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26/11/2018 | FRANCE | N°18LY02347

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre b - formation à 3, 26 novembre 2018, 18LY02347


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Mme B... C... a demandé au tribunal administr

atif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Mme B... C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 19 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai de départ volontaire, lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans et a procédé à son signalement aux fins de non admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 1800267, 1800268 du 26 mars 2018, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 25 juin 2018, M. D... et Mme C..., représentés par Me Huard, avocat, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 mars 2018 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de supprimer leur signalement dans le système d'information Schengen et de leur délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer leurs demandes de titre de séjour et, dans l'attente, de leur délivrer un récépissé de demande de titre séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement à leur conseil d'une somme de 1 500 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- s'agissant du refus de titre de séjour opposé à Mme C..., il appartenait au préfet de justifier de la désignation du collège des trois médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ayant donné un avis sur son état de santé ; à défaut, cet avis est irrégulier ; c'est à tort que le tribunal administratif a procédé à une substitution de base légale en ce qui concerne la version applicable du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, cette substitution pouvant modifier le sens de la décision ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a écarté le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, compte tenu de la durée de leur présence en France et de ce que leur enfant les accompagne ;

- ils reprennent les moyens de leurs demandes devant le tribunal administratif, tirés de l'insuffisante motivation des décisions contestées, de la méconnaissance, en ce qui concerne Mme C..., du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 de ce code et de l'erreur manifeste d'appréciation et de ce que les décisions portant interdiction de retour sont entachées d'erreur de fait.

En application de l'article R. 611-8 du code de justice administrative, l'affaire a été dispensée d'instruction.

M. D...et Mme C...ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 mai 2018.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

M. D... et Mme C... ayant été régulièrement avertis du jour de l'audience ;

Le rapport de M. Clot, président, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;

Considérant ce qui suit :

1. M. D... et Mme C..., de nationalité russe, sont entrés en France sous couvert d'un visa de tourisme, respectivement, le 30 juillet 2010 et le 9 avril 2011. Le statut de réfugié leur a été refusé par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) le 21 février 2011 et par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 3 avril 2014. Leurs demandes de réexamen ont également été rejetées par l'OFPRA le 26 décembre 2014 et par la CNDA le 10 juin 2015. Le 4 mars 2015, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour et leur a fait obligation de quitter le territoire français. Leurs recours contre ces arrêtés ont été rejetés par jugement du tribunal administratif de Grenoble du 23 décembre 2015. Ils ont ensuite présenté une demande de titre de séjour, sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour M. D... et sur celui du 11° de l'article L. 313-11 du même code pour Mme C.... Le 19 décembre 2017, le préfet de l'Isère leur a opposé des refus qu'il a assortis de décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour pour une durée de deux ans. M. D... et Mme C... interjettent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions.

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. (...) ".

3. L'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile prévoit que : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu (...) d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".

4. Selon l'article R. 313-23 du même code, dans sa rédaction alors applicable : " Le rapport médical visé à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui le suit habituellement ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22. (...) Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / Sous couvert du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration le service médical de l'office informe le préfet qu'il a transmis au collège de médecins le rapport médical. (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'office. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) ".

5. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure.

6. En l'espèce, s'agissant de la demande de titre de séjour présentée par Mme C..., le préfet de l'Isère a produit devant le tribunal administratif l'avis émis, le 23 octobre 2017, par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII). Ce document comporte notamment le nom et la signature des trois médecins qui l'ont rendu. En l'absence de tout élément permettant de penser que ces médecins n'avaient pas été régulièrement désignés, le préfet n'avait pas, contrairement à ce que soutiennent les requérants, à justifier de leur désignation.

7. En deuxième lieu, le refus de titre de séjour opposé à Mme C... vise notamment le 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et mentionne " qu'un avis médical a été rendu le 23 octobre 2017 par le collège des médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration précisant que si l'état de santé de l'intéressée nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, un traitement approprié existe effectivement dans son pays d'origine ; que, de plus, son état de santé lui permet de voyager sans risque vers le pays d'origine ". L'avis médical auquel se réfère la décision indique que le demandeur, " eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ". Dès lors, il ne résulte pas de la motivation de sa décision que le préfet n'aurait pas vérifié si l'intéressée peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays dont elle est originaire et qu'il se serait fondé sur la version du 11° de l'article L. 313-11 antérieure à celle, alors applicable, issue de la loi n° 2016-274 du 7 mars 2016. Par suite, même si les premiers juges ont estimé que ces dispositions devaient être substituées à celles qui auraient été appliquées à tort par le préfet, cette substitution est restée sans incidence sur la régularité ou le bien-fondé de leur jugement.

8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

9. M. D... et Mme C... font valoir qu'ils résident en France depuis, respectivement, sept et six années et qu'ils sont parents d'une enfant née en France. Toutefois, après le rejet de leurs demandes d'asile et de leurs demandes de réexamen, ils ont fait l'objet d'une première obligation de quitter le territoire français qu'ils se sont abstenus d'exécuter. Ainsi, eu égard aux conditions et à la durée de leur séjour en France, en leur refusant un titre de séjour et en leur faisant obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas, au regard des buts poursuivis, porté une atteinte disproportionnée à leur droit au respect de leur vie privée et familiale. Par suite, il n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

10. Enfin, M. D... et Mme C... déclarent reprendre les moyens de leurs demandes devant le tribunal administratif, tirés de l'insuffisante motivation des décisions contestées, de la méconnaissance, en ce qui concerne Mme C..., du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de la méconnaissance du 7° de l'article L. 313-11 de ce code et de l'erreur manifeste d'appréciation et de ce que les décisions leurs faisant interdiction de retour sont entachées d'erreur de fait. Ces moyens doivent être écartés pour les mêmes motifs que ceux retenus par le tribunal administratif, qu'il y a lieu pour la cour d'adopter.

11. Il résulte de ce qui précède que M. D... et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction et celles de leur conseil tendant à l'application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. D... et Mme C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D..., à Mme B...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 5 novembre 2018 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

M. Seillet, président assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 novembre 2018.

N° 18LY02347 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre b - formation à 3
Numéro d'arrêt : 18LY02347
Date de la décision : 26/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335 Étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: M. Jean-Pierre CLOT
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2018-11-26;18ly02347 ?
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