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20/12/2018 | FRANCE | N°18LY01533

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 18LY01533


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 juin 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1706114 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requê

te enregistrée le 27 avril 2018, Mme A... E..., représentée par Me Zoccali, demande à la cour :

1°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 8 juin 2017 par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé à l'expiration de ce délai.

Par un jugement n° 1706114 du 7 février 2018, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 27 avril 2018, Mme A... E..., représentée par Me Zoccali, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 février 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 8 juin 2017 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, sous astreinte, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance par le refus de titre de séjour de l'article L. 313-11 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors qu'elle contribue à l'entretien et à l'éducation de ses enfants mineurs depuis leur naissance ;

- c'est également à tort que les premiers juges ont écarté la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, dès lors qu'elle réside en France auprès de six de ses enfants qui ont tous la nationalité française, y compris ses enfants mineurs, lesquels ont donc vocation à rester sur le territoire national, d'autant qu'ils y sont scolarisés depuis quatre ans ;

- l'obligation de quitter le territoire français est privée de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette obligation méconnaît l'article L. 511-4 5° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- cette obligation viole l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.

Mme E... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 27 mars 2018.

Par un mémoire enregistré le 15 novembre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés sont infondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme E... a sollicité, le 25 janvier 2017, la délivrance d'une carte de séjour en qualité de parent d'enfant français sur le fondement du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui lui a été refusée par une décision du préfet du Rhône du 8 juin 2017, assortie d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et d'une décision fixant le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé. Mme E... relève appel du jugement du 7 février 2018 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la légalité des décisions du préfet du Rhône du 8 juin 2017 :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 6° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans (...) ".

3. Pour rejeter la demande de titre de séjour de Mme E..., le préfet du Rhône a estimé que l'intéressée n'établissait pas contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de ses enfant depuis au moins deux ans conformément aux dispositions citées au point précédent.

4. Il ressort des pièces du dossier que MmeE..., ressortissante comorienne, est entrée en France le 9 février 2016, à l'âge de quarante-huit ans, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour, pour rejoindre en France ses six enfants de nationalité française, et en particulier ses deux enfants mineurs D...etC..., nés respectivement en 2001 et en 2004. Suite au décès de leur père survenu le 13 juillet 2013 aux Comores, ces derniers sont entrés en France en septembre 2014, où ils ont été recueillis par un membre de la famille et où ils suivent leur scolarité. Mme E... n'a vécu séparée de ses enfants mineurs que pendant le temps nécessaire à l'obtention d'un visa, démarche qui en raison de plusieurs refus auxquelles elle se serait heurtée, a duré près d'un an et demi. Alors même qu'elle ne dispose d'aucun logement propre, étant hébergée à la date des décisions attaquées par son fils, il ressort des éléments du dossier qu'elle contribue effectivement, au sens des dispositions de l'article 371-2 du code civil, à l'entretien et à l'éducation de ses enfants dont elle assure la charge depuis leur naissance, dans la mesure de ses moyens, notamment par sa présence au quotidien auprès d'eux.

5. Si le préfet a mis en doute dans ses écritures, tant en première instance qu'en appel, la structure familiale et en particulier la réalité de la filiation entre Mme E... et les deux enfants mineurs D...etC..., le préfet ne produit sur ce point aucun élément suffisamment probant et n'a d'ailleurs pas produit les résultats de l'enquête administrative qu'il aurait diligentée ni sollicité de substitution de motif.

6. Il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône ne pouvait refuser de délivrer à Mme E... un titre de séjour sans méconnaître les dispositions du 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, le refus de titre de séjour en litige et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et la décision fixant le pays de renvoi dont ce refus est assorti, sont entachés d'illégalité et doivent être annulés.

7. Il résulte de ce qui précède que Mme E...est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et à demander l'annulation de ce jugement ainsi que celle des décisions du préfet du Rhône du 8 juin 2017.

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

8. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ".

9. Eu égard au motif qui fonde l'annulation des décisions en litige et dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'un changement dans la situation de droit ou de fait de la requérante y fasse obstacle, le présent arrêt implique nécessairement que le préfet du Rhône délivre à Mme E... la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" prévue au 6° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. En conséquence, il y a lieu d'enjoindre à l'autorité compétente de délivrer ce titre à Mme E..., dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

10. Mme E... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Pour l'application de ces dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros à Me Zoccali, avocate de la requérante, sous réserve de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 7 février 2018 est annulé.

Article 2 : Les décisions du préfet du Rhône du 8 juin 2017 sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer à Mme E... une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me B... Zoccali une somme de 1 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme E...est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., à Me B... Zoccali et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée :

- au préfet du Rhône.

- au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Yves Boucher, président de chambre,

M. Antoine Gille, président-assesseur,

Mme Bénédicte Lordonné, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 20 décembre 2018.

2

N° 18LY01533

dm


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY01533
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Bénédicte LORDONNE
Rapporteur public ?: Mme VACCARO-PLANCHET
Avocat(s) : ZOCCALI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-20;18ly01533 ?
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