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18/12/2018 | FRANCE | N°17LY01835

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 18 décembre 2018, 17LY01835


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, à hauteur de 45 355,90 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société l'Héritage au titre des exercices clos en 1996, 1997 et 1998, ainsi que de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamées en tant que caution.

Par un jugement n° 1500210 du 9 mars 2017, le tribunal adminis

tratif de Grenoble a rejeté sa demande et lui a infligé une amende de 7 500 euros sur l...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... E... a demandé au tribunal administratif de Grenoble de prononcer la décharge, à hauteur de 45 355,90 euros, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée mis à la charge de la société l'Héritage au titre des exercices clos en 1996, 1997 et 1998, ainsi que de l'amende infligée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts et des pénalités correspondantes, qui lui ont été réclamées en tant que caution.

Par un jugement n° 1500210 du 9 mars 2017, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et lui a infligé une amende de 7 500 euros sur le fondement de l'article R. 741-12 du code de justice administrative.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 27 avril et le 22 novembre 2017, Mme E..., représentée par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017 ;

2°) de prononcer la décharge de ces impositions, amendes et pénalités correspondantes ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme E... soutient que :

- le tribunal administratif aurait dû soulever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que n'étant pas le redevable légal de l'imposition contestée, l'administration ne pouvait émettre de titre exécutoire à son encontre ;

- faute d'avoir pris en compte les observations présentées dans sa note en délibéré, le tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ;

- les premiers juges ont pris en compte des précédents contentieux engagés par un contribuable distinct alors que, s'agissant de son premier recours déposé contre le titre contesté, sa demande n'avait pas de caractère dilatoire ou abusive, en l'absence de toute autorité de la chose jugée qui lui serait opposable compte tenu de l'absence d'identité de parties et d'objet ;

- elle a été contrainte à saisir la juridiction administrative suite à l'émission d'un titre exécutoire en vue de faire échec au contentieux qu'elle a engagé en matière de recouvrement ;

- en tout état de cause, le montant de l'amende pour recours abusif ne pouvait excéder 3 000 euros, son plafond n'ayant été porté à 10 000 euros qu'à compter de l'entrée en vigueur du décret du 2 novembre 2016, soit postérieurement à l'introduction de sa requête.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Le ministre de l'action et des comptes publics soutient que :

- si l'administration n'est pas tenue d'émettre un avis de mise en recouvrement à l'encontre d'une personne qui s'est portée caution, elle n'en conserve pas moins la faculté ;

- le contentieux d'assiette est ouvert à la caution dans les mêmes conditions qu'au débiteur solidaire ;

- l'autorité de la chose jugée est opposable à Mme E... ;

- l'avis de mise en recouvrement a été émis dès que Mme E... s'est portée caution et avant l'opposition à poursuite qu'elle a formée.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A..., première conseillère,

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public,

- et les observations de Me B..., représentant Mme E... ;

Une note en délibéré présentée pour Mme E..., représentée par Me D..., a été enregistrée le 30 novembre 2018.

Considérant ce qui suit :

1. La société l'Héritage, qui avait pour objet la restauration et la vente de meubles anciens, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période du 1er janvier 1996 au 31 décembre 1998 à l'issue de laquelle, après avoir rejeté sa comptabilité comme n'étant ni sincère ni probante, l'administration l'a assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et de contribution additionnelle à cet impôt, à des droits supplémentaires de taxe sur la valeur ajoutée, et à l'amende prévue à l'article 1788 septies du code général des impôts. Ces impositions ont été contestées en vain par la société l'Héritage devant les juridictions administratives, à l'occasion de sept instances en première instance et en appel, jugées entre 2009 et 2013. Dans le cadre d'un plan de règlement des sommes restant dues au titre de la taxe sur la valeur ajoutée et de l'amende déjà mentionnée, visées par un avis de mise en recouvrement émis au nom de la société l'Héritage le 25 février 2002, la gérante de la société, Mme E..., s'est portée caution personnelle de la société l'Héritage à hauteur de 45 355,90 euros correspondant au solde non encore réglé par la société, par un acte de cautionnement en date du 15 octobre 2013. Un avis de mise en recouvrement lui a alors été adressé le 16 octobre 2013, pour le montant en cause. Mme E... n'ayant pas payé dans le délai imparti, elle a été mise en demeure de le faire le 10 juillet 2014. Elle a alors déposé une réclamation préalable dans laquelle elle contestait le bien-fondé des impositions en cause par des moyens déjà soulevés par la société dans les instances précédentes. Après rejet de sa réclamation, elle a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant à la décharge des impositions et amendes en cause ainsi que des pénalités correspondantes à hauteur de 45 355,90 euros. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande et lui a infligé une amende pour recours abusif d'un montant de 7 500 euros. Elle relève appel de ce jugement.

