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07/01/2019 | FRANCE | N°18LY02988

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 07 janvier 2019, 18LY02988


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le préfet du Rhône a décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1804927 du 12 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée

le 2 août 2018 sous le n° 18LY02988, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le préfet du Rhône a décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du 2 juillet 2018 par lequel le préfet du Rhône l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1804927 du 12 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 2 août 2018 sous le n° 18LY02988, le préfet du Rhône demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que sa décision du 28 juin 2018 est suffisamment motivée.

Par un mémoire enregistré le 22 novembre 2018, M. B..., représenté par Me Vray, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet d'enregistrer sa demande d'asile, de lui remettre le dossier de cette demande à transmettre à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile dans un délai de 48 heures, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert n'est pas motivé ;

- il méconnaît les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, ainsi que les dispositions de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

II/ Par une requête enregistrée le 2 août 2018 sous le n° 18LY02993, le préfet du Rhône demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2018.

Il soutient que l'exécution de ce jugement peut entraîner des conséquences difficilement réparables et qu'il existe des moyens sérieux d'annulation du jugement attaqué et de rejet de la demande de première instance.

Par un mémoire enregistré le 22 novembre 2018, M. B..., représenté par Me Vray, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 600 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'aucun des moyens développés par le préfet ne paraît sérieux et de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes du préfet du Rhône sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. M. B..., né le 15 novembre 1986, de nationalité nigériane, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 1er janvier 2018. Il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture du Rhône le 29 janvier 2018. Par arrêtés des 28 juin et 2 juillet 2018, le préfet du Rhône a prononcé son transfert vers l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé ces décisions.

3. En application de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision de transfert dont fait l'objet un ressortissant de pays tiers ou un apatride qui a déposé auprès des autorités françaises une demande d'asile dont l'examen relève d'un autre Etat membre ayant accepté de le prendre ou de le reprendre en charge doit être motivée, c'est-à-dire qu'elle doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.

4. Pour l'application de ces dispositions, est suffisamment motivée une décision de transfert qui mentionne le règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 et comprend l'indication des éléments de fait sur lesquels l'autorité administrative se fonde pour estimer que l'examen de la demande présentée devant elle relève de la responsabilité d'un autre Etat membre, une telle motivation permettant d'identifier le critère du règlement communautaire dont il est fait application.

5. S'agissant d'un étranger ayant, dans les conditions posées par le règlement, présenté une demande d'asile dans un autre Etat membre et devant, en conséquence, faire l'objet d'une reprise en charge par cet Etat, doit être regardée comme suffisamment motivée la décision de transfert qui, après avoir visé le règlement, relève que le demandeur a antérieurement présenté une demande dans l'Etat en cause, une telle motivation faisant apparaître qu'il est fait application du b), c) ou d) du paragraphe 1 de l'article 18 ou du paragraphe 5 de l'article 20 du règlement.

6. L'arrêté du 28 juin 2018 par lequel le préfet du Rhône a décidé le transfert de M. B... vers l'Italie, État membre regardé comme responsable de l'examen de sa demande d'asile, comporte le visa du règlement (UE) n° 604/2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers. Il indique qu' " il ressort de la consultation du fichier Eurodac que l'intéressé est connu des autorités italiennes auprès desquelles il a sollicité l'asile le 02/09/2016 sous le numéro IT I RM2G448 ", que " les autorités italiennes ont été saisies dans le délai le 12 mars 2018 d'une demande de reprise en charge en vertu de l'article 18-1 d du règlement n° 604/2013 " et que l'Italie a fait connaître son accord implicite pour la réadmission de M. B... le 26 mars 2018, en application de l'article 25.2 du règlement n° 604/2013 et doit être considérée comme responsable de sa demande d'asile. Ainsi, cette décision satisfait à l'exigence de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Dès lors, c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon s'est fondé sur le motif tiré de l'insuffisance de motivation pour annuler l'arrêté du 28 juin 2018 prononçant le transfert de l'intéressé vers l'Italie et, par voie de conséquence, l'arrêté du 2 juillet 2018 l'assignant à résidence.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. B....

8. En premier lieu, aux termes de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de : (...) d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre. (...) ".

9. M. B..., qui a demandé l'asile en Italie, se trouvait dans le cas que prévoient les dispositions de l'article 18-1 d du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, dans lequel le préfet peut décider le transfert d'un demandeur d'asile. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait dépourvue de base légale doit être écarté.

10. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3, paragraphe 2, du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'Etat membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet Etat membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'Etat membre procédant à la détermination de l'Etat membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre Etat membre peut être désigné comme responsable ". Aux termes de l'article 17 du même règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'État membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'État membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ".

11. Aux termes de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La procédure de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de la demande d'asile ne peut être engagée dans le cas de défaillances systémiques dans l'Etat considéré mentionné au 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des Etats membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride. "

12. M. B... se borne à faire valoir qu'en raison de l'afflux de réfugiés en Italie, il ne pourrait bénéficier de conditions d'accueil conformes à la convention de Genève et que sa demande d'asile ne serait pas traitée correctement. Il ne démontre pas l'existence d'un risque sérieux que sa demande d'asile ne puisse pas être traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile. Il ne démontre pas davantage qu'il y serait personnellement exposé à des risques de traitements inhumains ou dégradants, alors que ce pays est un Etat membre de l'Union européenne, partie tant à la convention de Genève sur le statut des réfugiés, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par suite, le moyen tiré de ce qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile, l'arrêté litigieux aurait été pris en méconnaissance des articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 et de l'article L. 742-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a annulé les décisions en litige.

14. Dès lors qu'il est statué sur la requête à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions du préfet du Rhône à fin de sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet.

15. Le présent arrêt n'impliquant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. B... à fin d'injonction doivent être rejetées.

16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, quelque somme que ce soit au profit du conseil de M. B... au titre des frais exposés à l'occasion du litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet du Rhône à fin de sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 12 juillet 2018.

Article 3 : Les conclusions de M. B... devant le tribunal administratif de Lyon tendant à l'annulation des arrêtés du 28 juin 2018 et du 2 juillet 2018 par lesquels le préfet du Rhône a respectivement décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.

6

Nos 18LY02988 - 18LY02993


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02988
Date de la décision : 07/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : VRAY

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-07;18ly02988 ?
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