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27/12/2018 | FRANCE | N°18LY01789

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 27 décembre 2018, 18LY01789


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 23 février 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1801646 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le

15 mai 2018, M. B..., représenté par Me Piérot, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce ju...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Savoie du 23 février 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il serait reconduit d'office.

Par un jugement n° 1801646 du 13 avril 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 15 mai 2018, M. B..., représenté par Me Piérot, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 13 avril 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Savoie de lui délivrer un titre de séjour, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée au regard des dispositions des articles L. 211-1 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elle n'a pas été précédée d'un examen particulier de sa situation ;

- elle a été prise en violation des dispositions de l'article L. 743-1 et du 6° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire enregistré le 11 décembre 2018, le préfet de la Savoie conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens invoqués n'est fondé.

La demande d'admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle présentée par M. B... a été classée sans suite.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant albanais né le 8 mars 1996, est arrivé en France le 17 avril 2017, selon ses déclarations. Il a sollicité son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile le 8 juin 2017. Sa demande a été rejetée par une décision du directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 24 août 2017, qui lui a été notifiée le 20 septembre 2017. Le 23 février 2018, le préfet de la Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi. M. B... fait appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

2. L'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " I - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un État membre de l'Union européenne, d'un autre État partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / (...) 6° Si la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou si l'étranger ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application de l'article L. 743-2, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. (...) ".

3. Aux termes de l'article L. 743-1 du même code : " Le demandeur d'asile dont l'examen de la demande relève de la compétence de la France et qui a introduit sa demande auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la notification de la décision de l'office ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. L'attestation délivrée en application de l'article L. 741-1, dès lors que la demande d'asile a été introduite auprès de l'office, vaut autorisation provisoire de séjour et est renouvelable jusqu'à ce que l'office et, le cas échéant, la cour statuent ".

4. L'article R. 723-19 dudit code prévoit que : " I.- La décision du directeur général de l'office [l'Office français de protection des réfugiés et apatrides] est notifiée à l'intéressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) / III.- La date de notification de la décision de l'office et, le cas échéant, de la Cour nationale du droit d'asile qui figure dans le système d'information de l'office et est communiquée au préfet compétent et au directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration au moyen de traitements informatiques fait foi jusqu'à preuve du contraire. "

5. Il résulte de ces dispositions que l'étranger qui demande l'asile a le droit de séjourner sur le territoire national à ce titre jusqu'à ce que la décision rejetant sa demande lui ait été notifiée régulièrement par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé devant elle, par la Cour nationale du droit d'asile. En l'absence d'une telle notification, l'autorité administrative ne peut regarder l'étranger à qui l'asile a été refusé comme ne bénéficiant plus de son droit provisoire au séjour ou comme se maintenant irrégulièrement sur le territoire. En cas de contestation sur ce point, il appartient à l'autorité administrative de justifier que la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a été régulièrement notifiée à l'intéressé, le cas échéant en sollicitant la communication de la copie de l'avis de réception auprès de l'Office.

6. Si l'extrait de la base de donnés mentionnée au III de l'article R. 723-19 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Télémopfra) produit devant le tribunal administratif par le préfet ne mentionne pas que la décision du directeur général de l'Office du 24 août 2017 refusant l'asile à M. B...a fait l'objet d'un recours devant la Cour nationale du droit d'asile, l'extrait de cette même base produit devant la cour et les autres pièces du dossier font état d'un recours devant cette juridiction, le 25 mai 2018. Il ressort également des pièces du dossier que l'intéressé a demandé l'aide juridictionnelle en vue de saisir la Cour nationale du droit d'asile le 25 septembre 2017, soit dans le délai d'un mois suivant la date de sa notification, fixé par l'article R. 733-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que le bénéfice de cette aide lui a été accordé le 13 avril 2018. Ainsi, en application de l'article 38 du décret du 19 décembre 1991, son recours enregistré le 25 mai 2017 a été présenté dans le délai d'un mois. Dès lors, le 23 février 2018, date des décisions en litige, alors que la Cour nationale du droit d'asile n'avait pas statué sur son recours, M. B...disposait du droit de se maintenir en France et ne pouvait donc faire l'objet d'une mesure d'éloignement. Par suite, la décision du 23 février 2018 lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale, de même que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination.

7. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

8. D'une part, aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette décision doit intervenir dans un délai déterminé. "

9. D'autre part, l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulée, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas. "

10. L'annulation prononcée par le présent arrêt implique seulement que le préfet délivre à M. B...une autorisation provisoire de séjour et réexamine sa situation, mais n'implique pas, comme celui-ci le demande, la délivrance d'un titre de séjour. Dès lors, les conclusions de M. B... tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le paiement à M. B...d'une somme de 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 13 avril 2018 et les décisions du préfet de la Savoie du 23 février 2018 sont annulés.

Article 2 : L'État versera à M. B...la somme de 800 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 17 décembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 décembre 2018.

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N° 18LY01789


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01789
Date de la décision : 27/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : PIEROT

Origine de la décision
Date de l'import : 04/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-27;18ly01789 ?
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