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27/11/2018 | FRANCE | N°17LY03704

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2018, 17LY03704


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 1705125 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2017, MmeB..., représentée par

Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2017 du magistrat désigné p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme A...B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire pendant un an.

Par un jugement n° 1705125 du 5 octobre 2017, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 24 octobre 2017, MmeB..., représentée par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 octobre 2017 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Isère ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour vie privée et familiale dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et dans l'attente de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocat d'une somme de

1 300 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le premier juge a omis de répondre aux moyens tirés d'une méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et de ce que le préfet s'est estimé à tort lié par le rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile ;

- l'arrêté litigieux est entaché d'erreur manifeste d'appréciation sur sa situation personnelle ;

- il viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

- il méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Mme B...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 décembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Chevalier-Aubert, président assesseur ;

1. Considérant que MmeB..., ressortissante serbe, relève appel du jugement du 5 octobre 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 juillet 2017 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour sur le territoire pendant un an.

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'à l'appui de sa demande de première instance, Mme B...soutenait que l'arrêté contesté méconnaissait les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; qu'il ressort du jugement attaqué que le premier juge, n'a pas répondu à ce moyen, qui n'est pas inopérant ; que par suite, le jugement attaqué est irrégulier et doit être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu de se prononcer immédiatement par la voie de l'évocation sur la demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble ;

Sur la légalité de l'arrêté de l'arrêté du 3 juillet 2017 :

4. Considérant que Mme Violaine Demaret, secrétaire générale de la préfecture de l'Isère, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet en date du 1er février 2017 publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du 6 février 2017 aux fins de signer la décision en litige, délégation étant donnée, en cas d'absence ou d'empêchement de la secrétaire générale, à M. Yves Dareau, secrétaire général adjoint, signataire de la décision ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté litigieux, qui manque en fait, doit être écarté ;

5. Considérant que l'arrêté attaqué énonce clairement les considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde et est, dès lors, régulièrement motivé au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que MmeB..., née le 6 novembre 1973 en ex-Yougoslavie, est entrée en France en août 2012 ; que la cour nationale du droit d'asile a confirmé le 2 septembre 2013, le rejet de sa demande d'asile prononcé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'un refus de titre lui a été opposé le 31 mai 2013, confirmé par le tribunal administratif de Grenoble le 31 décembre 2013 ; que le préfet de l'Isère a, par un arrêté du 22 août 2014 obligé l'intéressée à quitter le territoire ; que le tribunal administratif de Grenoble confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon le 24 avril 2015, a rejeté les demandes d'annulation de Mme B...contre cet arrêté ; que si la requérante se prévaut de la présence en France de sa mère et plusieurs de ses frères et soeurs, elle n'allègue pas être dépourvue d'attaches familiales et personnelles dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente-huit ans ; qu'elle ne justifie d'aucune intégration particulière en France ; que rien ne s'oppose à ce que son fils, né le 17 janvier 2000, l'accompagne en Serbie, où il pourra poursuivre ses études ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation prétendument commise par le préfet, doivent être écartés ;

8. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent être utilement invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; qu'elles sont applicables non seulement aux décisions qui ont pour objet de régler la situation personnelle d'enfants mineurs mais aussi à celles qui ont pour effet d'affecter, de manière suffisamment directe et certaine, leur situation ;

9. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le fils de Mme B...né le 17 janvier 2000, ne pourrait poursuivre sa scolarité en Serbie ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant doit être écarté ;

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que si Mme B...fait valoir qu'elle a été a victime " de très graves violences de la part de ses compagnons successifs " et qu'elle est aujourd'hui menacée par son ancien compagnon, elle n'apporte aucun élément de nature à justifier qu'elle encourt des risques en cas de retour dans son pays d'origine ; que si la ville de naissance de l'intéressée, Kumanovo, n'est pas située en Serbie, comme mentionné par le préfet dans l'arrêté litigieux, cette circonstance est sans conséquence dans la mesure où le préfet n'a commis aucune erreur quant à la nationalité de MmeB... ; qu'il ne résulte ni des termes de la décision en litige ni des autres pièces du dossier que le préfet se serait cru, à tort, lié par les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile sur la demande d'asile de Mme B...et qu'il se serait abstenu de procéder à un examen de sa situation au regard des risques qu'elle serait susceptible d'encourir en cas de retour dans son pays d'origine ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations précitées de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme doit être écarté ;

11. Considérant que la décision portant interdiction de retour pendant un an vise l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte les éléments de fait qui la fondent et notamment la circonstance que l'intéressée se maintient en situation irrégulière depuis quatre ans ; que cette décision est suffisamment motivée ;

12. Considérant que pour les mêmes motifs que ceux évoqués au point 7, le moyen tiré de ce que la décision portant interdiction de retour pendant un an est entachée une erreur manifeste d'appréciation sur sa situation familiale doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté en litige du préfet de l'Isère ; que ses conclusions à fin d'injonction et celles qu'elle présente au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble n° 1705125 en date du 5 octobre 2017 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...devant le tribunal administratif de Grenoble est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018, à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

M. Pierre Thierry, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.

5

N° 17LY03704


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY03704
Date de la décision : 27/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Virginie CHEVALIER-AUBERT
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-27;17ly03704 ?
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