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11/12/2018 | FRANCE | N°16LY03822

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 11 décembre 2018, 16LY03822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la communauté urbaine de Lyon à lui verser une indemnité globale de 127 802 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de divers agissements et décisions de ses collègues et de son employeur ; d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon de mettre fin à son affectation actuelle au profit d'un poste au moins équivalent à celui d'assistante de gestion financière qu'elle occupait antérieurement, mais dans un

autre service, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugem...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A... E...a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la communauté urbaine de Lyon à lui verser une indemnité globale de 127 802 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison de divers agissements et décisions de ses collègues et de son employeur ; d'enjoindre à la communauté urbaine de Lyon de mettre fin à son affectation actuelle au profit d'un poste au moins équivalent à celui d'assistante de gestion financière qu'elle occupait antérieurement, mais dans un autre service, sous astreinte de 500 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1303398 du 21 septembre 2016, le tribunal administratif de Lyon a condamné la Métropole de Lyon à verser à Mme E... une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice, a mis à sa charge une somme de 1 100 euros au titre des frais liés à l'instance, et rejeté le surplus des conclusions.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2016 et un mémoire, non communiqué, enregistré le 27 septembre 2018, Mme E..., représentée par Me B..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 21 septembre 2016 en tant qu'il a limité le montant de l'indemnité due à 5 000 euros ;

2°) de condamner la Métropole de Lyon à lui verser une indemnisation de 127 802 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subi ;

3°) de mettre à la charge de la Métropole de Lyon les dépens et la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

* elle a été victime d'agissements de ses collègues et de sa hiérarchie constitutifs de harcèlement moral ;

* c'est à tort que le tribunal a refusé de considérer qu'il appartenait à l'administration de lui accorder le bénéfice de la protection fonctionnelle en application de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 en raison du harcèlement moral dont elle a été victime ;

* c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a refusé de considérer que son placement illégal en congé longue maladie et congé longue durée était le résultat d'une intention de lui nuire en lien avec le harcèlement moral dont elle a été victime ;

* une indemnité de 30 000 euros doit lui être allouée en réparation du préjudice subi du fait du harcèlement moral dont elle a été victime ;

* son placement illégal en congé longue maladie et congé longue durée doit être réparé par une indemnité de 50 000 euros ;

* elle a été privée pendant sa période d'affectation du 13 juillet au 30 novembre 2011 à la direction de l'eau du remboursement des frais de transport en commun soit une somme de 630 euros ;

* elle a perdu des points pour son régime de retraite complémentaire et doit être indemnisée à hauteur de 17 172 euros ;

* elle a été privée d'une chance sérieuse d'accéder au grade de rédacteur en raison de ce qu'elle n'a pas été destinataire d'un mail d'information sur l'ouverture du concours et examen d'accès à ce grade pendant sa période de congé d'office ce qui lui ouvre droit à une réparation de 30 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 avril 2017, la Métropole de Lyon, représentée par Me C..., conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens présentés par la requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

* la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale ;

* le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience :

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

* le rapport de M. Pierre Thierry, premier conseiller,

* les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

* et les observations de Me D... substituant Me B... pour Mme E..., et celles de Me C... pour la Métropole de Lyon ;

Considérant ce qui suit :

1. Entrée en 1998 au service de la Communauté urbaine de Lyon, (devenue depuis lors la Métropole de Lyon), Mme E... a été nommée agent administratif titulaire en septembre 2002 et a obtenu le grade d'adjoint administratif 2ème classe en 2014. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon en date du 21 septembre 2016 en tant qu'il a limité la condamnation de la Métropole de Lyon à lui verser une indemnité de 5 000 euros en réparation de son préjudice et a rejeté le surplus des conclusions.

