Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) La fée Kali a demandé au tribunal administratif de Lyon de lui accorder la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2007, 2008 et 2009, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts.
Par l'article 1er du jugement 1308800 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les dégrèvements intervenus en cours d'instance, à concurrence de 77 369 euros en droit et 37 217 euros en pénalités s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'année 2008, 5 279 euros en droits et 2 277 euros en pénalités s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'année 2009 et 247 941 euros s'agissant de l'amende fiscale. Par l'article 2 de ce jugement, le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 20 juin 2017 et un mémoire enregistré le 30 novembre 2017, La SARL La fée Kali, représentée par Me Le Viavant, avocat, demande à la cour :
1°) d'annuler l'article 2 de ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 mai 2017 ;
2°) de lui accorder la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés qui lui ont été notifiées au titre des années 2008 et 2009 ;
3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas l'auteur de nombreuses factures retenues dans le cadre de la reconstitution de son chiffre d'affaires ;
- elle propose, à titre principal, une méthode alternative, fondée sur les encaissements ;
- elle propose, à titre subsidiaire, une méthode consistant à ne retenir que les factures transmises par la SARL Sajuco ;
- l'amende qui lui a été infligée sur le fondement de l'article 1759 du code général des impôts n'est pas justifiée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 novembre 2017, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens invoqués par La SARL La fée Kali n'est fondé.
Par une ordonnance du 24 septembre 2018, la clôture de l'instruction a été fixée au 12 octobre 2018.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Fischer-Hirtz, présidente, rapporteure,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public ;
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La fée Kali exerce l'activité d'importation de produits fabriqués en Chine, en particulier des plateformes oscillantes. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle le vérificateur a notamment rejeté sa comptabilité des exercices clos en 2008 et 2009 et reconstitué son chiffre d'affaires. Elle a été assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés portant sur les exercices clos en 2007, 2008 et 2009 et à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée portant sur la période du 1er août 2006 au 30 novembre 2009, notifiés selon la procédure contradictoire, assortis de majorations pour manquement délibéré et de l'amende de 100 % prévue par l'article 1759 du code général des impôts. Par l'article 1er du jugement 1308800 du 16 mai 2017, le tribunal administratif de Lyon a décidé qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les dégrèvements intervenus en cours d'instance, à concurrence de 77 369 euros en droit et 37 217 euros en pénalités s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'année 2008, 5 279 euros en droits et 2 277 euros en pénalités s'agissant de l'impôt sur les sociétés de l'année 2009 et 247 941 euros s'agissant de l'amende fiscale. Par l'article 2 de ce jugement, le tribunal administratif a rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La SARL La fée Kali relève appel de ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de ses conclusions tendant à la réduction des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés des années 2008 et 2009, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, des pénalités correspondantes et de l'amende qui lui a été infligée.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité. La charge de la preuve des graves irrégularités invoquées par l'administration incombe, en tout état de cause, à cette dernière lorsque le litige ou la rectification est soumis au juge. (...) ". En l'espèce, les impositions ont été établies conformément à l'avis de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires.
En ce qui concerne le rejet de la comptabilité :
3. Alors que la SARL La fée Kali a indiqué avoir perdu une partie de sa comptabilité à la suite d'une inondation survenue le 6 septembre 2008, il ressort de la proposition de rectification qu'elle n'a été en mesure de produire aucune facture originale, antérieure ou postérieure à cette inondation. En examinant les documents comptables, le vérificateur a constaté que le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2008, qui s'élève à 816 792,35 euros, a été réalisé à hauteur de 559 686,46 euros avec son principal client, la SARL Sajuco, soit un taux de 69 %. Le chiffre d'affaires de l'exercice clos en 2009, qui s'élève à 400 652,40 euros, a, quant à lui, été réalisé à hauteur de 108 521,57 euros avec ce même client, soit un taux de 27 %. L'administration a exercé son droit de communication auprès de cette société et constaté qu'une partie du chiffre d'affaires réalisé n'avait pas été enregistré. Dans ces conditions, l'administration était fondée à rejeter sa comptabilité, ce qui n'est, au demeurant, pas contesté.
