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27/11/2018 | FRANCE | N°17LY00211

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 27 novembre 2018, 17LY00211


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 24 août 2015 par laquelle la directrice de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'enjoindre à la directrice de l'établissement de le réintégrer dans ses fonctions ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506404 du 22 novem

bre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. D... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

1°) d'annuler la décision du 24 août 2015 par laquelle la directrice de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " l'a licencié pour insuffisance professionnelle ;

2°) d'enjoindre à la directrice de l'établissement de le réintégrer dans ses fonctions ;

3°) de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1506404 du 22 novembre 2016, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 17 janvier 2017, M. C..., représenté par la SCP Laure Germain-Phion, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 22 novembre 2016 et la décision de la directrice de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " du 24 août 2015 ;

2°) de mettre à la charge de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le conseil de discipline a rendu son avis dans des conditions irrégulières ;

- l'avis du conseil de discipline n'est pas motivé ;

- la décision en litige est dépourvue de motivation en fait ;

- la matérialité des faits qui lui sont reprochés n'est pas établie et aucune insuffisance professionnelle ne peut être retenue à son encontre.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 mars 2018, l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier ", représenté par Me B... (E...et Associés), avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 89-822 du 7 novembre 1989 relatif à la procédure disciplinaire applicable aux fonctionnaires relevant de la fonction publique hospitalière ;

- du décret n° 2003-655 du 18 juillet 2003 relatif aux commissions administratives paritaires locales et départementales de la fonction publique hospitalière ;

- le décret n° 2007-839 du 11 mai 2007 portant statut particulier du corps des cadres socio-éducatifs de la fonction publique hospitalière ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère,

- les conclusions de M. Samuel Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., représentant l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " ;

1. Considérant que M. C..., entré dans la fonction publique hospitalière le 7 décembre 1987, a été titularisé en qualité d'éducateur spécialisé le 1er mars 1989 au sein de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier ", lequel a pour mission d'accueillir des mineurs et jeunes majeurs de trois à vingt et un ans, puis en qualité de cadre socio-éducatif en 2003 avant d'être promu cadre supérieur socio-éducatif le 1er novembre 2009 ; qu'à ce titre, il était chargé de la gestion de quatre services ; qu'il a été licencié pour insuffisance professionnelle par décision de la directrice de l'établissement public du 24 août 2015 ; que M. C... relève appel du jugement du 22 novembre 2016 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation de cette décision ;

Sur la légalité de la décision du 24 août 2015 :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 88 de la loi du 9 janvier 1986 susvisée : " Hormis le cas d'abandon de poste et les cas prévus aux articles 62 et 93, les fonctionnaires ne peuvent être licenciés que pour insuffisance professionnelle. (...) La décision est prise par l'autorité investie du pouvoir de nomination après observation de la procédure prévue en matière disciplinaire. " ;

En ce qui concerne la légalité externe :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 45 du décret susvisé du 18 juillet 2003 : " Les commissions administratives paritaires départementales sont présidées par le président du conseil de surveillance de l'établissement qui en assure la gestion ou son représentant. En cas d'empêchement, le président de séance est choisi parmi les représentants de l'administration, dans l'ordre de désignation. " ;

4. Considérant qu'il ne ressort d'aucune disposition législative ou réglementaire que le président, lequel est membre à part entière de la commission administrative paritaire et constitue un représentant de l'administration, ne disposerait pas d'un droit de vote, que nécessite d'ailleurs le respect du principe de parité ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé du 7 novembre 1989 : " Le conseil de discipline délibère en dehors de la présence de toute personne qui n'est pas membre du conseil, son secrétaire excepté " ;

6. Considérant qu'à supposer même que le rapporteur et le défenseur de M. C... n'aient pas quitté la salle lors du vote des membres de la commission administrative paritaire, ce dont le procès verbal ne permet pas de s'assurer avec certitude, il est constant que ces derniers ont émis un avis défavorable au licenciement de M. C... pour insuffisance professionnelle par quatre voix contre deux ; que, dans ces conditions, cette irrégularité ne saurait, en tout état de cause, avoir privé M. C... d'une garantie ou eu une influence sur le sens de la décision en litige ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée : " (...) Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. L'avis de cet organisme de même que la décision prononçant une sanction disciplinaire doivent être motivés. " ; qu'aux termes de l'article 9 du décret du 7 novembre 1989 : " Le conseil de discipline, compte tenu des observations écrites et des déclarations orales produites devant lui, ainsi que des résultats de l'enquête à laquelle il a pu être procédé, émet un avis motivé sur les suites qui lui paraissent devoir être réservées à la procédure disciplinaire engagée. " ;

8. Considérant que la décision en litige a été prise au visa du procès verbal de la séance de la commission administrative paritaire du 17 juillet 2015, lequel mentionne les faits reprochés à M. C... et indique le résultat du vote ainsi que le décompte des voix ; que ce procès-verbal doit être regardé comme exprimant l'avis de ladite commission découlant nécessairement des faits en cause ; qu'ainsi, l'avis donné par la commission administrative paritaire en fonction des circonstances ainsi relatées par le procès-verbal, défavorable au licenciement de M. C... pour insuffisance professionnelle, doit, dans les circonstances de l'espèce , être regardé comme suffisamment motivé au regard des dispositions précitées de la loi du 13 juillet 1983 ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 11 du décret susvisé du 7 novembre 1989 : " L'avis émis par le conseil de discipline est communiqué sans délai au fonctionnaire intéressé ainsi qu'à l'autorité qui exerce le pouvoir disciplinaire. Celle-ci statue par décision motivée. " ;

