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10/12/2018 | FRANCE | N°18LY02702

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 10 décembre 2018, 18LY02702


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 21 juin 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1804232 du 9 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 19 juillet 2018 sous le

n° 18LY02702, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au président du tribunal administratif de Grenoble d'annuler les arrêtés du 21 juin 2018 par lesquels le préfet de la Haute-Savoie a décidé son transfert en Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1804232 du 9 juillet 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

Procédure devant la cour

I/ Par une requête enregistrée le 19 juillet 2018 sous le n° 18LY02702, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. A... devant le président du tribunal administratif.

Il soutient que l'intéressé n'établit pas qu'il ferait l'objet de traitements inhumains ou dégradants en Italie ; dès lors, il n'est pas fondé à soutenir que les articles 3 et 17 du règlement (UE) n° 604/2013 ont été méconnus.

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2018, M. A... représenté par Me Djinderedjian, avocat, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à l'annulation pour excès de pouvoir des décisions susmentionnées ;

3°) à ce qu'il soit enjoint au préfet de la Haute-Savoie de procéder à l'enregistrement de sa demande d'asile et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans le délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert a été pris en méconnaissance de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 et des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet ne démontre pas la réception par les autorités italiennes de la demande de reprise en charge du 8 janvier 2018 ;

- le préfet a commis une erreur de droit en se fondant sur les dispositions du b) de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- le préfet aurait dû faire usage de la clause dérogatoire prévue par l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et a méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

II/ Par une requête enregistrée le 19 juillet 2018 sous le n° 18LY02705, le préfet de la Haute-Savoie demande à la cour d'ordonner le sursis à exécution de ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2018.

Il soutient qu'il existe des moyens sérieux d'annulation du jugement attaqué et de rejet de la demande de première instance.

Par un mémoire enregistré le 14 novembre 2018, M. A... représenté par Me Djinderedjian, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient la demande du préfet qui ne peut avoir pour effet de suspendre le délai de six mois de l'article 29 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut qu'être rejetée.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- l'arrêté du 20 octobre 2015 désignant les préfets compétents pour enregistrer les demandes d'asile et déterminer l'État responsable de leur traitement;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes du préfet de la Haute-Savoie sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.

2. M. A..., né le 23 septembre 1999, de nationalité ivoirienne, a déclaré être entré irrégulièrement en France le 27 octobre 2017. Il a présenté une demande d'asile auprès des services de la préfecture de l'Isère le 12 février 2018. Par arrêtés du 21 juin 2018, le préfet de la Haute-Savoie a prononcé son transfert vers l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. Ce préfet relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé ces décisions.

3. En premier lieu, aux termes de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 susvisé : " (...) / 2. (...) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable. / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable. ".

4. M. A... fait valoir qu'en Italie, les autorités se sont limitées à prendre ses empreintes sans l'informer qu'il s'agissait d'une demande d'asile et qu'il n'a pu bénéficier d'une prise en charge médicale adaptée pour sa blessure au genou. Toutefois, les documents à caractère général qu'il produit ne permettent ni d'établir ces faits, ni qu'il aurait subi des traitements inhumains et dégradants lors de son passage en Italie. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'ainsi qu'il le fait valoir, il existerait un risque sérieux que sa demande d'asile ne soit pas traitée par les autorités italiennes dans des conditions conformes à l'ensemble des garanties exigées par le respect du droit d'asile alors que l'Italie est un Etat membre de l'Union européenne et partie tant à la convention de Genève du 28 juillet 1951 sur le statut des réfugiés, complétée par le protocole de New York, qu'à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 17 du même règlement (UE) : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement (...) 2. L'Etat membre dans lequel une demande de protection internationale est présentée et qui procède à la détermination de l'Etat membre responsable, ou l'Etat membre responsable, peut à tout moment, avant qu'une première décision soit prise sur le fond, demander à un autre Etat membre de prendre un demandeur en charge pour rapprocher tout parent pour des raisons humanitaires fondées, notamment, sur des motifs familiaux ou culturels, même si cet autre Etat membre n'est pas responsable au titre des critères définis aux articles 8 à 11 et 16. Les personnes concernées doivent exprimer leur consentement par écrit ".

6. Si l'impossibilité de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs a des conséquences sur les mécanismes de détermination de l'Etat responsable prévus par les dispositions précitées de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013, une telle impossibilité est sans influence sur l'appréciation à laquelle se livre l'autorité compétente en application de l'article 17 du même règlement.

7. M. A... se borne à faire valoir qu'en raison de l'afflux de réfugiés en Italie, il ne pourrait bénéficier de conditions d'accueil conformes à la convention de Genève et que sa demande d'asile ne serait pas traitée correctement. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie a commis d'erreur manifeste d'appréciation en ne faisant pas usage de la clause discrétionnaire prévue à l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 qui permet à un Etat d'examiner la demande d'asile d'un demandeur même si cet examen ne lui incombe pas en application des critères fixés dans ce règlement.

8. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble s'est fondé sur les motifs susmentionnés pour annuler les arrêtés du 21 juin 2018 décidant de la remise de M. A... aux autorités italiennes et l'assignant à résidence.

9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens invoqués par M. A....

Sur la légalité de l'arrêté de transfert :

10. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme Florence Gouache, secrétaire générale de la préfecture de Haute-Savoie, disposant à cet effet d'une délégation de signature du 30 avril 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le 9 mai 2018 pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception d'actes limitativement énumérés parmi lesquels ne figurent pas la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " 1. Dès qu'une demande de protection internationale est introduite au sens de l'article 20, paragraphe 2, dans un État membre, ses autorités compétentes informent le demandeur de l'application du présent règlement (...). 2. Les informations visées au paragraphe 1 sont données par écrit, dans une langue que le demandeur comprend ou dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend. Les États membres utilisent la brochure commune rédigée à cet effet en vertu du paragraphe 3. / Si c'est nécessaire à la bonne compréhension du demandeur, les informations lui sont également communiquées oralement, par exemple lors de l'entretien individuel visé à l'article 5. (...) ".

12. Il résulte de ces dispositions que le demandeur d'asile auquel l'administration entend faire application du règlement (UE) du 26 juin 2013 doit se voir remettre une information complète sur ses droits, par écrit et dans une langue qu'il comprend, dès le moment où le préfet est informé de ce qu'il est susceptible d'entrer dans le champ d'application de ce règlement. Cette information doit comprendre l'ensemble des éléments prévus au paragraphe 1 de l'article 4 du règlement. Eu égard à la nature desdites informations, la remise par l'autorité administrative de la brochure prévue par les dispositions précitées constitue pour le demandeur d'asile une garantie.

13. Il ressort des pièces du dossier que M. A... s'est vu remettre, le 12 février 2018, date de dépôt de sa demande d'asile, les brochures d'information A et B en langue française qu'il a déclaré comprendre, qui constituent la brochure commune prévue par les dispositions de l'article 4 de ce même règlement, et figurant en annexe au règlement d'exécution (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014. Ainsi, en dépit d'une écriture des brochures en petits caractères, M. A... a reçu toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations avant que ne soit prise la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 doit être écarté.

14. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 111-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger fait l'objet d'une mesure de non-admission en France, de maintien en zone d'attente, de placement en rétention, de retenue pour vérification du droit de circulation ou de séjour ou de transfert vers l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et qu'il ne parle pas le français, il indique au début de la procédure une langue qu'il comprend. Il indique également s'il sait lire. Ces informations sont mentionnées sur la décision de non-admission, de maintien, de placement ou de transfert ou dans le procès-verbal prévu à l'article L. 611-1-1. Ces mentions font foi sauf preuve contraire. La langue que l'étranger a déclaré comprendre est utilisée jusqu'à la fin de la procédure. Si l'étranger refuse d'indiquer une langue qu'il comprend, la langue utilisée est le français. ".

15. Aux termes de l'article L. 111-8 du même code : " En cas de nécessité, l'assistance de l'interprète peut se faire par l'intermédiaire de moyens de télécommunication. Dans une telle hypothèse, il ne peut être fait appel qu'à un interprète inscrit sur l'une des listes mentionnées à l'article L. 111-9 ou à un organisme d'interprétariat et de traduction agréé par l'administration. Le nom et les coordonnées de l'interprète ainsi que le jour et la langue utilisée sont indiqués par écrit à l'étranger ".

16. Si M. A... fait valoir qu'il ne sait pas lire, il ressort des pièces du dossier et notamment du résumé de l'entretien individuel qui s'est tenu le 12 février 2018, qu'il a bénéficié d'explications orales concernant le contenu des brochures d'information A et B qui lui ont été remises le même jour. Il ne ressort pas des pièces du dossier que des difficultés de compréhension de sa part se seraient produites lors de cet entretien. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions des articles L. 111-7 et L. 111-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de l'article 18 du règlement n° 604/2013 : " 1. L'État membre responsable en vertu du présent règlement est tenu de: (...) b) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le demandeur dont la demande est en cours d'examen et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre ; (...) /d) reprendre en charge, dans les conditions prévues aux articles 23, 24, 25 et 29, le ressortissant de pays tiers ou l'apatride dont la demande a été rejetée et qui a présenté une demande auprès d'un autre État membre ou qui se trouve, sans titre de séjour, sur le territoire d'un autre État membre (...) ".