Sur les conclusions aux fins de décharge des impositions litigieuses :

2. En appel, Mme E... se borne à soutenir que n'étant pas la redevable légale de l'imposition, l'administration ne pouvait émettre un avis de mise en recouvrement à son encontre. Un tel moyen, qui met en cause la qualité de débiteur de l'impôt d'un tiers tenu au paiement d'une imposition établie au nom d'un autre, relève du contentieux du recouvrement et ne peut être utilement invoqué dans le cadre du présent litige, qui porte sur l'assiette des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et le bien-fondé des pénalités mis à la charge de la société l'Héritage, réclamés à Mme E... en sa qualité de caution. Par suite, un tel moyen ne peut être qu'écarté et le tribunal administratif n'avait pas à le soulever d'office ni à rouvrir l'instruction pour tenir compte des observations à ce sujet contenues dans la note en délibéré produite par Mme E... à l'issue de l'audience, lesquelles, d'ailleurs, auraient pu être présentées avant la clôture de l'instruction.

3. Il résulte de ce qui précède que Mme E... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, qui n'est pas entaché d'irrégularité, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les conclusions dirigées contre le jugement en tant qu'il a prononcé une amende pour recours abusif :

4. Aux termes de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, dans sa version applicable au jour de l'introduction de la demande de Mme E... devant le tribunal administratif : " Le juge peut infliger à l'auteur d'une requête qu'il estime abusive une amende dont le montant ne peut excéder 3 000 euros. ".

5. Si, ainsi qu'il a été dit au point 1., les impositions litigieuses avaient déjà été contestées par la société l'Héritage, dont Mme E... était la gérante, Mme E..., qui avait fait l'objet pour la première fois d'un avis de mise en recouvrement, était recevable à le contester dans les délais. La demande ainsi introduite par Mme E... pour la première fois, en son nom propre, devant le tribunal administratif, portant sur des impositions dont le montant était significatif, n'avait ainsi pas de caractère abusif, quand bien-même elle ne soulevait que des moyens d'assiette auxquels le tribunal administratif aurait pu opposer l'exception de chose jugée.

6. Il suit de là que Mme E... est fondée à demander l'annulation de l'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017 lui infligeant une amende pour recours abusif, au demeurant d'un montant supérieur au montant maximum applicable à la date d'introduction de sa requête.

7. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre quelque somme que ce soit à la charge de l'Etat au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 9 mars 2017 est annulé.

Article 2 : Le surplus des conclusions de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... E... et au ministre de l'action et des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 27 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Menasseyre, présidente-assesseure,

Mme A..., première conseillère.

Lu en audience publique le 18 décembre 2018.

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N° 17LY01835

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY01835
Date de la décision : 18/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Fiscal

Analyses

Contributions et taxes - Taxes sur le chiffre d'affaires et assimilées - Taxe sur la valeur ajoutée - Redevable de la taxe.

Procédure - Jugements - Amende pour recours abusif.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : ARBOR TOURNOUD PIGNIER WOLF

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-18;17ly01835 ?
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