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10/12/2018 | FRANCE | N°18LY03559

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 10 décembre 2018, 18LY03559


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet de la Drôme a décidé sa remise aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1805864 du 19 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés du préfet de la Drôme du 28 août 2018 et enjoint audit préfet de réexaminer la sit

uation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 28 août 2018 par lequel le préfet de la Drôme a décidé sa remise aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'arrêté du même jour l'assignant à résidence.

Par un jugement n° 1805864 du 19 septembre 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les arrêtés du préfet de la Drôme du 28 août 2018 et enjoint audit préfet de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 21 septembre 2018, le préfet de la Drôme demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1805864 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 19 septembre 2018 ;

2°) de rejeter la demande de Mme B... devant le tribunal administratif.

Il soutient que :

- contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la décision de transfert en litige est suffisamment motivée ;

- les autres moyens soulevés par Mme B... dans sa demande ne sont pas fondés.

Par un mémoire, enregistré le 6 novembre 2018, présenté pour Mme B..., elle conclut :

1°) à son admission au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

2°) au rejet de la requête ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Drôme ou de l'Isère, à titre principal, de lui délivrer un dossier de demandeur d'asile à déposer à l'OFPRA ou, à titre subsidiaire, de lui remettre une autorisation provisoire de séjour ;

4°) à la mise à la charge de l'État du paiement à son conseil, sous réserve qu'il renonce à l'aide juridictionnelle, d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que les moyens soulevés par le préfet de la Drôme ne sont pas fondés.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 novembre 2018 du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel).

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

Considérant ce qui suit :

Sur la légalité de la décision de transfert :

1. Mme B..., ressortissante nigériane née le 12 décembre 1995 à Bénin City (Nigéria), qui déclare être entrée irrégulièrement en France le 5 mars 2018, s'est présentée à la préfecture de l'Isère pour y déposer une demande d'asile le 16 mars 2018. Le système Eurodac a révélé qu'elle avait déposé une précédente demande en Autriche le 28 novembre 2015. Les autorités autrichiennes, saisies d'une demande de reprise en charge le 15 mai 2018, ont donné leur accord le 25 mai 2018. Le 28 août 2018, le préfet de la Drôme a ordonné son transfert vers l'Autriche. Par une décision du même jour, il l'a assignée à résidence. Le préfet de la Drôme interjette appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

2. Aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve du second alinéa de l'article L. 742-1, l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. / Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) ".

3. La décision de transfert d'un demandeur d'asile en vue de sa reprise en charge par un autre Etat membre doit être suffisamment motivée afin de le mettre à même de critiquer l'application du critère de détermination de l'Etat responsable de sa demande et, ainsi, d'exercer le droit à un recours effectif garanti par les dispositions de l'article 27 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, elle doit comporter, d'une part, tous les éléments de preuve et indices qui permettent de déterminer la responsabilité de l'État membre requis pour l'examen de la demande de protection internationale et, d'autre part, l'article du règlement sur la base duquel la requête aux fins de reprise en charge a été présentée audit Etat membre, parmi ceux visés à l'annexe III du règlement d'exécution (UE) n° 118/2014.

4. L'arrêté de transfert du 28 août 2018 en litige, qui vise notamment l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et le règlement du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, se borne, après avoir précisé les circonstances de l'entrée et du séjour irréguliers de Mme B... sur le territoire français, à mentionner que les empreintes digitales de l'intéressée étaient identiques à celles relevées le 28 novembre 2015 par les autorités autrichiennes et que ces autorités, saisies le 15 mai 2018 d'une demande de reprise en charge en application de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement n° 604/2013, ont accepté leur responsabilité par un accord explicite du 25 mai 2018, en application des articles 22.7 et 25.2 du même règlement. Ces énonciations, qui ne font pas état des éléments et indices permettant de déterminer la responsabilité des autorités autrichiennes, requises aux fins de reprise en charge de l'intéressée, ne l'ont pas mise à même de comprendre les motifs de la décision pour lui permettre d'exercer utilement son recours. Dès lors, la décision litigieuse est insuffisamment motivée au regard des exigences des dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Drôme n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

6. Il résulte de l'instruction que, pour l'exécution du jugement attaqué, qui a enjoint au préfet de la Drôme de réexaminer la situation de Mme B... dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement, le préfet a pris un nouvel arrêté, en date du 21 septembre 2018, de remise de l'intéressée aux autorités autrichiennes pour l'examen de sa demande d'asile. Dès lors, les conclusions aux fins d'injonction présentées par l'intéressée à titre incident sont sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Mme B...ayant été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle, elle peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Duvergier, avocat de Mme B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 800 euros au profit de Me Duvergier au titre des frais exposés dans la présente instance.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Drôme est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera la somme de 800 euros à Me Duvergier, avocat de Mme B..., au titre des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de Mme B...à fin d'injonction.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A...B....

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.

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N° 18LY03559


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03559
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DUVERGIER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-10;18ly03559 ?
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