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11/12/2018 | FRANCE | N°18LY02232

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 18LY02232


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 22 janvier 2018, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination.

Par un jugement n° 1801083 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018, Mme C..., représe

ntée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de G...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du préfet de la Haute-Savoie, du 22 janvier 2018, lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays de destination.

Par un jugement n° 1801083 du 17 mai 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 juin 2018, Mme C..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 17 mai 2018 ;

2°) d'annuler les décisions du 22 janvier 2018 ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de la décision à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sans délai ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

S'agissant de la décision portant refus de délivrance de titre de séjour :

- elle méconnaît les stipulations du 7° de l'article 6 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- l'avis du collège de médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ne lui a pas été communiqué ;

- la décision est contraire aux dispositions de l'article L. 312-2 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations du 5° de l'article 6 l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

S'agissant de la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par une ordonnance du 25 octobre 2018, l'affaire a été dispensée d'instruction.

Mme C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 4 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Chevalier-Aubert, président assesseur ;

Considérant ce qui suit :

1. Mme C..., ressortissante algérienne née le 21 décembre 1972, est entrée en France le 1er juin 2013 sous couvert d'un visa court séjour valable jusqu'au 5 août 2013. Elle a bénéficié d'autorisations provisoires de séjour régulièrement renouvelées jusqu'au 16 avril 2017. Le 17 février 2017, elle a sollicité le renouvellement de son titre de séjour en raison de son état de santé. Par arrêté du 22 janvier 2018, le préfet de la Haute-Savoie lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français et a désigné le pays de renvoi. Mme C... fait appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions.

Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7. au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Selon l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins. Le respect du secret médical s'oppose toutefois à la communication à l'autorité administrative, à fin d'identification de ce médecin, de son rapport, dont les dispositions précitées de l'article R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ne prévoient la transmission qu'au seul collège des médecins de l'OFII et, par suite, à ce que le juge administratif sollicite la communication par le préfet ou par le demandeur d'un tel document.

6. En l'espèce, s'il ne ressort pas des pièces du dossier que l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a été transmis à Mme C..., cette absence de transmission n'entache pas d'illégalité l'arrêté contesté dès lors que la seule communication de cette pièce est sans lien avec la régularité formelle de l'acte. En tout état de cause, alors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la requérante aurait sollicité du préfet la transmission de cet avis médical, aucune disposition législative ou réglementaire n'impose au préfet qu'il communique spontanément ce document. Par suite, Mme C..., qui n'a été privée d'aucune garantie, ne peut utilement soutenir que la décision contestée est irrégulière en l'absence de transmission de l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration.

7. En deuxième lieu, pour refuser le titre de séjour sollicité par Mme C..., le préfet s'est fondé sur l'avis émis le 9 octobre 2017 par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, selon lequel l'état de santé de cette dernière nécessite une prise en charge médicale, dont le défaut aurait pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité mais qu'un traitement approprié existe dans son pays d'origine, vers lequel elle peut voyager sans risque.

8. D'une part, il ne ressort pas des pièces du dossier et des termes de la décision attaquée que le préfet se soit estimé lié par cet avis.

9. D'autre part, il ne ressort pas non plus des pièces du dossier, et notamment des certificats médicaux produits par la requérante, selon lesquels elle a fait l'objet d'une prise en charge oncologique suite à un cancer du sein détecté en 2017 et ayant conduit à une intervention chirurgicale, qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Algérie. Si la requérante produit des certificats médicaux postérieurs à la date de la décision en litige, en date des 5 février, 16 février et 21 février 2018, indiquant que des actes chirurgicaux sont prévus prochainement et que l'intéressée est prise en charge et bénéficie d'une surveillance médicale renforcée suite à " une mutation génétique BRCA2 " de son cancer du sein avec " un risque de récidive majoré ", ces documents, ne permettent pas d'établir qu'elle ne pourrait pas bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Algérie, et notamment d'une surveillance médicale et d'une prise en charge chirurgicale. Le préfet verse également au dossier le " manuel de prise en charge du cancer du sein " du 16 février 2016 du ministère de la santé de la République algérienne faisant notamment état de l'organisation et de la prise en charge du cancer du sein, d'un avis du médecin conseiller santé auprès du directeur général des étrangers en France relatif à la situation de la requérante mentionnant sa rémission complète et le caractère non curatif des actes chirurgicaux envisagés ainsi que la fiche MedCoi réalisée en 2017 relative aux prises en charge du cancer du sein en Algérie, notamment en termes de surveillance médicale. Par suite, en refusant un titre de séjour à Mme C... le préfet n'a pas méconnu les stipulations du 6° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.

10. En troisième lieu, l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " et aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6° de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité. Ainsi qu'il vient d'être dit, Mme C... ne remplissait pas les conditions posées par les stipulations de l'article 6° de l'accord franco-algérien. Par suite, le préfet de la Haute-Savoie n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un titre de séjour sur ce fondement.

12. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5° au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précitées ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".

13. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., célibataire et sans charge de famille, est entrée en France, sous couvert d'un visa de court séjour, le 1er juin 2013, moins de cinq ans avant la décision litigieuse. Elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de quarante ans. Par ailleurs, elle n'apporte pas d'éléments suffisants permettant de démontrer une intégration particulière dans la société française de nature à lui conférer un droit au séjour. Ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, le refus de titre de séjour contesté ne porte pas au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts poursuivis. Dès lors, la décision attaquée ne méconnaît ni les stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

14. Aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".

15. Ainsi qu'il a dit au point 9 ci-dessus, Mme C... pourra bénéficier d'un traitement adapté à son état de santé en Algérie. Par suite, le préfet n'a pas méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

16. Il résulte de ce qui précède que Mme C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry, premier-conseiller,

Mme E... D..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

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N° 18LY02232


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02232
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BLANC

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-11;18ly02232 ?
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