18. Le préfet a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge de M. A... sur le fondement du b) du 1 de l'article 18 du règlement (UE) n° 604/2013 et ces autorités ont implicitement donné leur accord. L'intéressé allègue, sans l'établir, que, sa demande d'asile ayant été rejetée en Italie, sa situation relevait, en réalité, du d) du même texte. Toutefois, dans ce cas, le préfet pouvait décider son transfert sur ce fondement, la substitution de cette base légale à celle du b) n'ayant pas pour effet de priver M. A... d'une garantie et l'administration disposant du même pouvoir d'appréciation. Par suite, la circonstance que la demande d'asile de l'intéressé aurait été rejetée en Italie reste sans incidence sur la légalité de la décision de transfert en litige.

19. En dernier lieu, aux termes de l'article 23 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013, relatif à la " Présentation d'une requête aux fins de reprise en charge lorsqu'une nouvelle demande a été introduite dans l'État membre requérant " : " 1. Lorsqu'un État membre auprès duquel une personne visée à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...) a introduit une nouvelle demande de protection internationale estime qu'un autre État membre est responsable conformément (...) à l'article 18, paragraphe 1, point b) (...), il peut requérir cet autre État membre aux fins de reprise en charge de cette personne. / 2. Une requête aux fins de reprise en charge est formulée aussi rapidement que possible et, en tout état de cause, dans un délai de deux mois à compter de la réception du résultat positif Eurodac ("hit"), en vertu de l'article 9, paragraphe 5, du règlement (UE) n° 603/2013. (...) / 3. Lorsque la requête aux fins de reprise en charge n'est pas formulée dans les délais fixés au paragraphe 2, c'est l'État membre auprès duquel la nouvelle demande est introduite qui est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. ".

20. Aux termes de l'article 25 de ce règlement : " 1. L'État membre requis procède aux vérifications nécessaires et statue sur la requête aux fins de reprise en charge de la personne concernée aussi rapidement que possible et en tout état de cause dans un délai n'excédant pas un mois à compter de la date de réception de la requête. Lorsque la requête est fondée sur des données obtenues par le système Eurodac, ce délai est réduit à deux semaines / 2. L'absence de réponse à l'expiration du délai d'un mois ou du délai de deux semaines mentionnés au paragraphe 1 équivaut à l'acceptation de la requête, et entraîne l'obligation de reprendre en charge la personne concernée, y compris l'obligation d'assurer une bonne organisation de son arrivée ".

21. La situation de M. A..., qui avait déposé des demandes d'asile auprès des autorités italiennes, relevait de l'article 18 paragraphe 1 point b) du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Le préfet de la Haute-Savoie a produit la copie d'un courrier électronique du 26 mars 2018, constituant la " réponse automatique accusant réception " de la demande de transfert de M. A... formulée au moyen de l'application " DubliNet " dans le cadre du règlement Dublin III. Ce document comporte la même référence FRDUB29930104930-380 que celle figurant sur le document non daté émis par les services de la préfecture de l'Isère et destiné aux autorités italiennes, constatant leur " accord implicite et confirmation de reconnaissance de responsabilité " pour la reprise en charge de la demande d'asile de M. A.... Ce dernier document comporte la référence des autorités italiennes concernant ce dossier. Ainsi, la réalité d'une demande de reprise en charge adressée à ces autorités, ayant fait naître leur accord implicite, est établie. Par suite, M. A... n'est pas fondé à soutenir que le préfet n'établit pas l'existence d'une demande de reprise en charge auprès des autorités italiennes.

Sur la légalité de l'arrêté portant assignation à résidence :

22. En premier lieu, l'arrêté contesté a été signé par Mme Florence Gouache, secrétaire générale de la préfecture de Haute-Savoie, disposant à cet effet d'une délégation de signature du 30 avril 2018, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture le 9 mai 2018 pour signer tous arrêtés, décisions, circulaires, rapports, correspondances et documents relevant des attributions de l'Etat dans le département à l'exception d'actes limitativement énumérés parmi lesquels ne figurent pas la décision en litige. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.

23. En second lieu, aux termes de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " I.-L'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, lorsque cet étranger : / 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un État membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 ou fait l'objet d'une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 (...) / Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve que la durée maximale de l'assignation ne puisse excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. (...) ".

24. En se fondant sur le motif tiré de ce que l'éloignement de M. A..., qui ne peut quitter immédiatement le territoire français, demeure une perspective raisonnable, le préfet n'a pas, dans les circonstances de l'espèce, fait une inexacte application des dispositions de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en décidant de l'assigner à résidence.

25. Il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions en litige.

26. Dès lors qu'il est statué sur la requête à fin d'annulation du jugement attaqué, les conclusions du préfet de la Haute-Savoie à fin de sursis à l'exécution de ce jugement sont sans objet.

27. Les dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A... au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804232 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A... sont rejetées.

Article 3 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions du préfet de la Haute-Savoie à fin de sursis à exécution du jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 9 juillet 2018.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie et au procureur de la République près le tribunal de grande instance d'Annecy.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.

3

N° 18LY02702 - 18LY02705


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02702
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095-02-03


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : DJINDEREDJIAN

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-10;18ly02702 ?
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