En ce qui concerne la reconstitution de chiffre d'affaires :
S'agissant de l'exposé de la méthode de reconstitution :
4. Le vérificateur s'est borné à reconstituer le chiffre d'affaires provenant des ventes à la SARL Sajuco et a retenu le chiffre d'affaires déclaré s'agissant des autres clients.
5. Tout d'abord, pour reconstituer le chiffre d'affaires provenant des relations commerciales avec la SARL Sajuco, le vérificateur a retenu l'ensemble des factures produites par cette dernière en réponse à l'exercice du droit de communication.
6. Ensuite, faute d'être en mesure de produire les factures établies, la SARL La fée Kali a fourni au vérificateur des documents de travail retrouvés à partir de courriels. Certains de ces documents, qui comportaient la mention " facture ", ont été regardés comme suffisamment précis et sans équivoque pour correspondre à de véritables opérations de vente. D'autres documents, présentant l'apparence de factures portant la mention " pro forma ", ont été regardés comme de véritables factures lorsque le vérificateur a retrouvé un versement correspondant par la SARL Sajuco. Le vérificateur a constaté que certains de ces documents portant la mention " facture " ou " pro forma " ne correspondaient pas aux factures qui lui avaient été communiquées par la SARL Sajuco. Cette dernière a expliqué que certaines factures finales n'avaient pas été reçues et qu'elle avait dû s'acquitter d'acomptes ou du prix total de certaines marchandises avant dédouanement, à réception de factures pro forma. Ces documents portant la mention " facture " ou " pro forma " ont été regardés comme correspondant à l'édition de véritables factures devant rehausser le chiffre d'affaires déclaré, sauf lorsqu'ils correspondaient à des factures déjà fournies par la SARL Sajuco.
7. Le chiffre d'affaires reconstitué correspond ainsi à l'addition, d'une part, des factures fournies par la SARL Sajuco mentionnées au point 6 et, d'autre part, des factures et des factures pro forma fournies par la SARL La fée Kali mentionnées au même point.
8. Enfin, en cours d'instance devant le tribunal administratif, l'administration a admis que les rehaussements de chiffre d'affaires impliquaient aussi la prise en compte des charges déductibles, à concurrence d'un montant de 247 691 euros correspondant à l'évaluation faite par la SARL La fée Kali. Ces charges ont été réparties à concurrence d'un montant de 232 106 euros sur l'exercice clos en 2008 et de 15 835 euros sur l'exercice clos en 2009. L'administration a ainsi prononcé les dégrèvements mentionnés au point 1.
S'agissant des moyens soulevés à l'encontre de la méthode de reconstitution :
9. La SARL La fée Kali expose qu'elle a connu un contentieux avec la SARL Sajuco, cette dernière ayant mis en vente des plateformes oscillantes acquises directement auprès d'un fournisseur chinois et contrefaisant celles qu'elle lui fournissait. Un protocole d'accord signé le 21 février 2008 a mis fin à ce contentieux en prévoyant que la SARL Sajuco s'engageait à se fournir directement auprès de la SARL La fée Kali pour ce produit et à lui reverser une commission de quinze euros. La SARL La fée Kali soutient que la SARL Sajuco n'a pas respecté son accord et a pris contact directement avec son fournisseur chinois sous le nom de la SARL La fée Kali en se localisant en Chine. Ainsi, certaines des factures portant ce nom, transmises par la SARL Sajuco dans le cadre du droit de communication, seraient des factures falsifiées, éditées par cette dernière directement depuis la Chine et portant abusivement le nom de la SARL La fée Kali.
10. Toutefois, contrairement à ce qu'affirme la SARL La fée Kali, l'accord du 21 février 2008 ne prévoyait pas que la SARL Sajuco s'approvisionnerait directement auprès du fournisseur chinois mais, au contraire, qu'elle s'engageait à se fournir auprès de la SARL La fée Kali, cette dernière percevant une commission. Dès lors, l'administration a pu légitimement considérer que la SARL La fée Kali n'avait pas seulement perçu des commissions mais avait aussi acquis les marchandises auprès du fournisseur chinois et engagé des charges à cette occasion.
