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26/11/2018 | FRANCE | N°18LY03683

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 18LY03683


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1805247, 1805248 du 18 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2018, M. A...,

représenté par la Selarl Alban Costa, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du m...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 juillet 2018 par lesquelles le préfet de l'Isère a ordonné son transfert aux autorités italiennes pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1805247, 1805248 du 18 août 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 2 octobre 2018, M. A..., représenté par la Selarl Alban Costa, avocat, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 18 août 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 2 000 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- le préfet n'a pas produit l'arrêté l'assignant à résidence, que lui-même ne détient plus ; dès lors, soit le tribunal administratif a statué sur la légalité de cet arrêté sans que celui-ci soit produit, soit le préfet a produit cet arrêté devant le tribunal administratif, qui a statué sur la base d'une pièce qui ne lui a pas été communiquée ; en conséquence, le jugement attaqué est irrégulier ;

- l'administration n'a pas produit l'entier dossier, comme le lui impose l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le tribunal administratif a négligé de répondre au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 5 septembre 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (CE) n° 1560/2003 de la Commission du 2 septembre 2003 modifié par le règlement (UE) n° 118/2014 de la Commission du 30 janvier 2014 ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M.A..., ressortissant camerounais né le 14 septembre 1988, a déposé une demande d'asile en France le 11 avril 2018. Le préfet de l'Isère a saisi les autorités italiennes d'une demande de reprise en charge le 30 mai 2018, après avoir constaté que sa demande d'asile relevait de la responsabilité de l'Italie sur le fondement de l'article 18-1 b du règlement (UE) n° 604/2013. Les autorités italiennes ont donné leur accord implicite le 13 juin 2018. Le 16 juillet 2018, le préfet de l'Isère a ordonné son transfert vers l'Italie pour l'examen de sa demande d'asile et l'a assigné à résidence. M. A... relève appel du jugement par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 412-1 du code de justice administrative : " La requête doit, à peine d'irrecevabilité, être accompagnée, sauf impossibilité justifiée, de l'acte attaqué (...). " Aux termes de l'article R. 776-18 du même code, applicable au contentieux des décisions de transfert vers l'État responsable de l'examen d'une demande d'asile, en vertu de l'article R. 777-3-9 de ce code : " (...) Les décisions attaquées sont produites par l'administration. "

3. Il ressort des pièces du dossier que la demande de M. A... devant le tribunal administratif, tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence, n'a été produite ni par l'intéressé ni par le préfet. Dès lors, en se prononçant, dans ces conditions, sur la légalité de cette décision, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité.

4. En deuxième lieu, l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre État peut faire l'objet d'un transfert vers l'État responsable de cet examen. (...) ". Le II de l'article L. 742-4 du même code prévoit que : " Lorsqu'une décision de placement en rétention prise en application de l'article L. 551-1 ou d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 561-2 est notifiée avec la décision de transfert, l'étranger peut, dans les quarante-huit heures suivant leur notification, demander au président du tribunal administratif l'annulation de la décision de transfert et de la décision d'assignation à résidence. / Il est statué sur ce recours selon la procédure et dans les délais prévus au III de l'article L. 512-1. (...) ". Aux termes du troisième alinéa du III de l'article L. 512-1 dudit code : " L'étranger peut demander au président du tribunal administratif ou au magistrat désigné à cette fin (...) la communication du dossier contenant les pièces sur la base desquelles la décision contestée a été prise. "

5. Il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a communiqué au tribunal l'ensemble des pièces sur la base desquelles ont été prises les décisions contestées et que ces productions ont été communiquées au conseil de M. A.... Le premier juge, qui n'a pas statué sur la légalité de la décision de transfert en litige au vu d'un dossier incomplet, n'a donc pas commis d'irrégularité en ne prescrivant pas la production par l'administration de pièces supplémentaires. Il n'a pas davantage méconnu le principe du caractère contradictoire de la procédure.

6. En troisième et dernier lieu, le paragraphe 2 de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 du Conseil du 26 juin 2013 prévoit que " la détermination de l'État membre responsable en application des critères énoncés dans le présent chapitre se fait sur la base de la situation qui existait au moment où le demandeur a introduit sa demande de protection internationale pour la première fois auprès d'un État membre ".

7. Aux termes du paragraphe 1 de l'article 13 du même règlement : " Lorsqu'il est établi [...] que le demandeur a franchi irrégulièrement, par voie terrestre, maritime ou aérienne, la frontière d'un État membre dans lequel il est entré en venant d'un État tiers, cet État membre est responsable de l'examen de la demande de protection internationale. Cette responsabilité prend fin douze mois après la date du franchissement irrégulier de la frontière. "

8. En application du 4 de l'article 24 du règlement (UE) 603/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013, les demandeurs d'une protection internationale visés à l'article 9, paragraphe 1 dudit règlement qui font l'objet d'un relevé d'empreintes digitales, sont enregistrés dans le système central Eurodac sous la catégorie 1.

9. Il résulte clairement des dispositions de l'article 7 du règlement (UE) n° 604/2013 que la détermination de l'État membre en principe responsable de l'examen de la demande de protection internationale s'effectue une fois pour toutes à l'occasion de la première demande d'asile, au vu de la situation prévalant à cette date. Il résulte également de la combinaison des dispositions précitées, que les critères prévus à l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 ne sont susceptibles de s'appliquer que lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente une demande d'asile pour la première fois depuis son entrée sur le territoire de l'un ou l'autre des États membres et qu'en particulier, les dispositions de cet article ne s'appliquent pas, lorsque le ressortissant d'un pays tiers présente, fût-ce pour la première fois, une demande d'asile dans un État membre après avoir déposé une demande d'asile dans un autre État membre, que cette dernière ait été rejetée ou soit encore en cours d'instruction.

10. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du courrier des services du ministère de l'intérieur du 11 avril 2018 communiquant au préfet le résultat positif des recherches effectuées dans le fichier Eurodac, sous la catégorie 1, que M. A... a sollicité l'asile en Italie, où ses empreintes digitales ont été relevées le 28 avril 2016. Par suite, les critères précités de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 n'étaient pas applicables à la demande d'asile présentée postérieurement par M. A... en France, le 11 avril 2018, qui ne constituait pas une première demande d'asile présentée sur le territoire de l'Union Européenne. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 13 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ne peut être utilement invoqué à l'encontre de la décision de transfert contestée. Par suite, le premier juge n'a pas commis d'irrégularité en ne répondant pas à ce moyen inopérant.

11. Il résulte de ce qui précède que M. A... est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision l'assignant à résidence.

12. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du conseil de M. A... tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : En tant qu'il statue sur les conclusions de M. A... à fin d'annulation de la décision l'assignant à résidence, le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble du 18 août 2018 est annulé.

Article 2 : M. A... est renvoyé devant le président du tribunal administratif de Grenoble pour qu'il soit statué sur ses conclusions mentionnées à l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Grenoble.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

N° 18LY03683 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY03683
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

095


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : SELARL ALBAN COSTA

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;18ly03683 ?
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