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26/11/2018 | FRANCE | N°18LY02383

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 18LY02383


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au président du tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités maltaises en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que la décision du 25 mai 2018 par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1803605 du 28 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par un

e requête enregistrée le 28 juin 2018, M. A..., représenté par Me Caron, avocate, demande à la cour...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au président du tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 18 mai 2018 par laquelle le préfet du Rhône a décidé son transfert aux autorités maltaises en vue de l'examen de sa demande d'asile, ainsi que la décision du 25 mai 2018 par laquelle ce préfet l'a assigné à résidence.

Par un jugement n° 1803605 du 28 mai 2018, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 28 juin 2018, M. A..., représenté par Me Caron, avocate, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 28 mai 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour en qualité de demandeur d'asile, dans le délai de sept jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- la décision de transfert est illégale, la demande aux autorités maltaises visant à sa prise en charge ayant été formulée après l'expiration du délai de trois mois prévu par les dispositions du 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 ;

- la décision l'assignant à résidence est illégale par voie de conséquence.

Par un mémoire enregistré le 26 octobre 2018, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête.

Il indique qu'il s'en rapporte à ses écritures de première instance et que M. A... a été reconduit à Malte.

M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant libérien né le 15 juin 1975, est entré irrégulièrement en France le 11 décembre 2017, selon ses déclarations. Le 26 janvier 2018, il a demandé son admission au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services de la préfecture du Rhône. Le préfet, par décision du 18 mai 2018, a décidé de transférer l'intéressé vers la République de Malte, qui lui a délivré un visa le 23 novembre 2017 et qui a expressément accepté, le 13 avril 2018, de prendre en charge l'examen de sa demande d'asile. Par décision du 25 mai 2018, le préfet du Rhône l'a assigné à résidence. M. A... a contesté ces décisions devant le tribunal administratif de Lyon, qui a rejeté sa demande par jugement du magistrat désigné par le président de cette juridiction en date du 28 mai 2018, dont il fait appel.

2. Aux termes de l'article 20 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 : " 1. Le processus de détermination de l'État membre responsable commence dès qu'une demande de protection internationale est introduite pour la première fois auprès d'un État membre. / 2. Une demande de protection internationale est réputée introduite à partir du moment où un formulaire présenté par le demandeur ou un procès-verbal dressé par les autorités est parvenu aux autorités compétentes de l'État membre concerné. Dans le cas d'une demande non écrite, le délai entre la déclaration d'intention et l'établissement d'un procès-verbal doit être aussi court que possible. (...) ".

3. Aux termes de l'article 21 du même règlement : " 1. L'État membre auprès duquel une demande de protection internationale a été introduite et qui estime qu'un autre État membre est responsable de l'examen de cette demande peut, dans les plus brefs délais et, en tout état de cause, dans un délai de trois mois à compter de la date de l'introduction de la demande au sens de l'article 20, paragraphe 2, requérir cet autre État membre aux fins de prise en charge du demandeur. / (...) Si la requête aux fins de prise en charge d'un demandeur n'est pas formulée dans les délais fixés par le premier et le deuxième alinéas, la responsabilité de l'examen de la demande de protection internationale incombe à l'État membre auprès duquel la demande a été introduite. (...) ".

4. La Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit dans l'arrêt C-670/16 du 26 juillet 2017, que le paragraphe 2 de l'article 20 du règlement (UE) n° 604-2013 susvisé devait être interprété en ce sens qu'une demande de protection internationale est réputée introduite lorsqu'un document écrit, établi par une autorité publique et attestant qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité la protection internationale, est parvenu à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement et, le cas échéant, lorsque seules les principales informations figurant dans un tel document, mais non celui-ci ou sa copie, sont parvenues à cette autorité. La cour a également précisé, dans cet arrêt, que, pour pouvoir engager efficacement le processus de détermination de l'État responsable, l'autorité compétente a besoin d'être informée, de manière certaine, du fait qu'un ressortissant de pays tiers a sollicité une protection internationale, sans qu'il soit nécessaire que le document écrit dressé à cette fin revête une forme précisément déterminée ou qu'il comporte des éléments supplémentaires pertinents pour l'application des critères fixés par le règlement Dublin III ou, a fortiori, pour l'examen au fond de la demande, et sans qu'il soit nécessaire à ce stade de la procédure qu'un entretien individuel ait déjà été organisé (point 88).

