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07/01/2019 | FRANCE | N°18LY02729

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 07 janvier 2019, 18LY02729


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M.A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804047 du 6 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 2 juin 2018 et enjoint audit préfet d'autoriser M. B... à présenter sa demande d'asile et de lui délivre

r une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.

Procédure deva...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M.A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 2 juin 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a ordonné sa remise aux autorités italiennes en vue de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1804047 du 6 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 2 juin 2018 et enjoint audit préfet d'autoriser M. B... à présenter sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours.

Procédure devant la cour

I) Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2018, sous le n° 18LY02729, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1804047 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 6 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- c'est à tort que le premier juge a considéré qu'avaient été méconnues les dispositions de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013 alors qu'il ne ressort pas des éléments produits par M. B... que sa réadmission en Italie serait constitutive d'une atteinte grave au droit d'asile du fait de l'existence de défaillances systémiques par cet Etat dans l'accueil des demandeurs d'asile ;

- la circonstance que la France n'aurait pas transmis à l'Italie le certificat de santé prévu par l'article 32 du règlement est sans influence sur la légalité de la décision de transfert ;

- la décision n'est pas intervenue en méconnaissance des dispositions de l'article 17 du règlement.

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2018, présenté pour M. B..., il conclut au rejet de la requête, à ce qu'il soit enjoint au préfet de l'autoriser à déposer sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que les moyens soulevés par le préfet ne sont pas fondés et que la décision de transfert est insuffisamment motivée, qu'elle est intervenue en méconnaissance des dispositions des articles 4 et 5 du règlement du 26 juin 2013 et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement et de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

II) Par une requête, enregistrée le 19 juillet 2018, sous le n° 18LY02731, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution du jugement n° 1804047 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 6 juillet 2018.

Il soutient qu'il a développé, au soutien de ses conclusions aux fins d'annulation du jugement du 6 juillet 2018, des moyens sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2018, présenté pour M. B..., il conclut au rejet de la requête en soutenant que cette requête ne peut avoir pour effet de suspendre le délai de six mois de l'article 29 du règlement.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 modifiant le règlement (CE) n° 1560/2003 portant modalités d'application du règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de M. Laval, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., de nationalité guinéenne, né le 12 mars 1994 à Conakry (Guinée), a déposé une demande d'asile à la préfecture de l'Isère le 9 février 2018. Le système Eurodac a révélé qu'il avait déposé une précédente demande en Italie. Les autorités italiennes, saisies le 22 mars 2018 d'une demande de reprise en charge, ont donné leur accord implicite le 8 avril 2018. Par une décision du 2 juin 2018, notifiée le 22 juin 2018, le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son transfert en Italie. En premier lieu, le préfet de la Haute-Savoie, par sa requête enregistrée sous le n° 1802729, interjette appel du jugement du 6 juillet 2018 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 2 juin 2018. En second lieu, par sa requête enregistrée sous le n° 18LY02731, il conclut également à ce que soit ordonné le sursis à l'exécution de ce jugement.

2. Les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

Sur la requête n° 18LY01729 à fin d'annulation du jugement attaqué :

En ce qui concerne les moyens d'annulation retenus par le premier juge :

3. En premier lieu, aux termes du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013: " (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable ". Aux termes de l'article 17 de ce règlement : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque État membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) ".

4. L'Italie est un État membre de l'Union européenne, partie à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, et à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il doit alors être présumé que le traitement réservé aux demandeurs d'asile dans cet État membre est conforme aux exigences de la convention de Genève ainsi qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. En se bornant à critiquer, de façon générale, les difficultés des autorités italiennes face à l'afflux de migrants, constatées notamment par les organisations non gouvernementales et à affirmer, sans en justifier, d'une part, qu'il n'aurait jamais été informé de ses droits ni été en mesure de présenter son récit aux autorités compétentes et les raisons qui le poussaient à former une demande d'asile et, d'autre part, qu'il n'aurait pas reçu les soins que son état de santé nécessite, M. B... ne démontre pas qu'il existerait une défaillance systémique en Italie ou que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la faculté que lui accorde l'article 17 précité.

5. En second lieu, aux termes de l'article 32 du règlement n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2013 : " Échange de données concernant la santé avant l'exécution d'un transfert 1. Aux seules fins de l'administration de soins ou de traitements médicaux (...) l'État membre procédant au transfert transmet à l'État membre responsable des informations relatives aux besoins particuliers de la personne à transférer, dans la mesure où l'autorité compétente conformément au droit national dispose de ces informations, lesquelles peuvent dans certains cas porter sur l'état de santé physique ou mentale de cette personne. Ces informations sont transmises dans un certificat de santé commun accompagné des documents nécessaires. L'État membre responsable s'assure de la prise en compte adéquate de ces besoins particuliers, notamment lorsque des soins médicaux essentiels sont requis (...) ".

