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20/12/2018 | FRANCE | N°17LY01016

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 20 décembre 2018, 17LY01016


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 novembre 2015 par laquelle le maire de Grenoble a décidé que les services publics communaux, à l'exception de ceux assurant la sécurité des biens et des personnes, et le centre communal d'action sociale (CCAS) seraient fermés au public le 25 novembre 2015.

Par un jugement n° 1507132 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une re

quête, enregistrée le 8 mars 2017, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme E... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 novembre 2015 par laquelle le maire de Grenoble a décidé que les services publics communaux, à l'exception de ceux assurant la sécurité des biens et des personnes, et le centre communal d'action sociale (CCAS) seraient fermés au public le 25 novembre 2015.

Par un jugement n° 1507132 du 9 février 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 8 mars 2017, Mme C..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 février 2017 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler la décision du 10 novembre 2015 du maire de Grenoble ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Grenoble une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en sa qualité de conseillère municipale, elle a intérêt pour contester cette décision du maire ;

- elle a aussi intérêt pour agir en tant que propriétaire d'un appartement à Grenoble pour lequel elle acquitte des impôts et des taxes ;

- la décision du maire est unilatérale, autoritaire et arbitraire et n'a pas fait l'objet d'une délibération du conseil municipal ;

- le maire a pris une décision de caractère politique pour un motif étranger à l'intérêt de la commune ;

- elle est contraire à l'article 5 de la Constitution et à la décision n° 79-105 du 11 juillet 1979 du Conseil constitutionnel ;

- la décision est entachée de détournement de pouvoir ;

- elle constitue une ingérence dans l'exercice des services municipaux et du CCAS qui a désorganisé leur fonctionnement ;

- elle a généré, chez les agents, un trouble illicite dans l'accomplissement de leur mission et un trouble à l'ordre public au sein de la population ;

- la décision du maire porte une atteinte directe à l'impartialité et la neutralité de la fonction publique ;

- elle porte atteinte au principe d'accès libre et égal des citoyens au service public.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 février 2018, la commune de Grenoble, représentée par Me F..., conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de Mme C... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir :

- à titre principal, que la requête est irrecevable en ce que la décision en litige est une mesure d'ordre intérieur, qu'elle ne fait pas grief et que Mme C...ne disposait pas d'un intérêt pour agir pour la contester ;

- et, à titre subsidiaire, que les moyens présentés par Mme C...ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant la commune de Grenoble ;

Une note en délibéré a été enregistrée le 10 décembre 2018 pour la commune de Grenoble.

Considérant ce qui suit :

1. Le maire de la commune de Grenoble a, le 10 novembre 2015, publié sur le site intranet de la mairie, puis diffusé par voie de presse et d'affichage aux habitants de la commune, un communiqué sur l'organisation, le 25 novembre 2015, " d'une journée choc " au cours de laquelle tous les services publics seront fermés, hormis ceux qui assurent la sécurité des biens et des personnes pour faire notamment prendre conscience de la réalité de la situation financière de la Ville. Par sa requête susvisée, Mme C... relève appel du jugement du 9 février 2017 du tribunal administratif de Grenoble qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision du maire de Grenoble, révélée par le communiqué de presse du 10 novembre 2015.

2. Pour rejeter la demande de Mme C..., le tribunal administratif de Grenoble lui a dénié un intérêt pour agir contre la décision attaquée en sa seule qualité de conseillère municipale après avoir constaté que, par cette décision, le maire n'avait pas empiété sur la compétence du conseil municipal.

3. Contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, Mme C... avait, en sa qualité de conseillère municipale, intérêt à agir pour contester la décision du maire de fermer les services publics communaux et le centre communal d'action sociale, qui affecte directement la gestion des affaires de la commune. Par suite, il y a lieu d'annuler le jugement attaqué.

4. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu pour la cour de statuer sur la demande de Mme C... par la voie de l'évocation.

5. Mme C... a notamment soutenu, dans ses écritures de première instance, que la décision attaquée porte atteinte aux principes à valeur constitutionnelle d'impartialité et de neutralité de la fonction publique et qu'elle est entachée de détournement de pouvoir. Dès lors, la demande de Mme C... doit, contrairement à ce que soutient la commune de Grenoble, être regardée comme suffisamment motivée au regard des exigences de l'article R. 411-1 du code de justice administrative.

6. La décision attaquée du maire de Grenoble prévoit, d'une part la fermeture partielle des services publics pour la journée du 25 novembre 2015 et impose, d'autre part, aux agents de la commune d'assister à une réunion plénière. Eu égard à ses effets, une telle décision, qui ne peut être assimilée ni à une simple mesure d'information ou un " voeu " émis par le maire, ni à une mesure d'ordre intérieur, constitue un acte faisant grief que Mme C..., en sa qualité de conseillère municipale est, ainsi que cela a été rappelé ci-dessus, recevable à déférer à la juridiction administrative par la voie du recours en excès de pouvoir.

7. Il résulte des termes mêmes du communiqué du maire de Grenoble du 10 novembre 2015 que la décision de fermer au public les services municipaux le 25 novembre 2015, répond à un appel lancé par l'association des maires de France contre la baisse des dotations aux collectivités pour " interpeller et faire prendre conscience aux usagers de ses conséquences sur les services publics ".

8. En décidant de fermer au public l'accès aux services municipaux et au centre communal d'action sociale pour les motifs qui viennent d'être rappelés, le maire de Grenoble, même s'il entendait ainsi sensibiliser les usagers à la situation financière de la ville, a pris part à un mouvement national, de nature politique, contre la baisse des dotations de l'Etat décidée par le gouvernement. Un tel motif, étranger à l'intérêt de la commune ou au bon fonctionnement des services municipaux, est de nature à entacher cette décision d'illégalité.

9. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de sa demande, que Mme C... est fondée à demander l'annulation de la décision du maire de Grenoble du 10 novembre 2015.

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que Mme C..., qui n'a pas la qualité de partie perdante, verse à la commune de Grenoble une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de Grenoble la somme de 1 200 euros au titre des frais que Mme C... a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1507132 du 9 février 2017 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La décision du maire de Grenoble révélée par le communiqué du 10 novembre 2015 est annulée.

Article 3 : La commune de Grenoble versera la somme de 1 200 euros à Mme C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions présentées par la commune de Grenoble tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Grenoble et à Mme E... G...épouseD....

Copie pour information en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 4 décembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique le 20 décembre 2018.

2

N° 17LY01016


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01016
Date de la décision : 20/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : ALBERT

Origine de la décision
Date de l'import : 15/01/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-20;17ly01016 ?
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