10. Considérant que la décision en litige expose de manière circonstanciée les faits reprochés à M. C... ; qu'en outre, elle se réfère au rapport du 22 juin 2015 relatant de manière détaillée les éléments de fait sur lesquels s'est fondée la directrice de l'établissement public " le Village du Fier " pour prendre cette décision ; qu'elle est, par suite, suffisamment motivée ;

En ce qui concerne la légalité interne :

11. Considérant que, pour prononcer le licenciement de M. C... pour insuffisance professionnelle, la directrice de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " s'est fondée sur des dysfonctionnements constatés au niveau du management et de la gestion des équipes, de la gestion budgétaire et financière et de la gestion administrative ;

12. Considérant qu'il ressort du rapport établi le 22 juin 2015 par la directrice adjointe de l'établissement, corroboré par les attestations de trois collègues de M. C..., que des dysfonctionnements ont affecté la gestion des plannings des éducateurs et veilleurs de nuit exerçant dans les services soumis à sa responsabilité, suscitant des mécontentements et une surcharge de travail pour les autres cadres chargés d'assurer la permanence de ses services lors de ses absences ; que, si M. C... soutient que ces dysfonctionnements existaient avant son arrivée et ne lui sont pas imputables, ce dont atteste le fait qu'une nouvelle organisation a été mise en place en avril 2013 pour la gestion des plannings de tous les veilleurs de nuit, il n'a pas délégué, comme il aurait pu le faire et comme le faisaient ses collègues, le calcul des heures réalisées au secrétariat et a laissé perdurer cette situation sans en alerter la direction de l'établissement ; qu'il ressort, par ailleurs, des pièces du dossier que M. C... a fait preuve de laxisme dans le suivi budgétaire de ses services, des dépassements de dépenses étant régulièrement constatés, dans les restrictions d'utilisation des véhicules de service par les éducateurs et dans le suivi des équipements et mobiliers de l'un des services placés sous sa responsabilité, lequel n'a pas fait l'objet de remises en état suffisamment régulières ; qu'en outre, M. C... a, sans solliciter préalablement l'avis de la direction, donné son accord pour qu'un mineur, réalisant un stage sans véritable convention avec un organisme de formation, soit néanmoins rémunéré par l'établissement entre octobre 2012 et avril 2013, situation assimilable au financement par de l'argent public d'un travail dissimulé et qui aurait pu, en cas de problème, engager la responsabilité de la directrice de l'établissement ; que, si cette dernière a admis que la décision de M. C... était justifiée sur un plan éducatif, elle a également relevé, à juste titre, qu'il ne pouvait, en sa qualité de cadre, cautionner une telle situation ; qu'enfin, il ressort des pièces du dossier que M. C... n'informait pas suffisamment la direction de l'établissement, les tiers, comme les services de l'aide sociale à l'enfance, ou ses collègues ; qu'ainsi, le cadre qui a repris la gestion de ses services après son départ en avril 2013 atteste que M. C... ne lui a pas transmis d'éléments sur le suivi des heures réalisées par l'équipe ou sur l'état des lieux des congés pris et que ne figuraient pas ou peu au dossier de notes d'information ou d'incident ; que la matérialité des défaillances ainsi reprochées à M. C... est établie par le rapport du 22 juin 2015 et les attestations produites par l'établissement ; que, si M. C... soutient que la progression de sa notation a été constante, il ressort de ses fiches de notation que les appréciations portées sur sa manière de servir ont été à plusieurs reprises assorties de réserves, qui correspondent d'ailleurs aux griefs qui lui sont faits dans le cadre de son licenciement ; que l'absence de fiche de poste pour la fonction de cadre est sans incidence sur la légalité de la décision en litige, M. C... n'ignorant pas quelles étaient les missions dévolues aux cadres de l'établissement et ayant lui-même reconnu, lors de l'entretien préalable du 12 juin 2015, qu'il connaissait sa fiche de poste et regrettait seulement qu'elle ne soit pas formalisée par écrit ; que les faits sur lesquels est fondée la décision en litige, qui sont matériellement établis, étaient de nature, contrairement à ce que soutient le requérant, à justifier son licenciement pour insuffisance professionnelle ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les frais non compris dans les dépens :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier ", qui n'est pas partie perdante, la somme que demande M. C... au titre des frais non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. C... le versement d'une somme au titre des frais non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier " tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... C... et à l'établissement public départemental autonome " Le Village du Fier ".

Délibéré après l'audience du 6 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Jean-François Alfonsi, président de chambre,

Mme Virginie Chevalier-Aubert, président assesseur,

Mme Nathalie Peuvrel, première conseillère.

Lu en audience publique, le 27 novembre 2018.

3

N° 17LY00211

mg


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 17LY00211
Date de la décision : 27/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-06-03 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions. Licenciement. Insuffisance professionnelle.


Composition du Tribunal
Président : M. ALFONSI
Rapporteur ?: Mme Nathalie PEUVREL
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : SCP LAURE GERMAIN-PHION ET ESTELLE SANTONI

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-27;17ly00211 ?
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