Sur la demande de réparation liée au harcèlement moral allégué :

2. Aux termes de l'article 6 quinquiès de la loi du 13 juillet 1983 : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral, de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. Le juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, détermine sa conviction au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est saisi sont constitutifs d'un harcèlement moral, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Dès lors qu'elle n'excède pas ces limites, une simple diminution des attributions justifiée par l'intérêt du service, en raison d'une manière de servir inadéquate ou de difficultés relationnelles, n'est pas constitutive de harcèlement moral.

3. Si Mme E... expose en premier lieu qu'elle a fait l'objet de railleries, de remarques sur sa vie privée et de propos désobligeants de la part de certains de ses collègues, elle ne produit aucun élément, sinon ses propres déclarations, permettant d'en apprécier l'ampleur, la réalité et le contexte. A les supposer établis, les propos ou attitudes rapportés par Mme E... pour déplacés et déplaisants qu'ils puissent être n'en apparaissent pas moins très ponctuels et ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral.

4. Mme E... indique en deuxième lieu qu'un trousseau de clés lui a été volé, qu'elle a reçu des appels téléphoniques anonymes, que le prénom " Olga ", qui est également le sien, a été inscrit sur les murs d'un bâtiment de la Métropole de Lyon, et que des sous vêtements féminins ont été glissés dans la boite aux lettres de son domicile. Aucun élément du dossier ne permet toutefois de relier ces faits, qui relèvent de la délinquance, de façon suffisante au service et aux conditions de travail de Mme E... pour établir une présomption de harcèlement moral au sens des dispositions précitées.

5. En troisième lieu, par un jugement du 6 juin 2012 insusceptible d'appel, le tribunal administratif de Lyon a jugé qu'en plaçant Mme E... d'office en congé de longue maladie du 14 décembre 2009 au 13 décembre 2010, en refusant, par décision du 20 décembre 2010, de mettre fin audit congé, en transformant ce congé de longue maladie en congé de longue durée et en le prolongeant jusqu'au 12 juillet 2011, le président du conseil de la communauté urbaine de Lyon avait fait une inexacte application des dispositions des 3° et 4° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 et a annulé ces décisions. Il ressort toutefois des pièces du dossier que ces décisions ont été prises sur la foi d'un avis du comité médical lui même rendu à la suite de rapports médicaux sur la santé de Mme E.... Aucune de ces pièces ne permet de constater que ces décisions avaient pour vocation de dégrader les conditions de travail de Mme E..., de porter atteinte à sa dignité ou compromettre son avenir professionnel. Dans ces conditions, en dépit de l'erreur commise par la Métropole de Lyon, le placement d'office en congés de Mme E... n'est pas de nature à caractériser une situation de harcèlement moral ou une participation à une telle situation.

6. En quatrième lieu, si Mme E... fait valoir que les fonctions qui lui ont été confiées dans les différents postes qu'elle a occupé depuis son retour de congés se limitent à des taches sans intérêts et sans accès aux logiciels professionnels, ces fonctions correspondent à celles qui peuvent lui être attribuées dans le cadre de son statut et ne la placent pas dans une situation d'inactivité. Il ressort par ailleurs des pièces produites par Mme E... que, globalement, sa façon de servir est évaluée de façon positive par ses supérieurs hiérarchiques. Il ne ressort ainsi pas des pièces du dossier que les différentes affectations de Mme E... aient eu pour objet de dégrader ses conditions de travail et ne caractérisent pas une situation de harcèlement moral.

7. En cinquième lieu, il ressort des pièces produites par Mme E... en première instance comme en appel, que cette dernière a pu bénéficier de diverses formations professionnelles au cours des années 2011 à 2014 ce qui contredit son affirmation selon laquelle toutes les formations qu'elle a sollicitées lui ont été refusées. Il n'est enfin établi par aucun élément que la direction des ressources humaines de la Métropole de Lyon s'emploie, selon ses allégations, à diffuser des informations sur de prétendues difficultés psychiatriques dont elle serait l'objet.

