7

N° 18LY03041


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03041
Date de la décision : 07/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-07;18ly03041 ?
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