6. Il ne résulte pas de ces dispositions que l'échange d'informations qu'elles prévoient, à le supposer nécessaire en l'espèce, doive précéder l'édiction de l'arrêté décidant la remise à l'Etat-membre responsable. M. B... ne peut donc utilement invoquer les dispositions de l'article 32 du règlement (UE) 604/2013 du 26 juin 2013 à l'encontre de l'arrêté contesté en tant que le préfet de l'Isère aurait omis de transmettre un certificat médical le concernant.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé, pour annuler la décision en litige, sur le motif tiré d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet de l'Isère n'a pas fait application, au cas d'espèce, de la faculté offerte par l'article 17 du règlement (UE) 604/2013.

8. Il appartient, toutefois, à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B....

En ce qui concerne la légalité de la décision de transfert :

9. En premier lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé : " Droit à l'information /1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un Etat membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement, et notamment : / a) des objectifs du présent règlement et des conséquences de la présentation d'une autre demande dans un Etat membre différent ainsi que des conséquences du passage d'un Etat membre à un autre pendant les phases au cours desquelles l'Etat membre responsable en vertu du présent règlement est déterminé et la demande de protection internationale est examinée ; / b) des critères de détermination de l'État membre responsable, de la hiérarchie de ces critères au cours des différentes étapes de la procédure et de leur durée, y compris du fait qu'une demande de protection internationale introduite dans un Etat membre peut mener à la désignation de cet Etat membre comme responsable en vertu du présent règlement même si cette responsabilité n'est pas fondée sur ces critères ; / c) de l'entretien individuel en vertu de l'article 5 et de la possibilité de fournir des informations sur la présence de membres de la famille, de proches ou de tout autre parent dans les Etats membres, y compris des moyens par lesquels le demandeur peut fournir ces informations ; / d) de la possibilité de contester une décision de transfert et, le cas échéant, de demander une suspension du transfert ; / e) du fait que les autorités compétentes des Etats membres peuvent échanger des données le concernant aux seules fins d'exécuter leurs obligations découlant du présent règlement ; / f) de l'existence du droit d'accès aux données le concernant et du droit de demander que ces données soient rectifiées si elles sont inexactes ou supprimées si elles ont fait l'objet d'un traitement illicite, ainsi que des procédures à suivre pour exercer ces droits, y compris des coordonnées des autorités visées à l'article 35 et des autorités nationales chargées de la protection des données qui sont compétentes pour examiner les réclamations relatives à la protection des données à caractère personnel. / 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les Etats membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. / 3. La Commission rédige, au moyen d'actes d'exécution, une brochure commune (...), contenant au minimum les informations visées au paragraphe 1 du présent article. Cette brochure commune comprend également des informations relatives à l'application du règlement (UE) n° 603/2013 et, en particulier, à la finalité pour laquelle les données relatives à un demandeur peuvent être traitées dans Eurodac. La brochure commune est réalisée de telle manière que les Etats membres puissent y ajouter des informations spécifiques aux Etats membres. Ces actes d'exécution sont adoptés en conformité avec la procédure d'examen visée à l'article 44, paragraphe 2, du présent règlement. ". Aux termes de l'article 20 de ce règlement : " (...) 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur(...) est parvenu aux autorités compétentes de l'Etat membre concerné (...). ".

10. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement du 26 juin 2013 doit se voir remettre, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement, et, en tout cas, avant la décision par laquelle l'autorité administrative décide de refuser l'admission provisoire au séjour de l'intéressé au motif que la France n'est pas responsable de sa demande d'asile, une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