11. À ce titre, si la SARL La fée Kali affirme que les factures qu'elle émettait et celles abusivement émises à son nom par la SARL Sajuco comporteraient des erreurs de numérotation, cette affirmation est invérifiable dès lors que la société requérante a été dans l'incapacité de produire la moindre facture au soutien de sa comptabilité. Si elle explique aussi l'absence de mention de taxe sur la valeur ajoutée sur certaines factures par le fait qu'elles auraient été établies depuis la Chine par la personne ayant usurpé son nom et qu'elles auraient été soumises au régime des importations, elle reconnaît elle-même ne pas avoir facturé ni collecté de taxe sur la valeur ajoutée sur les commissions perçues en application de l'accord du 21 février 2008 alors que l'administration fait valoir que ces factures comportaient l'ensemble des coordonnées de la SARL La fée Kali. Dans ces conditions, l'administration a pu, tout aussi légitimement, considérer que l'omission de taxe sur la valeur ajoutée sur ces factures n'était pas imputable à l'application du régime des importations par une personne ayant usurpé son nom mais plus simplement à la négligence de la société vérifiée.
12. Dans ces conditions, l'administration était fondée à employer les factures transmises par la SARL Sajuco et celles reconstituées à partir des éléments retrouvés dans les locaux de la SARL La fée Kali pour procéder à la reconstitution du chiffre d'affaires de cette dernière. La SARL La fée Kali, qui supporte la charge de la preuve, n'est pas fondée à soutenir que sa méthode alternative proposée à titre principal, fondée sur les encaissements plutôt que sur les factures émises serait plus pertinente que celle qui a été employée par l'administration, dont les principes sont conformes à une imposition sur la base d'une comptabilité d'engagement, en application des dispositions de l'article 38 du code général des impôts.
13. La SARL La fée Kali demande, à titre subsidiaire, que ne soient prises en compte que les seules factures transmises par la SARL Sajuco, à l'exception des documents issus des courriels cités au point 6 et portant la mention " pro forma " et " facture ". Pour écarter ces documents, la société requérante se borne à affirmer, de façon assez confuse, que le fait d'avoir retenu l'intégralité des documents transmis par la SARL Sajuco reviendrait à admettre la bonne foi de cette dernière, et qu'il conviendrait, dès lors, de considérer que la totalité des factures émises par la SARL La fée Kali ont été transmises par celle-ci. Toutefois, il ressort de la proposition de rectification que la SARL Sajuco a expliqué qu'elle avait été contrainte de procéder à des règlements à réception de factures pro forma. La circonstance que le vérificateur ait retenu la totalité des factures transmises par la SARL Sajuco n'implique pas nécessairement que cette dernière ait transmis la totalité des opérations facturées. Cette autre méthode ne peut donc davantage être retenue.
14. Enfin, la circonstance, à la supposer établie, que la SARL La fée Kali aurait, par erreur, procédé à des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée collectée au titre de la période d'août à novembre 2009 en lieu et place de la période antérieure, constitue un simple retard de déclaration qui ne lui donne droit à aucun dégrèvement.
Sur l'amende fiscale :
15. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %. ".
16. La SARL La fée Kali soutient que la jurisprudence en matière de maître de l'affaire permettait à l'administration, si celle-ci n'avait pas eu " la volonté de dramatiser le dossier ", de mettre à la charge du dirigeant les revenus qualifiés de " distributions irrégulières ". Toutefois, un tel moyen doit être écarté comme dépourvu des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé.
17. Il résulte de ce qui précède que La SARL La fée Kali n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, par voie de conséquence, être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL La fée Kali est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL La fée Kali et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 8 novembre à laquelle siégeaient :
Mme Fischer-Hirtz, présidente de chambre,
M. Souteyrand, président-assesseur,
MmeA..., première conseillère.
Lu en audience publique, le 6 décembre 2018.
La présidente, rapporteure,
C. Fischer-Hirtz Le président assesseur,
E. Souteyrand
La greffière,
E. Labrosse
La République mande et ordonne au ministre de l'Action et des Comptes Publics en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 17LY02495