8. Il résulte ainsi de ce qui précède que c'est sans erreur que le tribunal administratif de Lyon a considéré qu'elle n'était pas fondée à soutenir qu'elle avait subi des agissements répétés de harcèlement moral. Elle n'est, par voie de conséquence, pas non plus fondée à solliciter une indemnisation à ce titre ni au titre du bénéfice de la protection prévue par les dispositions de l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 ni au titre d'un préjudice moral.

Sur la demande de réparation liée au placement illégal de Mme E... en congé longue maladie et congé longue durée :

En ce qui concerne le préjudice moral :

9. Ainsi qu'il a été mentionné au point 5, il a été définitivement jugé que le placement d'office en congé de Mme E... était illégal. Cette illégalité fautive est susceptible d'engager, comme telle, la responsabilité de la Métropole de Lyon. Mme E... soutient qu'elle a subi un préjudice moral en raison de cette illégalité qui doit être réparé par une indemnisation de 50 000 euros. Toutefois c'est sans erreur d'appréciation que le tribunal administratif de Lyon a limité cette indemnisation, compte tenu de la durée de l'arrêt et de la nature du préjudice, à 5 000 euros.

En ce qui concerne la demande de remboursement des frais de transport et de restauration pour la période du 13 juillet au 30 novembre 2011 :

10. Mme E... expose que pour cette période où elle a été affectée à la direction de l'eau, elle aurait dû bénéficier de remboursements de frais de transport et de tickets restaurant pour une somme globale de 630 euros.

11. S'agissant des frais de transport, la Métropole de Lyon indique sans être contredite, que Mme E... n'a pas formé de demande de remboursement. Par ailleurs Mme E... ne produit aucun justificatif de la réalité des dépenses engagées à ce titre. Dans ces conditions la demande de Mme E... ne peut qu'être rejetée.

12. S'agissant en revanche des tickets restaurant, la Métropole de Lyon ne conteste pas que Mme E... pouvait en bénéficier et a d'ailleurs exposé dans ses écritures en première instance que son changement d'affectation à son retour de congé a pu être à l'origine d'un retard dans l'actualisation du logiciel ressources humaines de la communauté urbaine et qu'elle n'a effectivement pas pu bénéficier de tickets restaurant entre juillet et novembre 2011. Par suite Mme E... est fondée à demander à ce que la Métropole de Lyon lui verse la somme de 378 euros correspondante au montant non contesté de ces tickets restaurant.

En ce qui concerne le manque à gagner allégué au titre de sa retraite complémentaire et la réparation au titre de la perte de chance invoquée d'accéder au grade de rédacteur :

13. Mme E... soutient qu'en raison de son placement d'office en congé illégal elle a été privée d'une chance sérieuse d'accéder, par la voie d'un examen professionnel, au grade de rédacteur dès lors qu'elle n'a pas été destinataire d'un message électronique sur les modalités d'inscription aux épreuves de cet examen. Elle soutient par ailleurs qu'elle doit être indemnisée en raison du manque à gagner dans la perception de sa future retraite complémentaire. Ces moyens et conclusions doivent être écartés et rejetés par les motifs retenus par le tribunal administratif de Lyon aux points 12 et 13 de son jugement et qu'il y a lieu, pour la cour, d'adopter.

14. Il résulte de tout ce qui précède que Mme E... est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions portant sur les frais de restauration.

Sur les conclusions relatives à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

16. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la Métropole de Lyon la somme demandée par Mme E... au titre des frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

DECIDE :

Article 1er : La Métropole de Lyon versera la somme de 378 euros à Mme E....

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme E... est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...E..., et à la Métropole de Lyon.

Délibéré après l'audience du 20 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur, assurant la présidence de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

M. Pierre Thierry premier conseiller,

Mme G... F..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 11 décembre 2018.

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No 16LY03822


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 16LY03822
Date de la décision : 11/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-07 Fonctionnaires et agents publics. Statuts, droits, obligations et garanties.


Composition du Tribunal
Président : Mme CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur ?: M. Pierre THIERRY
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SELAFA CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-11;16ly03822 ?
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