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07/01/2019 | FRANCE | N°18LY01748

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 07 janvier 2019, 18LY01748


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 février 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801950 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai et 29 novembre 2018, M. A..., représent

é par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le présiden...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 7 février 2018 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a décidé sa remise aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801950 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 14 mai et 29 novembre 2018, M. A..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 13 avril 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté susmentionné ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de l'autoriser à déposer une demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet ne démontre pas la réception par les autorités italiennes de la demande de reprise en charge du 12 décembre 2017 ;

- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 juin 2018.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (UE) n° 603/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., de nationalité guinéenne, né à Conakry le 4 août 1998 est entré en France le 5 octobre 2017. Il a présenté une demande d'asile le 19 octobre 2017. Ayant relevé ses empreintes digitales, le préfet de l'Isère a constaté, en consultant le fichier Eurodac, que l'intéressé avait auparavant sollicité l'asile notamment auprès des autorités italiennes. Celles-ci, saisies sur le fondement du b) du paragraphe 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du conseil du 26 juin 2013, ont accepté la reprise en charge de l'intéressé. A la suite de cette procédure, le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert aux autorités italiennes par arrêté du 7 février 2018. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à la " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant " : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...) a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément (...) à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ".

3. Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

4. La situation de M. A..., qui avait déposé une demande d'asile auprès des autorités italiennes, relevait de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de la Haute-Savoie a produit la copie d'un courrier électronique du 12 décembre 2017, constituant la " réponse automatique accusant réception " de la demande de transfert de M. A... formulée au moyen de l'application " DubliNet " dans le cadre du règlement Dublin III. Ce document comporte la même référence FRDUB29930067144-380 que celle figurant sur le document non daté émis par les services de la préfecture de l'Isère et destiné aux autorités italiennes, constatant leur " accord implicite et confirmation de reconnaissance de responsabilité " pour la prise en charge de la demande d'asile de M. A.... Ce dernier document comporte la référence des autorités italiennes concernant ce dossier. Ainsi, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités, ayant fait naître leur accord implicite, est établie. Par suite, le préfet établit l'existence d'une demande de reprise en charge auprès des autorités italiennes.

5. En deuxième lieu, aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " (...)Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable (...) ".

6. M. A... invoque l'existence de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Italie, du fait de l'afflux massif et incessant de demandeurs d'asile dans ce pays, qui allongerait considérablement les délais de traitement, précariserait les conditions d'accueil et mettrait les autorités italiennes dans l'impossibilité de prendre en charge de façon satisfaisante les personnes vulnérables. Toutefois, les documents produits par l'intéressé à l'appui de ses affirmations, notamment des articles de presse, ne permettent pas de considérer que les autorités italiennes ne sont pas en mesure de traiter sa demande d'asile dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile et qu'il courrait en Italie un risque réel d'être soumis à des traitements inhumains ou dégradants, au sens de l'article 4 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, en l'absence d'existence avérée de défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans ce pays, au demeurant Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La décision de transfert contestée ne méconnaît donc pas les dispositions précitées du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

7. En dernier lieu, aux termes du paragraphe 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. (...) " et aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants ".

8. La faculté laissée à chaque Etat membre, par le 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013, de décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement, est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile.

9. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'en s'abstenant de mettre en oeuvre la clause discrétionnaire prévue au 1 de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, qui permet à un Etat d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement, le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation.

10. D'autre part, le requérant soutient, sans apporter aucun justificatif à l'appui de ses allégations, qu'il encourt des risques sérieux dans son pays d'origine où sa famille a été décimée par le virus Ebola. Le moyen tiré des risques auxquels M. A... pourrait être exposé en cas de retour en Guinée est inopérant à l'encontre de la décision contestée, par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert en Italie en vue de l'examen de sa demande d'asile par cet Etat. Par suite, le requérant ne peut utilement invoquer ni un défaut d'examen des risques qu'il encourt en Guinée ni une méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales au regard de ces mêmes risques.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles de son conseil tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 3 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 7 janvier 2019.

5

N° 18LY01748


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01748
Date de la décision : 07/01/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2019-01-07;18ly01748 ?
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