11. Il ressort des pièces produites par le préfet de la Haute-Savoie en première instance que M. B..., qui a bénéficié d'un entretien individuel le 9 février 2018, jour de l'enregistrement de sa demande d'asile à la préfecture, a signé le compte rendu de cet entretien accompagné de son résumé en certifiant qu'il lui a été remis le jour même et il est précisé sur ce document que l'entretien a été réalisé en français, " langue comprise ". L'intéressé a, en outre, attesté avoir reçu à la même date les brochures d'information " J'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et " Je suis sous procédure Dublin - Qu'est-ce que cela signifie ' ", qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, dit " Dublin III " et figurant en annexe au règlement (UE) du 30 janvier 2014, rédigées en langue française, qu'il a déclaré comprendre. Si M. B... soutient qu'il n'a pu bénéficier d'une information pleine et entière sur ses droits et dans une langue qu'il comprend, au moment de l'enregistrement de sa demande d'asile et avant la prise de ses empreintes digitales, dès lors que les brochures d'information ne lui auraient pas été remises en langue peul en présence d'un interprète, cette allégation est contredite par les pièces précitées du dossier dès lors qu'il comprend le français.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / Nonobstant le premier alinéa, en cas de résultat positif ("hit") Eurodac avec des données enregistrées en vertu de l'article 14 du règlement (UE) no 603/2013, la requête est envoyée dans un délai de deux mois à compter de la réception de ce résultat positif en vertu de l'article 15, paragraphe 2, dudit règlement. / Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéa, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) 3. Dans les cas visés aux paragraphes 1 et 2, la requête aux fins de prise en charge par un autre État membre est présentée à l'aide d'un formulaire type et comprend les éléments de preuve ou indices tels qu'ils figurent dans les deux listes mentionnées à l'article 22, paragraphe 3, et/ou les autres éléments pertinents tirés de la déclaration du demandeur qui permettent aux autorités de l'État membre requis de vérifier s'il est responsable au regard des critères définis dans le présent règlement. ".

13. Aux termes de l'article 22 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur dans un délai de deux mois à compter de la réception de la requête. (...) / 7. L'absence de réponse à l'expiration du délai de deux mois mentionné au paragraphe 1 et du délai d'un mois prévu au paragraphe 6 équivaut à l'acceptation de la requête et entraîne l'obligation de prendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

14. Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

15. La situation de M. B..., qui avait sollicité l'asile en Italie, relevait du 1 b) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de la Haute-Savoie a produit la copie d'un courrier électronique du 10 avril 2018, constituant la " réponse automatique accusant réception " de sa demande de transfert de M. B... formulée au moyen de l'application " DubliNet " dans le cadre du règlement Dublin III. Ce document comporte la même référence FRDUB9930104890-380 que celle figurant sur le document non daté émis par les services de la préfecture de l'Isère et destiné aux autorités italiennes, constatant leur " accord implicite et confirmation de reconnaissance de responsabilité " pour la prise en charge de la demande d'asile de M. B.... Ce dernier document comporte la référence des autorités italiennes (IT1PD02PLF) concernant ce dossier. Ainsi, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités, ayant fait naître leur accord implicite, est établie.

16. En troisième lieu, la décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa reprise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit comporter, d'une part, tous les éléments de preuve et indices qui permettent de déterminer la responsabilité de l'État membre requis pour l'examen de la demande de protection internationale et, d'autre part, l'article du règlement sur la base duquel la requête aux fins de reprise en charge a été présentée audit Etat membre, parmi ceux visés à l'annexe III du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014.

17. L'arrêté en litige, qui vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, indique que " lors de sa présentation au guichet unique, les empreintes de l'intéressé ont été relevées et permettent, après confrontation avec les bases de données européennes (EURODAC et VISABIO), d'établir que l'intéressé a précédemment déposé une demande d'asile en Italie " et que " les autorités italiennes saisies le 22 mars 2018 d'une demande de reprise en charge par le préfet de l'Isère en application de l'article 18 paragraphe 1 b du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé et que ces autorités ont accepté leur responsabilité par un accord implicite du 5 avril 2018 en application de l'article 25 paragraphe 2 du règlement (UE) n° 604-2013 susvisé ". Ainsi, cette décision satisfait aux exigences de motivation qu'imposent les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

18. En quatrième lieu, si M. B...fait valoir que l'Italie est confrontée à un afflux de migrants, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet ait commis une erreur manifeste d'appréciation en décidant son transfert vers ce pays pour l'examen de sa demande d'asile. Il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que son renvoi en Italie l'exposerait au risque de subir des traitements prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

19. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé la décision du 2 juin 2018 contestée. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions de M. B... aux fins d'injonction et tendant au bénéfice des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Sur les conclusions de la requête n° 18LY02731 à fin de sursis à exécution :

20. Le présent arrêt statuant sur la requête du préfet de la Haute-Savoie dirigée contre le jugement attaqué, les conclusions de sa requête tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement sont devenues sans objet.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804047 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 6 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur la requête du préfet de la Haute-Savoie enregistrée sous le n° 18LY02731.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A... B.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.

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4

Nos 18LY02729, 18LY02731


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02729
Date de la décision : 07/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-07;18ly02729 ?
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