5. L'article 6, paragraphe 1 de la directive 2013/32/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative à des procédures communes pour l'octroi et le retrait de la protection internationale dispose : " 1. Lorsqu'une personne présente une demande de protection internationale à une autorité compétente en vertu du droit national pour enregistrer de telles demandes, l'enregistrement a lieu au plus tard trois jours ouvrables après la présentation de la demande./ Si la demande de protection internationale est présentée à d'autres autorités qui sont susceptibles de recevoir de telles demandes, mais qui ne sont pas, en vertu du droit national, compétentes pour les enregistrer, les États membres veillent à ce que l'enregistrement ait lieu au plus tard six jours ouvrables après la présentation de la demande. " Ces dispositions ont été transposées en droit interne, notamment par les articles L. 741-1, L. 744-1 et R. 741-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vertu desquelles tout étranger souhaitant demander l'asile se présente en personne à l'autorité administrative compétente, qui enregistre sa demande, en principe, au plus tard trois jours ouvrés après sa présentation, procède à la détermination de l'État responsable en application du règlement (UE) n° 604/2013, et qui peut prévoir que la demande est présentée auprès de la personne morale à laquelle a été déléguée, par convention, la possibilité d'assurer certaines prestations d'accueil, d'information et d'accompagnement social et administratif des demandeurs d'asile pendant la période d'instruction de leur demande.

6. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la présentation d'une demande d'asile auprès de la structure de pré-accueil à laquelle ont été déléguées les missions de renseigner en ligne le formulaire de demande pour le compte du demandeur d'asile, de vérifier le caractère complet du dossier, de fournir des photographies, de prendre rendez-vous avec le guichet unique pour le demandeur d'asile et de lui remettre une convocation constitue le point de départ du délai mentionné au 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013, dès le moment où cette demande est parvenue à l'autorité chargée de l'exécution des obligations découlant de ce règlement, c'est à dire dès que le formulaire de demande d'asile, renseigné en ligne par la structure de pré-accueil, a été transmis de manière dématérialisée au guichet unique de la préfecture. D'autre part, il n'est pas nécessaire, pour que ce délai commence à courir, que l'ensemble des éléments pertinents pour l'application des critères fixés par le règlement Dublin III ou, à plus forte raison, pour l'examen au fond de la demande aient été recueillis, un tel recueil pouvant être effectué dans un deuxième temps, et notamment au moment de l'enregistrement de cette demande, qui doit avoir lieu dans les trois jours de sa présentation.

7. Il ressort des pièces du dossier que le 26 décembre 2017, M. A... s'est vu délivrer une convocation en vue d'un entretien au guichet unique prévu le 26 janvier 2018. Ainsi, le 26 décembre 2017, le guichet unique de l'autorité compétente pour enregistrer la demande de protection internationale de M. A... avait connaissance de l'intention de celui-ci de formuler une demande d'asile. Dès lors, cette date marque le point de départ du délai de trois mois prévu au 1 de l'article 21 du règlement (UE) n° 604/2013. Par suite, le 30 mars 2018, date de la demande de prise en charge adressée aux autorités de la République de Malte, ce délai était expiré. En conséquence, même si les autorités maltaises ont accepté cette prise en charge, la décision de transfert intervenue le 25 mai 2018 est entachée d'illégalité, de même, par voie de conséquence, que la décision portant assignation à résidence de l'intéressé en vue de l'exécution de cette mesure.

8. Il résulte de ce qui précède que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. Aux termes de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si la décision de transfert est annulée, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au livre V. L'autorité administrative statue à nouveau sur le cas de l'intéressé. "

10. Le présent arrêt implique seulement que l'autorité administrative compétente statue à nouveau sur le cas de M. A..., dans le délai d'un mois à compter de la notification de cet arrêt.

Sur les frais liés au litige :

11. M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, sous réserve que Me Caron, avocate de M. A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le paiement à cet avocat d'une somme de 800 euros au titre des frais liés au litige.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Lyon du 28 mai 2018 et les décisions du préfet du Rhône des 18 et 25 mai 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet du Rhône d'examiner à nouveau la situation dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'État versera à Me Caron la somme de 800 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à la contribution de l'État à l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône et au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Lyon.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

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N° 18LY02383


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02383
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : CARON

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;18ly02383 ?
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