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10/12/2018 | FRANCE | N°18LY02525

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 10 décembre 2018, 18LY02525


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 30 mai 2018 ordonnant son transfert vers l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801433 du 19 juin 2018, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tri

bunal administratif de Dijon du 19 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du préfet de Saône-et-Loire du 30 mai 2018 ordonnant son transfert vers l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 1801433 du 19 juin 2018, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 6 juillet 2018, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du président du tribunal administratif de Dijon du 19 juin 2018 ;

2°) de rejeter la demande de M. A...devant le tribunal administratif.

Il soutient que c'est à tort que le premier juge s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de saisine des autorités italiennes.

Par un mémoire enregistré le 4 septembre 2018, M.A..., représenté par Me Rothdiener, avocat, conclut :

- au rejet de la requête ;

- à ce qu'il soit enjoint au préfet de Saône-et-Loire de lui délivrer une attestation de demande d'asile " procédure normale " en vertu de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son conseil d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- il n'existe pas de preuve de la saisine des autorités italiennes ;

- la décision contestée méconnaît l'article 13.1 du règlement du 26 juin 2013, le délai de douze mois que prévoit ce texte étant expiré à la date de la décision.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 26 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) no 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Clot, président ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant de Côte-d'Ivoire, né le 19 novembre 1993, est entré en France le 20 novembre 2017 et a sollicité l'asile à la préfecture du Val-d'Oise le 24 janvier 2018. La consultation du fichier Eurodac a révélé qu'il avait franchi la frontière en Italie le 26 mai 2017. Le 30 mai 2018, le préfet de Saône-et-Loire a décidé son transfert vers ce pays pour l'examen de sa demande d'asile. Ce préfet fait appel du jugement par lequel le président du tribunal administratif de Dijon a annulé cette décision.

2. Aux termes de l'article 15 du règlement (CE) n° 1560/2003 : " 1. Les requêtes et les réponses, ainsi que toutes les correspondances écrites entre États membres visant à l'application du règlement (UE) n° 604/2013, sont, autant que possible, transmises via le réseau de communication électronique " DubliNet " établi au titre II du présent règlement (...) 2. Toute requête, réponse ou correspondance émanant d'un point d'accès national visé à l'article 19 est réputée authentique. / 3. L'accusé de réception émis par le système fait foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse ".

3. Il résulte de ce qui précède que le réseau de communication DubliNet permet des échanges d'informations fiables entre les autorités nationales qui traitent les demandes d'asile et que les accusés de réception émis par un point d'accès national sont réputés faire foi de la transmission et de la date et de l'heure de réception de la requête ou de la réponse.

4. Il ressort des pièces du dossier et notamment des copies des accusés de réception DubliNet en date du 19 février 2018, produites par le préfet, comportant le numéro de référence du dossier de M.A..., que les autorités italiennes ont effectivement été saisies, à cette date, d'une demande de prise en charge la concernant et qu'en l'absence de réponse explicite, elles doivent être regardées comme ayant implicitement accepté leur responsabilité. Dès lors, c'est à tort que le président du tribunal administratif s'est fondé sur le motif tiré de l'absence de justification de la réalité d'une demande de prise en charge adressée aux autorités italiennes pour annuler la décision en litige.

5. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyen invoqués par M. A...devant le tribunal administratif et en appel.

6. En premier lieu, aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande et procède à la détermination de l'État responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande de protection internationale introduite dans l'un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, ou en application d'engagements identiques à ceux prévus par le même règlement, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État. (...) ".

7. L'article R. 741-1 dudit code prévoit que : " I.- Lorsqu'un étranger, se trouvant à l'intérieur du territoire français, demande à bénéficier de l'asile, l'enregistrement de sa demande relève du préfet de département et, à Paris, du préfet de police. / Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police pour exercer cette mission dans plusieurs départements. (...) ". Aux termes de l'article R. 742-1 de ce code : " L'autorité compétente pour procéder à la détermination de l'État membre responsable de l'examen d'une demande d'asile, assigner à résidence un demandeur d'asile en application de l'article L. 742-2 et prendre une décision de transfert en application de l'article L. 742-3 est le préfet de département et, à Paris, le préfet de police. (...) Un arrêté conjoint du ministre de l'intérieur et du ministre chargé de l'asile peut donner compétence à un préfet de département et, à Paris, au préfet de police, pour exercer ces missions dans plusieurs départements. "

8. Il ressort des pièces du dossier que M. A... résidait dans le département de Saône-et-Loire à la date de la décision en litige. En conséquence, le préfet de ce département était territorialement compétent pour décider son transfert.

9. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A...a déposé sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile à la préfecture du Val-d'Oise et a bénéficié, le 24 janvier 2018, d'un entretien mené par un agent de la préfecture, qui est un agent qualifié, conformément aux exigences de l'article 5 du règlement (UE) n° 604/2013.

10. En troisième lieu, à l'occasion de cet entretien a été remis à M. A...le guide d'accueil du demandeur d'asile en langue française, ainsi que les deux brochures d'information A " j'ai demandé l'asile dans l'Union européenne - quel pays sera responsable de l'analyse de ma demande ' " et B " je suis sous procédure Dublin - qu'est-ce que cela signifie ' ", également en langue française, langue que M. A...a indiqué comprendre lors de cet entretien. Ainsi, il a reçu en temps utile toutes les informations requises lui permettant de faire valoir ses observations, conformément aux dispositions de l'article 4 du règlement (UE) n° 604/2013.

11. En quatrième et dernier lieu, le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que " la détermination de l'Etat membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un Etat membre ". Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi [...] que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un Etat membre dans lequel il est entré en venant d'un Etat tiers, cet Etat membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière.".

12. Il résulte clairement des dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 que la détermination de l'Etat membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date.

13. Il ressort des pièces du dossier qu'au moment où M. A...a présenté auprès des autorités françaises sa première demande d'asile, il avait franchi irrégulièrement la frontière en Italie depuis moins de douze mois. Il suit de là qu'en application du règlement du 26 juin 2013, ce pays est et demeure, en principe, l'Etat responsable de l'examen de sa demande de protection internationale, ainsi d'ailleurs que l'ont reconnu les autorités italiennes en donnant implicitement leur accord à la prise en charge de l'intéressé.

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le président du tribunal administratif de Dijon a annulé la décision de transfert en litige.

15. Le présent arrêt n'appelant aucune mesure d'exécution, les conclusions de M. A...à fin d'injonction doivent être rejetées.

16. Les dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'a pas la qualité de partie perdante dans la présente instance, verse une somme au conseil de M. A...au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1801433 du président du tribunal administratif de Dijon du 19 juin 2018 est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. A...sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B...A.... Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Pierre Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche , premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 décembre 2018.

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N° 18LY02525


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02525
Date de la décision : 10/12/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-12-10;18ly02525 ?
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